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Covid-19 : Comment les Français à Bombay et en Inde vivent la crise ?

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@simonfrederic57
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 30 avril 2021, mis à jour le 19 décembre 2023

Après une accalmie de quelques mois, la situation sanitaire en Inde est de nouveau dramatique. Des Français vivant à Bombay et à Bangalore témoignent sur leurs difficultés, leurs inquiétudes, leurs espoirs et ce qui a changé par rapport au premier confinement de l’Inde en 2020. 


Le 25 mars 2020, l’Inde se confinait drastiquement sur ordre du Premier Ministre indien pour tenter d'arrêter la propagation du coronavirus. A l'époque, l’Inde ne recensait que quelques centaines de cas mais l'inquiétude était forte. Ce confinement strict de plus de 3 mois dans certains Etats a mis à genoux l'économie indienne. Mais, petit à petit, la vie normale a repris. 

Début 2021, l’Inde s’imaginait avoir vaincu le coronavirus. 

Mais, le laisser-aller de la population qui a tombé les masques et l’imprudence du gouvernement national qui a autorisé les rassemblements de grande ampleur ont replongé l’Inde dans la crise. De janvier 2021 à avril 2021, les meetings et rallyes organisés pendant la campagne électorale pour les assemblées législatives locales dans cinq Etats et un Territoire se sont tenus sans aucune application des gestes barrières. De même, en avril 2021, des dizaines de milliers de personnes se sont massées sur les berges du Gange lors du Kumbh Mela, le grand festival hindou ( Kumbh Mela, le grand pèlerinage hindou défie le coronavirus). L’apparition d’un variant indien avec deux mutations est probablement aussi à l'origine de la montée exponentielle des contaminations. (Le variant indien expliqué)

 

Une situation sanitaire bien plus inquiétante qu’en 2020

Rappelons qu’en 2020, de fin mars à mai 2020, l’Inde n’enregistrait que quelques centaines de nouveaux cas par jour. A Bombay, pendant quelques semaines, des images terribles de patients à plusieurs dans un lit et de personnel soignant à bout de force ont circulé, mais la situation est finalement assez rapidement revenue sous contrôle. En avril 2021, le nombre de nouveaux cas journaliers se comptent par centaines de milliers (plus de 300 000 plusieurs jours d'affilée fin avril) et les médias internationaux relaient tous la catastrophe sanitaire qui a frappé l’Inde.

La deuxième vague de l'épidémie a pris la plupart des Indiens, mais aussi des étrangers présents dans le pays, par surprise et la rapidité de propagation du virus a mis à rude épreuve le système de santé indien qui, malheureusement, ne s'était pas préparé. Les hôpitaux ont été débordés, l'oxygène nécessaire pour les patients gravement atteints a manqué, les délais pour se faire tester se sont allongés et les stocks de vaccins commencent à s'épuiser (Covid-19 en Inde : La deuxième vague est un tsunami). 

La situation à Bombay où je réside est grave ... Chacun connaît quelqu’un de proche au bureau ou parmi ses connaissances qui est malade”, confie Christine de Liedekerke. “La situation est beaucoup plus inquiétante qu’en 2020. L’épidémie semble vraiment hors de contrôle”, ajoute Bénédicte Chevrou. “Nous sommes très affectés par les annonces de gens malades ou décédés autour de nous, de gens que nous connaissons par les relations, le travail …” déplore Catherine Midy. 

"Cette deuxième vague est d'une violence inouïe, au point que le pays accepte l’aide internationale, une première depuis seize ans !" indique Chantal Forler.

A Bangalore, la situation est similaire : “Il y a un an, il était rare d’avoir des personnes touchées par le covid dans son cercle d’amis proches. Aujourd’hui, à chaque coup de téléphone, on apprend qu’Andreas est positif sans symptômes forts, que Murali et sa famille sont positifs et tous tombés malades, que le cousin de Sabina est à l’hôpital en réanimation, et la liste des exemples est longue”, déclare Franck Barthélémy.

Cependant, l’Inde est habituée aux grands nombres et il est vrai qu’il faut relativiser. Les chiffres annoncés (350 000 contaminations par jour), même s’ils sous-estiment la propagation du virus, doivent être comparés au nombre total d’habitants (ndlr : l’Inde compte presque 1,4 milliard de personnes). “La situation doit être prise au sérieux, mais il faut relativiser par rapport au nombre d'habitants.  Ce jour 4 000 nouveaux cas à Mumbai, ça correspondrait à 10 000 cas en France, et je pense que nos compatriotes seraient contents d'avoir ce chiffre.” explique Patrick Christiaens. 

