Après avoir dirigé la marque des eaux minérales Dorna, qu'il a revendue à Coca Cola, Jean Valvis a créé Aqua Carpatica et ses célèbres bouteilles au bouchon noir. Grand spécialiste des eaux minérales, il estime que les Carpates sont une région privilégiée au niveau mondial.
Photo : Jean Valvis
Le Petitjournal.com/Bucarest - Pourquoi les sous-sols de Roumanie sont-ils aussi généreux en eaux minérales ?
Jean Valvis - Il faut remonter à la formation géologique des Carpates, qui a précédé celle des Alpes. Les Carpates ont d'abord été des volcans avant de se transformer en montagnes, qui sont aujourd'hui vallonnées et recouvertes de forêts de sapins. L'arc Carpatique, qui se trouve dans sa majorité en Roumanie, a une longueur de 1600 km et une largeur qui varie de 20 km à 50 km. Il suffit de faire un petit calcul pour se rendre compte que cela fait une belle surface de réception de la pluie, car toutes les eaux minérales sont d'abord des gouttes qui tombent du ciel. Une grande quantité d'eau est donc captée dans les sols qui ne sont pas ou très peu contaminés par l'activité humaine. L'engrais n'a pas été utilisé dans les Carpates, car les terres n'ont pas été collectivisées. On y a surtout fait de l'élevage. Enfin, les sous-sols sont chargés en dioxyde de carbone. C'est l'héritage des anciens volcans.
La qualité des eaux minérales roumaines est donc supérieure ?
On trouve dans la roche des Carpates beaucoup de cristallins et de dolomites, qui apportent du magnésium dans les eaux minérales et la rendent plaisante au goût humain. La Roumanie est vraiment un pays béni pour les eaux minérales.
Mais quand on parle d'eau minérale en Roumanie, il s'agit d'une eau pétillante...
La classification des eaux en Roumanie est conforme à la directive des eaux minérales de l'Union européenne, qui est appliquée en France comme partout ailleurs en Europe. Il y a des eaux minérales qui peuvent être plates ou gazeuses, mais selon la définition adoptée par l'UE, elles doivent avoir un contenu physico-chimique spécifique et constant. C'est dans le langage populaire roumain que l'eau minérale est gazeuse. Quand je suis arrivé en Roumanie, en 1994, j'ai demandé une eau plate et le garçon s'est presque moqué de moi en me disant qu'il n'y avait pas d'eau plate dans ce pays.
Aujourd'hui, toutes les réserves d'eaux minérales de Roumanie sont-elles exploitées ?
Non. Moi-même, je continue à faire de la prospection et je peux dire que les réserves d'eaux de qualité des Carpates dépassent largement celles que l'on trouve dans des pays développés, qui possèdent des agricultures très performantes et où les engrais utilisés laissent passer des nitrates dans les nappes phréatiques.
Ici, les eaux sont donc plus pures...
Je vais vous parler d'un cas précis : Aqua Carpatica naturellement gazeuse. En 2005, quand j'ai lancé cette marque, j'ai fait beaucoup de prospection et parmi les trois sources que j'ai retenues, l'une d'entre elles avait zéro nitrates. C'est un paradoxe, c'est presque magique. Même dans les sous-sols des forêts les plus vierges du monde, où il n'y a aucune activité humaine, on trouve des nitrates, qui sont issus de la décomposition des feuilles. Après des tests précis, il s'est avéré que le parcours souterrain de cette eau est de 35 à 40 ans. Celui de l'eau Evian est à 14 ans.
Il s'agit donc de l'eau la plus pure au monde ?
Naturellement gazeuse, oui. On trouve en Alsace une eau plate à zéro nitrate, c'est Wattwiller.
Et quel est le potentiel des eaux minérales de Roumanie ?
Vous savez, entre les deux guerres, on disait que Bucarest était le petit Paris. Moi je dirais aujourd'hui que les Carpates sont les grands Alpes. Ces montagnes méritent de devenir une région par excellence des eaux minérales au niveau mondial. Et je parle de stratégie économique pour les 50 à 100 ans à venir. S'il continue de pleuvoir, les ressources actuelles peuvent subvenir aux besoins en eau de tous les européens. Depuis un an, Aqua Carpatica est vendue dans les grandes surfaces américaines. On nous trouve aussi à Metro, au Japon, à Harrods et O-food, à Londres et bientôt en Espagne. J'ai laissé la France pour la fin.
Propos recueillis par Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest) Lundi 22 février 2016
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