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BUCAREST CENTENAIRE - Bucarest, le Petit Paris

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Wikimedia / Britchi Mirela
Écrit par Bucarest/Centenaire
Publié le 18 décembre 2018, mis à jour le 19 décembre 2018

On dit souvent que les personnes âgées sont nostalgiques du fait de leur appartenance à une certaine matrice culturelle, considérée par les générations suivantes comme étant disparue ou dépassée. Le Petit Paris se métamorphosait petit à petit, dans l’épicentre des élites roumaines de tous les domaines : politiques, militaires, commerciaux et artistiques. La haute société bucarestoise et l’intelligentsia avaient pris goût aux bals rythmés par le quadrille français, aux salons littéraires et au cosmopolitisme intensément promu en Occident.

 

 

Bucarest était devenue la capitale d’un royaume uni, pittoresque, influencé par un fort élan économique. Mise en valeur par le dernier boyard de la famille des Balaceni, celui-ci nous raconte, sur un ton légèrement critique, l’histoire d’une ville qui avait un aspect plus beau, plus élégant, plus homogène qu’aujourd’hui après que son harmonie stylistique parisienne de type Art Nouveau ait été agressée par des constructions appartenant à des temps nouveaux, des constructions ayant certes leurs avantages, mais qui, dans une certaine mesure, l’ont enlaidie.

 

Les rues avaient un charme désuet : les maisons émanaient un air de mystère qui fascinait les Roumains tout comme les touristes étrangers. Les institutions publiques frappaient par leur monumentalité attribuée à l’ordre colossal et à la sévérité de l’académisme français. La mode des magasins universels avait commencé, hauts d’au moins deux étages, avec ascenseur et escalator ; leurs rayons vendant surtout les marchandises françaises. Les vieux jardins et les parcs publics nous rappellent un peu les espaces verts de l’Ermitage de Russie, car, au modèle français, s’ajoutaient des sculptures et des monuments d’inspiration anglaise ou viennoise.

 

En avançant sur calea Victoriei, vis-à-vis de la rue Sevastopol, notre regard est attiré par la résidence d’Alexandrine Pallady ou Didina Canacuzino, une des grandes dames de la Roumanie moderne, morte à l’âge de 63 ans, en 1944, sans avoir connu les misères du communisme. La maison d’une des premières féministes de l’espace roumain a été conçue par Ioan D. Berindei, dans son style spécifique. En érigeant ce véritable hôtel parisien aristocratique, l’architecte misait sur le même éclectisme français qui caractérisait la majorité de ses œuvres ; on y trouvait ainsi et les marquises en verre et les portes monumentales en fer forgé.

 

Ci et là on peut apercevoir les bâtisses connues sous le nom de maisons patriarcales à un seul niveau, qui ne disposaient que d’un rez-de-chaussée étendu. Un exemple éloquent pourrait être la maison de Costica Manu, fils du général Gheorghe Manu, qui avait obtenu la capitulation du Vidin au temps de la Guerre d’Indépendance. A ses côtés, comme pour mieux contraster, on se laisse charmés par la maison Gradisteanu-Ghica ; construite par un architecte français, Jules Bethet, dans un style éclectique avec des éléments Renaissance, pour Constantin Gradisteanu et sa femme, Elena. On peut facilement être enchanté par les colonnes ioniques, qui encadrent les monumentales fenêtres voûtées, au-dessus desquelles trônent différents insignes héraldiques ou des groupes statuaires allégoriques. Nous revenons ainsi à la technique du fer forgé, provenant de l’espace français, pour reproduire des modèles végétaux ou offrir une once de raffinement aux vitraux extérieurs.

 

Cette parade des résidences de boyards du Bucarest de l’entre-deux-guerres ne pourrait s’achever sans la maison de l’homme d’affaires Grigore Constantinescu-Monteoru. Ce même professeur, Constantin Balaceanu-Stolnici, nous témoigne qu’elle appartenait à la grande bourgeoisie roumaine, étant d’une beauté élégante qui exprimait le raffinement des élites roumaines de la fin du XIXe siècle. Sa rénovation a été réalisée par deux architectes roumains, Ion Mincu et Nicolae Cutarida, préférant un style éclectique avec, sur la façade, un balcon intéressant avec deux colonnes et une coupole impressionnante. Il n’y manquait ni les escaliers monumentaux, ni les salons somptueux, ni les dépendances de la maison.

 

Toutes ces dernières ont le pouvoir de nous rappeler que dans le petit Paris de la Roumanie réunie, résonnaient, à l’unisson, le trot des chevaux, les accords des orgues de Barbarie, les rires des enfants et les marchandages des commerçants. Des restes candides d’un monde qui n’est plus.

 

 

 

Surces: E-arhitecture.ro, Arhivadearhitectura.ro

Constantin Bălăceanu-Stolnici, Mémoires d’un boyard de bonne famille, (article complet apparu dans la Revue Clipa, consulté sur le site Boieri.wordpress.com) 

 

Ana Maria Rosca 

 

 
 

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Bucarest/Centenaire
Publié le 18 décembre 2018, mis à jour le 19 décembre 2018

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