Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Anne Bonneau, journaliste radio et télé : “L’Inde m’inspire beaucoup et me nourrit !”

Anne Bonneau à Amritsar en IndeAnne Bonneau à Amritsar en Inde
Anne Bonneau
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 9 mars 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

Anne Bonneau est journaliste radio et télévision à Réunion la 1ère (ex RFO, Réseau France Outremer) et vient de remporter le troisième prix du concours d'écriture de l'association Duppata dans la catégorie 1 (concours général). Passionnée par l’Inde, Anne Bonneau y a réalisé plusieurs documentaires radiophoniques et télévisuels et s’y rend tous les ans. L’Inde est aussi présente aux côtés de la Réunion dans son texte récompensé par le jury de Duppata. 

 

Anne Bonneau journaliste à Réunion la 1ère en voyage en Inde
@Anne Bonneau

 

Anne Bonneau, une journaliste française à la Réunion inspirée par l’Inde

Anne Bonneau a suivi une formation en Arts Appliqués de l'école Boulle à Paris. Après ses études, elle a eu envie de changer d’environnement et a choisi de partir à la Réunion “un peu par hasard”. Elle raconte :

 

Une de mes sœurs faisait un remplacement à la Réunion et j’avais aussi des copains de classe de l'école Boulle qui faisaient du volontariat au commissariat à l’artisanat dans l'île. Tous m’ont dit que c'était un chouette endroit. Alors je me suis décidée et je suis partie !”

Arrivée à la Réunion comme scénographe, Anne Bonneau s’oriente ensuite vers l’audiovisuel en réalisant d’abord des chroniques radio pour RFO (Réseau France Outremer) puis des émissions pour la télévision. 

Elle reste finalement dans l’île 17 ans et y rencontre son mari. Puis elle repart en France car ce dernier est nommé au siège de RFO à Paris. En 2018, son mari reprend la direction de Réunion la 1ère (ex RFO), ils reviennent donc dans l’île dans laquelle ils résident encore. 

 

La Réunion vue du ciel
La Réunion vue du ciel @Anne Bonneau

 

Depuis deux ans, Anne Bonneau a décidé de prendre une autre orientation et a rejoint la cellule web de Réunion la 1ère pour produire des modules spécifiques pour les réseaux sociaux. C’est une nouvelle découverte et même si la radio reste son terrain de prédilection, elle confie qu’elle avait envie d’utiliser des supports différents comme la photo, la vidéo, le graphisme… 

 

Le web, c’est un autre média qui nécessite de se remettre en question et d’être créatif. Pour ne donner qu'un seul exemple, nous travaillons sur Samèm la Rényon, un audio habillé visuellement avec des images et des vidéos diffusé sur la page Facebook et la page Instagram de Réunion la 1ère.

Podcast Samèm la Rényon : La mangue

 

 

 

Anne Bonneau a découvert l’Inde très tôt via son métier de scénographe. En 1991, la salle d'exposition pour laquelle elle travaillait à la Réunion organisait une exposition sur les divinités populaires du Tamil Nadu. C'est pour se renseigner sur ce sujet qu’elle est partie pour la première fois en Inde : 

 

Il fallait que j'aille voir ce qu'était le Tamil Nadu pour mieux comprendre ce dont il s'agissait et notamment parce qu'à la Réunion, il y a une communauté indienne très présente. Je ne voulais absolument pas faire n'importe quoi et je me doutais qu'il y avait certains codes à respecter.

Ce premier voyage a duré deux mois, elle a été guidée par des collectionneurs qui vivaient à Pondichéry, qui lui ont fait découvrir l'Inde de façon très pointue au travers des propos religieux qui ouvraient sur les castes, les métiers... 

 

Ça a été une entrée dans l'Inde un peu particulière et un peu technique, mais qui a été très "facile" parce que j'étais très bien accompagnée et j'ai rencontré des gens qui ont répondu à mes nombreuses questions.

Anne Bonneau confie aussi que, comme elle ne connaissait rien de l’Inde avant de partir, cela lui a peut-être permis de découvrir le pays sans biais ni idées préconçues.

 

J'étais assez candide, il n'y avait pas d'a priori sur l’Inde, pas de peurs, pas de questionnements.

Un accès très simple et très naturel qui a fait ainsi naitre une envie d'en connaitre plus. Depuis 30 ans, Anne Bonneau se rend deux fois par an en Inde, elle y a tourné des documentaires télé et radio mais y va aussi régulièrement pour son plaisir.

Elle avoue avec un clin d’œil : “Je suis aussi parvenue à convertir mon mari à l'amour de l'Inde, lui qui est d'origine indienne et qui était un peu réticent à découvrir l'Inde. Nous sommes allés dans son village ancestral et avons parcouru l'Inde ensemble.

 

Podcast  Samèm la Rényon : Le sari

 

 

Dans son texte pour le concours d’écriture organisé par l’association Duppata, Anne Bonneau a naturellement lié l’île de la Réunion à l’Inde en créant un personnage né en Inde mais travaillant dans l’île. 

