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JO : le géant indien, nain olympique, veut rectifier le tir à Tokyo

Les athlètes indiens sélectionnés pour les JO de Tokyo 2021Les athlètes indiens sélectionnés pour les JO de Tokyo 2021
@olympics.com
Écrit par Johana Burloux
Publié le 23 juillet 2021, mis à jour le 19 décembre 2023

L'Inde, bientôt la plus grande population mondiale mais aussi la plus jeune, devrait être un immense réservoir de talents pour les jeux olympiques ! Pourtant, la démographie n’est pas le seul facteur qui modèle une nation olympique et l’or n’arrive pas proportionnellement à la taille de la population.

Si cela aide bien sûr, comme pour la Chine, la Russie et les Etats Unis, cela n’explique pas tout comme en témoigne le succès sur les podiums de l’Australie, la Corée du Sud ou encore le Royaume Uni et la France. Si l’Inde a fait preuve d’une grande fidélité aux JO, elle n’y a pas brillé. Une tendance que le gouvernement a commencé à inverser, soucieux de son image.

 

Alors que les Jeux de Tokyo débutent aujourd’hui, l’Inde y sera plus que jamais présente ! Pour quels résultats ? Les attentes sont plus élevées que jamais...

 

 


L’Inde aux JO : une participation constante mais peu de médailles

La participation indienne aux Jeux Olympiques remonte pourtant à l’origine des Jeux modernes, alors que Norman Pritchard, anglo-indien, remportait 2 médailles d’argent en 200 m et 200 m haies à Paris en 1900. Les informations de l'époque ne précisent pas cependant s’il a porté les couleurs de l’un ou l’autre de ses pays d’origine, l’Inde étant alors sous domination britannique.

 

Ce n’est que quelques décennies plus tard que la participation de l’Inde aux JO se structure, sous l'initiative de Sir Dorabji Tata ! D’abord en 1920, puis en 1924 où l’Inde envoie une délégation de 8 athlètes. 

 

Ce mouvement mènera à la création en 1927 du Comité Olympique indien, le deuxième comité national olympique d’Asie, après le Japon ! Cela marque le début de l'institutionnalisation d’un mouvement sportif indien à l'échelle du territoire et des représentants du Comité Olympique indien voyagent dans les différents Etats du sous-continent pour les aider à développer leur propre structure régionale.

 

A partir de ce moment, la participation de l’Inde aux JO sera remarquablement fidèle, même si elle restera très modeste. L’engouement olympique ne prend pas, les délégations restent constantes et petites et ne représentent que quelques sports, principalement le Hockey, la Boxe, le Tir... Les résultats fluctuent : entre 1 à 2 médailles. 
 


Milkha Singh le coureur de 400 m indien
Milkha Singh - @olympics.com

 

Une légende olympique indienne : le coureur Milkha Singh surnommé le “Sikh volant” a participé aux JO de Melbourne en 1956, de Rome en 1960 et de Tokyo en 1964. A Rome, il a raté de peu la médaille de bronze en 400 m après avoir mené la course pendant 200 mètres, mais a établi le record national indien sur cette distance qui n’a pas été égalé pendant presque 40 ans. Milkha Singh est récemment décédé des suites de la Covid-19.


 

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce nanisme olympique : 

  • les particularités culturelles, 
  • l’absence d’engouement pour beaucoup de sports olympiques, 
  • mais surtout le manque cruel d’infrastructures, d'entraîneurs et enfin de politiques sportives structurées. 

L’enveloppe du ministère de la Jeunesse et des Sports ne représentait traditionnellement que 0,1 à 0,5 % du budget national. 



Les JO : un marqueur de reconnaissance et d’influence sur la scène mondiale

L’olympisme est pourtant un important levier de géopolitique et l’Inde sait que pour exister sur la scène mondiale à la façon dont le gouvernement Modi le souhaite aujourd’hui, pour asseoir une image positive du pays, elle a intérêt à ne pas délaisser ce symbole “universaliste”. 

D’autres pays en ont clairement bénéficié pour renforcer leur soft power, comme la Corée du Sud, le Brésil, le Qatar, ou encore bien sûr la Chine, son principal adversaire sur la scène mondiale. L’Inde souhaiterait donc leur emboîter le pas.

 

Le pays a commencé à se positionner pour accueillir les Jeux. Un premier pas, l’organisation des Jeux du Commonwealth en 2010 fut cependant un échec : retards, problèmes d'hébergement, stades vides… Il a retardé une candidature plus ambitieuse. Et si l’Inde avait pensé un temps se positionner pour les Jeux olympiques de 2024 puis de 2032, elle y a finalement renoncé (ndlr : Brisbane, en Australie accueillera finalement ces derniers). L'Inde a pourtant continué à se porter candidate pour des jeux régionaux ou des championnats du monde. 

