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ENTRETIEN - L’écrivain Tatiana Niculescu Bran

Écrit par Lepetitjournal Bucarest
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 5 janvier 2018

Beyond The Hills, le film de Cristian Mungiu inspiré par l'affaire de Tanacu (en 2005, une jeune nonne souffrant de schizophrénie est morte après que le prêtre et quatre autres religieuses l'aient exorcisée) vient d'être sélectionné en compétition officielle au prochain festival de Cannes. Ancienne rédactrice en chef de la BBC en Roumanie, Tatiana Niculescu Bran a publié deux livres sur cette affaire, à partir desquels Cristian Mungiu a écrit son scénario. Entretien

Photo : D.R.

Lepetitjournal.com/Bucarest - Après la pièce de théâtre d'Andrei ?erban, Cristian Mungiu a réalisé un film basé sur votre livre qui traite de l'affaire Tanacu. Comment est née cette idée ?
Tatiana Niculescu Bran -
En septembre 2007, je me trouvais au théâtre La MaMa à New York où je préparais la première de la pièce de théâtre avec Andrei ?erban. Au même moment, Cristian Mungiu était lui aussi à New York, pour lancer 4, 3, 2?. Andrei ?erban l'a invité à l'une des répétitions. Mungiu avait entendu parler de l'affaire dans la presse, mais il a découvert pour la première fois une version différente, plus proche de la réalité, des événements qui ont eu lieu à Tanacu en 2005. C'était alors un acte de courage d'aller à contre-courant en relatant les faits réels. Car dans la presse, la fiction avait pris le pas sur la réalité. En 2011, j'ai revu Cristian Mungiu qui m'a présenté un scénario basé sur mes livres. Il a utilisé l'histoire de mon premier livre, Spovedanie la Tacanu (Humanitas, 2006) ainsi que l'arrière-plan et la psychologie des personnages de Cartea Judec?torilor (Humanitas 2008). Le scénario m'a plu, je lui ai fait quelques observations et me suis réjouie qu'il fasse un film réaliste et non fantastique sur Tanacu.

Comment avez-vous travaillé avec Cristian Mungiu ? Avez-vous retrouvé dans le film la complexité de l'affaire ?
J'ai lu le scénario et donné mon accord. Après, Cristian Mungiu ne m'a plus consulté. Il était déjà pressé par le temps et a démarré le tournage très rapidement. C'est un réalisateur jeune et ambitieux. Il préfère tout faire seul mais j'avais confiance, il allait réaliser un bon long métrage. Il m'a cependant invité à voir une première version du film. D'après cette première mouture, Beyond The Hills brise de nombreux clichés. Il dépasse la formule des films spectaculaires sur l'exorcisme, au profit du réalisme social et de la finesse psychologique. De plus, même si l'action a lieu principalement dans un monastère orthodoxe, ce n'est pas un film religieux. Ni un film anti-clérical. Le personnage principal, même si c'est une victime, n'accapare pas toute l'attention du public.  

Qu'est-ce qui attire réalisateurs et metteurs en scène dans cette affaire ?
Je pense que c'est l'idée que les meilleures intentions peuvent parfois conduire à de véritables désastres. C'est une histoire sur la solitude, l'abandon, la peur, la mort, une histoire dans laquelle chaque personnage a sa part de vérité et de raison. La presse internationale a beaucoup parlé des enfants placés dans des centres à l'époque de Ceau?escu. Mais on sait peu ce qu'ils sont devenus après la chute du régime communiste. Les deux filles de mes romans et du film de Mungiu font partie de cette génération d'enfants abandonnés dans les années 80. Leur destin en dit beaucoup sur l'égarement et le désespoir dans lesquels vivent de nombreuses personnes, partout à travers le monde.

Comment avez-vous réagi en apprenant que le film allait être en compétition au prochain festival de Cannes ?
Je suis très heureuse que Beyond The Hills ait été sélectionné à Cannes, d'autant plus que des réalisateurs importants font partie de la sélection officielle. La compétition va être serrée. Le simple fait d'être sélectionné aux côtés de noms aussi prestigieux représente déjà un succès impressionnant pour le film et son réalisateur. Propos recueillis par Marion Guyonvarch (www.lepetitjournal.com/Bucarest) lundi 23 avril 2012

Note : Spovedanie la Tanacu (Confession à Tanacu), a été publié en e-book aux éditions Polirom. En début d'année prochaine, les deux romans de Tatiana Niculescu Bran seront réédités chez Polirom.

lepetitjournal.com bucarest
Publié le 23 avril 2012, mis à jour le 5 janvier 2018

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