 

Un confinement comme en 2020 

Même si les signes avant-coureurs d’une explosion du nombre de personnes contaminées étaient présents, peu de personnes y avaient prêté attention. “Si je reviens quelques semaines en arrière, je n’ai pas honte de reconnaître que je n’ai absolument pas vu venir cette nouvelle vague de mesures restrictives, ne prêtant guère attention aux rumeurs de nouveau lockdown, si souvent entendues. Tout semblait même aller en s’améliorant avec un retour progressif à la « normale »”, raconte Charles Berthon. “Je devais partir faire un tour en moto dans la Spiti valley mais j'ai annulé et c'est confinement à la maison”, confie Jean-Baptiste Fauchille. 

Tous ceux qui ont vécu le premier confinement sont catégoriques : “La situation semble ne pas avoir évolué en un an et pourtant nous vivons ce confinement très différemment de l’an dernier,” déclare Bénédicte Chevrou. “La préoccupation principale était l’approvisionnement en nourriture. Les sites sur lesquels j’avais l’habitude de commander n’étaient pas en mesure de me livrer. Il avait donc fallu trouver des plans B. Cette année, les livraisons fonctionnent très bien et il est très facile de commander tous les aliments dont nous avons besoin, y compris le chocolat pâtissier !” explique-t-elle.

Chacun s’accorde à dire que pour les personnes aisées, la vie ne s’est pas compliquée avec le confinement comme l’an dernier. Les préoccupations pratiques de 2020 ont disparu. “Nous avons donc repris notre quotidien encore bien ancré (couvre-feu, confinement, télétravail, contact social à l’arrêt…). Le sentiment d’être revenu un an en arrière mais avec quand même moins d’appréhension. Les magasins essentiels sont bien achalandés, les livraisons marchent, on ne sort pratiquement pas pour limiter les risques …” affirme Catherine Midy. ”De notre côté, ce nouveau confinement est bien mieux vécu que le premier,” ajoute Ludivine Noirel. “En 2021, nous nous sentons moins dépourvus en termes d'organisation, de logistique et même de visibilité.” confirme-t-elle.
 

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@Jean-Baptiste Fauchille

 

Un état d’esprit plus serein

Même si le retour des mesures de restriction en a surpris plus d’un, les habitudes prises en 2020 sont vite revenues et l'expérience acquise durant le premier confinement se révèle précieuse pour le moral. 

Nous comprenons mieux ce qui se passe et la phase de ré-adaptation aux restrictions se déroule plus facilement. Les enfants restent scolarisés en ligne sans mal et progressent bien. Professionnellement, j'ai su rebondir même si la phase est encore compliquée et ne permet pas un rattrapage total d'avant COVID, mais j'y travaille.” affirme Ludivine Noirel. “Je ne panique pas, respecte les gestes barrières, sors peu en espérant comme tout le monde des jours meilleurs et le retour des voyages en Inde et en Asie.” déclare Patrick Christiaens. “Étrangement on se sent moins en insécurité, on a moins peur de l'inconnu. Peut-être parce qu'on a déjà vécu un terrible confinement de près de trois mois l'an passé. Peut-être parce qu'il y a des vaccins. On attend que ça passe et on respecte les gestes nécessaires pour se protéger.” dit Jean-Baptiste Fauchille.

 

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@Jean-Baptiste Fauchille

 

L'inquiétude est toujours présente 

Ce nouveau confinement est donc abordé de manière plus calme, mais la gravité de la crise sanitaire en 2021 fait ressurgir les doutes et les questions pour les Français installés en Inde. “Nous avons en mémoire « notre Covid » de l’an dernier, la peur qui nous avait envahis, ne sachant comment nous allions être soignés,” confie Catherine Midy. “Toutefois la situation est [plus] préoccupante dans d'autres villes du Maharashtra comme Pune, Nagpur, Aurangabad où les sociétés françaises rapatrient leurs expatriés.” déclare Patrick Christiaens.

Face aux images d'hôpitaux saturés et aux messages circulant sur les groupes Whatsapp de personnes cherchant à faire admettre un proche à l'hôpital, la peur de ne pas pouvoir être soigné est bien présente : “Des expatriés commencent à rentrer en Europe, nous nous posons la question… nous savons que si nous attrapons le virus et que nous avons besoin d’une assistance respiratoire, les hôpitaux ne seront pas en mesure de nous accueillir et de nous soigner.” explique Bénédicte Chevrou.

Franck Barthélémy rappelle les questions que tous se posent : “On s’inquiète de savoir s’il y a des places dans les hôpitaux, juste au cas où. On vérifie que son assurance est bien à jour, on ne sait jamais. On se demande comment on va rentrer en France, quels tests sont nécessaires, comment les faire dans les délais, quels papiers emporter pour prouver qu’on a une résidence ?

Heureusement, la solidarité entre Français est un réconfort : “La communauté française en Inde reste soudée et solidaire fonctionnant bien dans l'échange et la communication.” déclare Ludivine Noirel. Chantal Forler indique aussi : "Nous avons appris hier que les consulats disposeront courant mai de doses du vaccin Moderna pour les Français qui souhaitent se faire vacciner."