 

Le stade Motera nommé Narendra Modi stadium à Ahmedabad
Le tout nouveau Narendra Modi stadium à Ahmedabad @Gujarat cricket association

 

Parallèlement, le gouvernement a investi dans de grandes infrastructures comme le Narendra Modi Stadium à Ahmedabad et le projet de Mega Sports Complex à Delhi.


Les athlètes indiens aux JO : une ambition qui commence à s’exprimer

Sportivement, l’Inde montre également plus d’ambition olympique depuis les Jeux de Londres en 2012 où elle envoie une délégation un peu plus large (81 sportifs et sportives), mais surtout explose son record de médailles : 6 médailles (2 Argent, 4 Bronze) en Lutte, Tir, Badminton et Boxe. 

 

Mary Kom, la légende indienne de la boxe
Mary Kom, la boxeuse indienne qui a remporté la médaille de bronze aux JO de Londres en 2012 - @Ministry of Youth Affairs and Sports, Government of India

 

Un record qui ne sera pas réitéré à Rio en 2016 malgré une délégation encore plus importante de 117 sportifs dans 15 sports différents. Mais, pour un résultat décevant de 2 médailles, uniquement remportées par des femmes (1 argent et 1 bronze) en Badminton et Lutte. L'équipe de Hockey masculin, grand espoir a perdu en quart de finale. Le Tir et la Boxe, qui furent pourvoyeuses de médailles, n’ont pas brillé non plus.

 

Les différents acteurs politiques et économiques se sont mobilisés pour accélérer la politique sportive indienne et capitaliser sur son incroyable jeunesse, autour de la Sports Authority of India, agence sous l'autorité du ministère indien des Sports, à l’image de UK sport qui a signé le retour fulgurant du Royaume-Uni aux JO.

 

La chanson officielle pour les athlètes indiens à Tokyo : Hindustani way - cheer4india

 


288 Milliards d’euros ont été attribués au Ministère des sports cette année. Des grands groupes comme Reliance, Tata ou Jindal Steel ont décidé de dédier une partie de leur budget RSE (ndlr : Responsabilité Sociale des Entreprises) au sport, ce qui représente 37 millions supplémentaires.

De grands programmes ont été créés comme le Programme de développement du sport pour tous (Khelo India) et le programme de formation de champions nationaux (TOPS).

 

Quels espoirs pour les JO de Tokyo en 2021 ?

Pour ces jeux tant attendus, l’Inde envoie 119 sportifs et ce dans 18 sports sur les 33 au total ! C’est la plus grande délégation aux JO et elle porte aussi de plus grands espoirs de médailles. 

10 de ces sportifs sont classés dans les 3 premiers mondiaux de leurs disciplines. En tout, le pays s’aligne dans des compétitions pour 85 médailles disponibles.

Les plus grands espoirs d'après le Times of India se situerait en :

  • Tir (Saurabh Chaudhary, entre autres),
  • Lutte (Vinesh Phogat),
  • Haltérophilie (Mirabai Chanu),
  • Tir à l'arc (Deepika Kumari),
  • Boxe (Amit Panghal  et d’autres - la légende Mary Kom sera porte drapeau) et
  • Javelot (Neeraj Chopra).

 

Deepika Kumari championne du monde de tir à l'arc


 

Le Badminton et le Hockey sont aussi cités par d’autres sources comme potentielles pourvoyeuses de médailles.

 

Pranati Nayak, une gymnaste à suivre !

Les jeux olympiques sont souvent le creuset d’histoires inspirantes et de destins hors du commun. C’est le cas de Pranati Nayak du Bengale occidental, l’unique qualifiée pour la gymnastique et seulement deuxième femme de l’histoire à représenter l’Inde aux JO dans cette discipline. 

Pranati Nayak est issue d’une famille modeste dont seul le père travaillait en tant que chauffeur de bus. Ce dernier a apporté un soutien indéfectible à sa fille qui a découvert la gymnastique à l'âge de 8 ans à l'école publique et fut encouragé par son professeur. Celui-ci l’a aidé à trouver de bonnes infrastructures et une entraîneuse pour l’aider à s'épanouir dans la discipline. 


La gymnaste Pranati Nayak à Tokyo

 

Depuis, Pranati Nayak a eu des résultats constants et a été embauchée par la compagnie de train indienne ce qui lui procure des revenus fixes. Les Jeux olympiques n'étaient pas son objectif, mais, hasard du calendrier et du bouleversement des sélections dû à la pandémie, elle s’est finalement qualifiée. 

 

Les grandes capacités de travail et d’engagement de Pranati Nayak ont fait naître un peu d’espoir autour de sa performance qui sera de toute façon historique ! Comme d’autres qui se joueront ces 15 prochains jours dans la capitale nippone.

 

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