Les amoureux roumains ne feront pas exception à la règle et profiteront aujourd'hui de la Saint Valentin pour se déclarer leur flamme. L'occasion de se pencher sur l'état des rapports homme/femme dans la Roumanie d'aujourd'hui. Oltea-Daniela Joja, docteur en psychologie et maître de conférence à l'Université Titu Maiorescu de Bucarest livre sa vision du couple{mxc}
LPJ - Comment voyez-vous le couple en Roumanie ?
Oltea-Daniela Joja - Il est la base de la société, le modèle fondamental. Ne pas être en couple, c'est presque considéré comme un handicap. Mais il ne s'agit pas d'un couple équilibré, où priment la communication, la complicité, le désir de construire ensemble. Il reste un modèle très traditionnel, loin des modèles de couples modernes qui existent désormais en Europe de l'Ouest. Il suffit de comparer les publicités : ici, la femme va être celle qui nourrit et cuisine pour la famille pendant que son mari observe. En Allemagne, une pub va montrer un homme dans sa cuisine, qui parvient à retenir une femme séduisante parce qu'il a telle marque de yaourt dans son frigidaire. Là-bas, le rapport est équitable. De la même façon, dans les relations avec les enfants, les rôles restent très traditionnels, c'est la femme/la mère qui nourrit, lave, consacre du temps aux enfants.
Les rapports homme/femme en Roumanie ?
Le registre dans le couple est la plupart du temps très étroit, la femme n'y joue que deux rôles possibles, celui de la femme soumise, obéissante, dont le rêve et l'accomplissement sont d'avoir un homme, ou celui de la femme autoritaire, dominante. Il existe un énorme décalage entre la femme roumaine "professionnelle", qui dans son travail se montre excellente, rigoureuse, compétente, et la femme dans le couple, qui une fois rentrée à la maison dispose d'une autonomie zéro. Il y a peu de variations et de nuances entre ces deux registres. La femme ne se considère et n'est considérée par la société comme un être complet que si elle a un homme. D'où cette tendance à la soumission, à l'acceptation, au pardon, quitte à subir des humiliations. Elle est dans l'auto-sacrifice. Elle peut être dure, autoritaire, chercher à tout contrôler, mais au final, elle est dans la soumission.
L'homme, lui, est généralement macho et détient le pouvoir dans le couple, ce sont ses besoins et ses souhaits qui passent en premier. Toujours. C'est le cas pour tout, de la vie quotidienne au sexe. Idem dans son rapport à la fidélité. L'influence du harem ottoman se fait sentir, et l'homme définit encore sa virilité par ses conquêtes. Et comme la femme a tendance à tout pardonner... Il y a quelques années, j'avais réalisé une étude : sur 200 jeunes femmes patientes interrogées, près de 70% citaient la capacité à pardonner, la pitié, comme la qualité indispensable pour être séduisante et féminine aux yeux d'un homme.
Comment définiriez-vous le jeu de la séduction en Roumanie ?
Ici, il y a peu de courtoisie, de notion de galanterie. Pourquoi? Parce que l'homme n'a pas vraiment à conquérir la femme, c'est elle qui va venir vers lui. Les hommes roumains n'ont pas ce désir de charmer les femmes, ils iront rarement lutter pour une femme. La femme au contraire fait beaucoup d'efforts pour plaire à l'homme, comme le prouve l'importance accordée à l'apparence physique et au stéréotype de beauté véhiculé par les médias. Il n'y a donc pas de rapport équilibré dans la séduction. La preuve, le rendez-vous amoureux type se déroule selon le scénario suivant. On sort au café, au restaurant, et pour les plus jeunes, en club le vendredi ou samedi avec des amis. Et en général, l'homme parle énormément de lui et attend de la femme qu'elle l'écoute.
Et la Saint Valentin?
Les Roumains sont très conformistes et la Saint Valentin est devenue une sorte de tradition. Donc l'homme va sortir sa femme au restaurant, lui acheter un cadeau, mais plus pour "faire comme"ses amis, ses collègues et le raconter ensuite.
Quelle sera selon vous l'évolution du couple roumain ?
Pendant la période communiste, le rapport entre l'homme et la femme était sans doute plus équilibré. Aujourd'hui, le déséquilibre est total. Même si à la campagne les rapports sont plus simples, la notion de "faire équipe"existe davantage. De façon générale, il commence quand même (peut-être) à y avoir un début d'évolution. Déjà, par exemple, est apparu le concubinage, on ne se marie plus forcément, et si on le fait on le fait plus tard de toute façon. Les couples qui ont vécu à l'étranger et ont connu d'autres modèles s'écartent aussi du schéma dominant. Les jeunes qui ont aujourd'hui 20 ans vont sans doute aussi être influencés par l'extérieur et ne pas reproduire le même modèle trait pour trait. Mais ce modèle traditionnel est celui qui continue d'être véhiculé par les médias, par la société. Les mentalités comme les comportements vont mettre du temps à changer. Propos recueillis par Marion Guyonvarch (www.lepetitjournal.com ? Bucarest) vendredi 13 février 2009{mxc}