 

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Un impact économique 

Les Français qui se sont installés en Inde en créant leur entreprise avaient pour certains réussi à tenir le coup pendant le premier confinement. "Professionnellement, j'ai su rebondir même si la phase est encore compliquée et ne permet pas un rattrapage total d'avant COVID, mais j'y travaille.” affirme Ludivine Noirel.

Mais, le retour des mesures de restriction remet en question leur activité et leurs sources de revenus : "J’ai bien peur que ce sera le coup de grâce pour les petits entrepreneurs qui avaient réussi à surmonter la première vague, sans ou avec très peu d’aide française et au prix d’énormes sacrifices personnels." confie Chantal Forler. 

Pour les volontaires français travaillant dans des ONG, c’est l’impact du confinement sur les conditions de vie des habitants des quartiers défavorisés qui est le plus marquant. Charles Berthon, volontaire pour l’ONG LP4Y qui œuvre pour la réinsertion sociale des jeunes des quartiers défavorisés, confie : “Ce que nous pouvons constater cependant ce sont les difficultés financières grandissantes auxquelles font face les jeunes et leur famille. La plupart de leurs parents ont perdu leur travail à cause des nouvelles restrictions mises en place par le Chief minister il y a maintenant 2 semaines. Déjà vivant dans la précarité, avec très peu d’économies, ces familles se retrouvent maintenant à s’endetter pour manger. Le nombre de personnes frappant à notre porte pour demander de la nourriture, croît lui aussi de jour en jour.” 

Christine de Liedekerke confie aussi son souci pour ses élèves : “Ce sont plutôt mes élèves adolescents online qui pleurent de peur pour leurs parents sans travail ou pour eux sans avenir.

Aujourd’hui, avec ma collègue Joséphane, nous sommes contraints d’assurer le suivi à distance des jeunes dont nous avons la charge. Au-delà du manque d’épanouissement personnel lié à cette nouvelle façon de travailler, se pose le problème de l’inégalité des jeunes au niveau de l’accès à internet.” indique Charles Berthon.

Les entreprises se mobilisent aussi.” ajoute Christine de Liedekerke, de même que Bénédicte Chevrou : “L’entreprise de mon époux a été sollicitée (comme d’autres entreprises étrangères) pour apporter une aide matérielle et financière." La France solidaire de l'Inde dans la gestion de la crise de la Covid


 

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@Charles Berthon

 

Envisagent-ils le retour en France ?

Pour certains, la question est déjà tranchée, la société employant un des deux conjoints a décidé le rapatriement de la famille. "Ces derniers jours, les grandes entreprises ont demandé à leurs expatriés de rentrer en France." déclare Chantal Forler.

Pour d’autres, la question commence à se poser : “Des expatriés commencent à rentrer en Europe, nous nous posons la question…” conclut Bénédicte Chevrou. Mais, beaucoup, pour l’instant, font le dos rond et attendent patiemment la fin de la crise sanitaire : “Nous sommes toujours là, nous avons même eu notre première dose et pour l’instant, nous allons rester, ensemble, voir si l’orage passe... en croisant les doigts quand même.” confie Catherine Midy.

Pour ceux installés à long terme, ce n’est pas d'actualité. “Pourtant, il va falloir patienter, attendre que la tempête passe, ne pas paniquer, se concentrer sur son travail, sur ses lectures peut-être.” avoue Franck Barthélémy.

Nous nous refusons de paniquer sous prétexte d'un nouveau variant plus virulent, sans amoindrir le danger qu'il représente évidemment. Pour nous prémunir au mieux, la mission est donc de nous maintenir en bonne santé, respecter les restrictions, rester positif, être attentif et concentré, penser au vaccin dans quelques semaines.” affirme Ludivine Noirel qui a créé sa société de conseils en investissement à Bombay. “Nous affrontons donc ensemble cette nouvelle étape sereinement sans penser à plier bagage.” ajoute-t-elle.

Jean-Baptiste Fauchille s'inquiète pour son avenir : “Je suis prof au Lycée français et on entend que les familles se font rapatrier. J'espère que nous aurons des élèves l'an prochain ! Il faudrait que les autorités puissent aider les écoles françaises, c'est dur pour nous.” Chantal Forler confirme : "Je suis aussi inquiète pour nos écoles : Delhi a enregistré à la rentrée de septembre une baisse de 20% et Mumbai a perdu 30% d’élèves à la rentrée 2020. Idem pour notre école de Katmandou."

 

Les plus jeunes restent optimistes : “D’un point de vue personnel, le moral reste bon et l’envie d’être optimiste domine malgré tout. Le but étant de savoir comment pouvoir contribuer à améliorer la situation, à mon échelle bien sûr.” affirme Charles Berthon.
 

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@ Sandra Kren

 

La rédaction remercie chaleureusement Franck Barthélémy, Charles Berthon, Bénédicte Chevrou, Patrick Christiaens, Jean-Baptiste Fauchille, Chantal Forler, Christine de Liedekerke, Catherine Midy et Ludivine Noirel.

 

 

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