Par Dana Gruia Dufaut, Avocat associé, le Cabinet d’Avocats GRUIA DUFAUT
La seule inconnue dans le contexte actuel généré par la propagation mondiale du Coronavirus est l’étendue de l’impact sur l’environnement des affaires. Le virus affecte à la fois l’individu et l’entreprise, mais si la reprise est prévisible et possible sous quelques semaines pour l’individu, pour les entreprises cela ne sera pas simple du tout. La « guérison » dépend d’au moins 5 facteurs qui sont liés à l’organisation interne de l’entreprise et au contexte économique interne et international : la capacité de l’entreprise de réorganiser ses flux opérationnels sans surcoût, sa liquidité à court et moyen terme, la relation de l’entreprise avec l’Etat et ses fournisseurs et, enfin, le secteur dans lequel elle travaille.
À première vue, on pourrait croire qu'après la précédente crise économique plus rien ne devrait / pourrait surprendre les entreprises. Et pourtant …. la crise de 2008 d'origine financière - bancaire a permis une coordination rapide des décideurs du monde entier, alors qu’aujourd’hui un virus inattendu, le COVID-19, avec une évolution rapide a lourdement frappé les Gouvernements et de nombreux secteurs économiques qui sont restés sans un flux d'approvisionnement ou même sans activité, comme c’est le cas du secteur du tourisme, HORECA ou du secteur des transports.
Réveillés du jour au lendemain par les dégâts provoqués par ce virus, les pays européens se sont isolés d’un point de vue sanitaire, tout en imposant des restrictions progressives qui par leur nature conduisent à un blocage de l'activité des entreprises.
Dans ce contexte, les Gouvernements sont obligés d'agir rapidement pour remédier aux dysfonctionnements prévisibles du marché. Les premières mesures annoncées par les pouvoirs publics sont déjà bien plus consistantes qu'en 2008-2009 ; un mix entre des mesures d’ordre fiscal et le soutien financier offert aux entreprises affectées par ce nouvel virus. Pour la première fois, la Roumanie s’aligne elle aussi au rythme de cette mobilisation générale. L'exécutif a annoncé des mesures de soutien pour les entreprises dans les jours à venir, des mesures qui méritent une analyse minutieuse et rationnelle.
En Roumanie, outre les mesures d’accompagnement des entreprises telles que celles prises par d’autres pays européens pour remettre sur pied l’économie (exonération du paiement de l’impôt et de certaines cotisations entre 60 et 90 jours, ajournement du dépôt de certaines déclarations fiscales dont l’échéance est proche et élimination des pénalités de retard imposées par le fisc), il est nécessaire d’adopter également des mesures de nature à modifier le paradigme du paiement de certaines indemnités.
Ainsi, il serait peut-être plus justifié d’envisager un financement – fut-il même partiel - par l'Etat du "chômage technique" (75% du salaire brut) et l'exonération de l'employeur de l’obligation de paiement des 5 premiers jours de congé médical (actuellement pris en charge par le fond de salaires de l'employeur) afin de permettre aux entreprises de disposer de leur trésorerie pour qu’elles puissent continuer leur activité. Ensuite, simplifier la législation du travail et assouplir les formalités actuelles relatives au télétravail seraient également des actions plus qu'urgentes.
Enfin, l'État doit vraiment se tourner vers les entreprises, notamment vers les besoins des PMEs, au travers d’une série de mesures d'accompagnement : la diversification des aides d'État, la mise à disposition de garanties pour le paiement / l’échelonnement ou pour la prise de prêts pour certaines industries, l’élargissement des avantages résultant du réinvestissement des bénéfices, l’exonération d'impôts pour les entreprises qui créent et maintiennent un certain nombre d'emplois ou la suppression des restrictions à l'emploi des travailleurs journaliers.
Ce que les entreprises peuvent et doivent faire en interne pour limiter l’impact du Coronavirus
- Prendre des mesures pour assurer la santé et la sécurité des employés qui sont en effet la ressource la plus précieuse d'une entreprise, en accord avec les dispositions de la loi 319/2006 sur la sécurité et la santé au travail. Outre les mesures d'organisation effective du travail, l'employeur a l'obligation légale de convoquer le comité de sécurité et de santé au travail (structure obligatoire pour les entreprises ayant plus de 50 salariés) ou de consulter les représentants des salariés sur les mesures à prendre;
- Prendre des mesures pour poursuivre l'activité de l'entreprise, en utilisant le télétravail, lorsque cette activité est possible. Dans une situation exceptionnelle, la décision à cet égard peut être prise unilatéralement par l'employeur, en vertu de l'art. 48 du Code du travail, ou avec l'accord des salariés;
- Suspendre temporairement l'activité pendant une certaine période, auquel cas les salariés concernés par une telle mesure ont droit à une allocation de 75% du salaire de base brut (indemnité payée à présent par l'employeur ….);
Que peuvent faire les entreprises par rapport à leurs partenaires commerciaux?
Les relations commerciales sont le plus souvent réglées ou doivent l'être par un contrat en vertu duquel les parties peuvent convenir de l'exécution ou l’inexécution des obligations contractuelles.
Dans le contexte actuel, un audit rapide de toutes les clauses contractuelles (y compris des clauses concernant la force majeure) s’impose pour connaitre quelles sont les obligations de la société en matière de communication, de retard ou de non-exécutions des termes contractuels. La communication avec les partenaires commerciaux est obligatoire.
Si les partenaires ne sont pas liés par un contrat écrit, le droit commun des contrats devient applicable. Or, selon le Code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi, ce qui suppose une obligation de coopération entre les parties et une bonne communication.
Le même Code Civil prévoit également la possibilité d’invoquer la force majeure pour inobservation des clauses contractuelles pour des motifs externes, imprévisibles, insurmontables et inévitables ou le cas fortuit, dans le contexte de certains événements qui ne peuvent être ni anticipés, ni empêchés. Dans la situation actuelle générée par le Coronavirus, le fait d’invoquer la force majeure ou, selon le cas, le cas fortuit peut être justifié si la partie qui l’invoque prouve qu’il y a une relation de cause à effet sans équivoque entre le contexte épidémique et l’inobservation de l’obligation contractuelle.
Le bilan à la fin de la crise actuelle dépendra en grande mesure de l’habilité de l’Etat à prendre des mesures à même de protéger le milieu d’affaires et de nature à engager l’économie vers la compétitivité et l’efficacité.
Pour y arriver sans une augmentation du taux de la TVA, sans crédits auprès du FMI ou une baisse des salaires, tel que cela a été le cas en 2010, une vision sur le long terme et une bonne compréhension des mécanismes à faire œuvrer sont impératives, tout en intégrant, bien évidemment, les mécanismes de soutien européens ou fournis par les organisations financières internationales.
En ce qui concerne l’Avenir, il n’est pas un don, mais une réalisation vers laquelle nous devons tendre avec sagesse !
Article publié en roumain dans la revue Piata Financiara