Selon de nombreuses sources, les femmes sont les premières victimes de la crise économique et sociale induite par la pandémie de coronavirus. Dans le secteur informel, elles sont plus nombreuses à ne plus avoir de travail et, dans les milieux modestes, les jeunes filles interrompent leurs études pour se marier. Une tendance au renforcement des inégalités qui impacte fortement le développement du sous-continent.
Dans le secteur informel, plus de femmes que d’hommes sont aujourd'hui sans emploi
Un sondage de l’ONG ActionAid India sur les impacts de la crise sanitaire sur la société civile indienne révèle qu’un plus grand nombre de femmes que d’hommes auraient perdu leur emploi dans le secteur de l'économie informelle à la suite du confinement. Elles sont aussi moins nombreuses à avoir retrouvé un travail pendant la période de déconfinement.
En 2018, 81 % de la population active indienne travaillait dans le secteur informel, également appelé secteur non-organisé ou économie parallèle.
En août 2020, l’ONG ActionAid India a interrogé plus 11 000 personnes dont 28 % de femmes employées dans ce secteur afin d'évaluer les impacts du confinement sur les ressources de cette partie de la population indienne. Les chiffres révèlent une disparité entre les genres.
Avant le confinement, plus de femmes que d’hommes avaient un emploi dans le secteur informel : 90,32 % des femmes et 84.54 % des hommes interrogés y travaillaient. Aujourd’hui en phase 4 du déconfinement, 79 % de ces femmes et 75 % de ces hommes sont maintenant sans emploi. 52 % des femmes et 46 % des hommes n’ont pas reçu de salaire pendant le confinement.
Les résultats du sondage indiquent que 91 % des personnes employées comme aide à domicile sont des femmes, ce sont des emplois qui se trouvent principalement dans les zones urbaines. Dans le secteur du traitement des ordures, 71 % des employées sont de sexe féminin. Dans les zones rurales, les femmes sont principalement employées pour effectuer les récoltes et les cueillettes (plus de 50 %).
De manière surprenante, les femmes travaillant dans le secteur agricole, qui a pourtant continué à fonctionner pendant tout le confinement, sont les plus affectées par la perte de leurs sources de revenus (91 % n’ont plus de travail). Un chiffre plus compréhensible est celui du nombre d’employées domestiques ayant perdu leur travail, plus de 85 %. Durant le confinement, la plupart des comités de gestion des résidences interdisait l'accès aux appartements à toute personne n'y habitant pas.
Le sondage révèle aussi que même si la majorité des répondants ont une “Aadhar card”, qui permet l'accès à des programmes de soutien du gouvernement, la plupart n’en ont pas bénéficié. 72 % des femmes ont avoué dépendre aujourd'hui de leur épargne pour les dépenses domestiques et ont affirmé que leur consommation de produits alimentaires a fortement diminué.
Un retour à l’emploi plus difficile pour les femmes
Le sondage d’ActionAid India indique que seulement 7,51 % des femmes ont pu garder ou ont retrouvé un emploi contre 9,84 % des hommes.
Une des raisons est le retour dans les villages des jeunes hommes partis travailler dans d’autres régions. Revenus dans leur famille, ils ont cherché du travail sur place. Nombreux sont ceux qui ont été embauchés prioritairement dans le cadre du programme gouvernemental MGNREGA (Mahatma Gandhi National Rural Employment Guarantee Act) mis en place dans les zones rurales. Les femmes, particulièrement les plus âgées, ont par conséquent plus de difficultés à trouver un emploi.
Les jeunes filles interrompent leurs études universitaires pour se marier
L’association des enseignants universitaires du Karnataka rapporte que, depuis le confinement, de nombreuses étudiantes ont arrêté leurs études pour se marier à la demande de leurs parents. Les ressources des familles ont été fortement réduites par la crise sanitaire et la plupart du temps, les études des garçons sont considérées comme prioritaires.
Le nombre d’inscriptions de jeunes filles aux examens d'entrée ou de passage en année supérieure des universités a fortement baissé ce mois de septembre. Certaines d’entre elles ont étudié pendant trois ans et ne se sont pas présentées aux examens finaux.
Un des professeurs ajoute que, comme les cours sont en ligne, il leur est difficile de discuter avec les parents pour les convaincre de laisser leurs filles terminer leurs études.
L’association demande au gouvernement de l’Etat d’intervenir pour prévenir ce phénomène et rappelle que l'éducation des jeunes filles leur ouvre l'accès à des postes dans l'économie formelle et leur permet de s’extraire du cadre traditionnel des emplois occupés par les femmes en Inde.
En conclusion, les observations sur le terrain semblent indiquer que la crise touche de plein fouet la position des femmes dans la société indienne. De nombreuses voix s'élèvent pour tirer la sonnette d’alarme sur un potentiel retour en arrière et le recul des progrès réalisés jusqu'à présent.
Rejoignez le Club des lecteurs contributeurs
Pour être sûr de recevoir GRATUITEMENT tous les jours notre newsletter (du lundi au vendredi) (attention Bombay est tout en bas de la liste) ou nous suivre sur Facebook.