Le titre du concours Plis et replis de la terre lui a tout de suite fait penser à la ravine à la Réunion. L’île est née d'un volcan et on y voit partout ces poussées en hauteur de la terre et ces creux qui sont ravinés par les fortes pluies. "Ces ravines sont les veines de la Réunion et ce sont les choses les plus vivantes, les plus mobiles et surtout les plus inexploitables de l’île alors que partout ailleurs c'est soit bâti soit cultivé car la canne à sucre a vraiment unifié le paysage" confie Anne Bonneau.

 

Les champs de canne à sucre à La Réunion
La canne à sucre à la Réunion - @Anne Bonneau

 

 

J'aimais bien cette idée d'un endroit profond, généreux mais qui nous échappe. Peut-être, cela a aussi un lien avec l'Inde qui m'inspire beaucoup. C’est un pays dans lequel je ne vis pas, où je ne fais que passer, mais il me nourrit à chaque fois et je pense qu'il y a vraiment une similitude entre la ravine et l’Inde.

 

Plis et replis de la terre de l’île de La Réunion, le texte d’Anne Bonneau pour le concours d’écriture de l’association Duppata

La nuit est sur sa fin. Sita le sent. Les premiers martins ne se sont pas encore manifestés. Elle se lève sans un bruit. Se glisse pieds nus entre la porte de bois à peine entrebâillée et le mur de chaux. Comme chaque matin, son cœur bat à tout rompre. Mais la sensation de fraîcheur sous ses pieds l’apaise. 

Ici, au campement, tout est encore lisse. Le seuil balayé chaque soir et chaque matin. L’argamasse est vide. Le terre-plein s’apprête à recevoir les prochains ballots de cerises de café. Déversés dans un son de grelot dès que le soleil pointe derrière la falaise de basalte. Pour l’heure, tout est plongé dans le noir. Pas de lune. Mais la nuée d’étoiles parvient à faire briller néanmoins l’océan argenté de fleurs de canne alentour. 

Sita est émue face à la beauté de cette île, qui lui a été offerte. Offerte par nécessité. S’engager dans les plantations de canne à sucre ressemble plus à de l’esclavage déguisé qu’à un choix de vie raisonnable. Depuis la campagne du Tamil Nadu où ils survivaient, ses parents rêvaient d’une vie meilleure. Loin des famines à répétition. Le bateau était là, la famille est partie. Tous ensembles, à l’aventure. Des mois de navigation, loin de la terre natale. Des vagues et les nausées qui les accompagnent. Et soudain, cette île : verte de pied en cap. Piquée de montagnes acérées, bleu nuit. 

La nuit. C’est l’espace de liberté qui reste à Sita dans cette vie de labeur. Ses pieds foulent maintenant la terre grasse. Elle prend garde de ne pas froisser les feuilles de canne acérées. Elle s’y frottera suffisamment toute la journée, courbée sous le poids des roseaux à charroyer. Les champs ondulent sous un alizé léger. Sita se rapproche de la fraîcheur. La ravine. Cette échancrure de la terre. Sauvage. Échappant à la mainmise de l’homme : pas question de planter la canne ou le café dans ce pli creux de la terre. 

La ravine est un espace qui se protège lui-même. Une veine, charriant les cataractes des pluies d’été depuis le sommet des montagnes jusqu’au battant des lames. 

Mais l’été n’est pas encore là, et la ravine est paisible. Sita y descend, se frayant un passage entre les feuilles de songe. S’accrochant aux troncs des jamrosats en fleurs. Les houppettes de fleur pâle répandent un parfum sucré. La jeune fille saute de rocher en rocher, s’enfonçant plus loin dans ce repli qui l’abrite. Jusqu’au bassin entouré de roches lisses. L’eau frissonne en écho à la peau de Sita quand son pied se pose sur la surface d’étain. 

Assise, les deux mains sur la roche déjà tiède, dans le pli de la ravine, Sita sourit. D’ici, elle sent la force de cette terre qu’elle a épousé malgré elle. Elle sait les torrents qui peuvent brouiller cette beauté en un instant. Emportant tout sur son passage. La terre ravinée par l’eau, les feuilles déchiquetées, les troncs déracinés. Et s’apaiser d’un coup. Tel un cœur envahi par l’émotion. Elle respire le parfum des jamalacs puisant profond dans la ravine. S’accrochant comme elle à ce repli fécond. A l’abri des regards. A l’abri de l’avidité. 

Un cri. Le martin. S’envolant en une zébrure brune et jaune. Sita saute sur ses pieds, ouvre les bras, sent les palpitations de ce site originel, qui n’appartient qu’à elle. Et bondit pour remonter dans le monde des hommes. 

Derrière elle, la ravine semble se replier. Les frondaisons s’agitent en un discret au-revoir. Déjà, les étoiles se fondent dans un ciel virant au lait de rose. Lisse comme les champs, l’argamasse, le camp. Terne comme le quotidien, la vie des Engagés, du groupe, ses règles et ses contraintes incessantes. Ne permettant aucun rêve, aucun repli sur soi. Hormis cet instant dans la ravine, entre la nuit et l’aurore. Mais ça, c’est un secret.

 

Une ravine inondée à la Réunion
Une ravine inondée à la Réunion @Anne Bonneau

 

En tant que lauréate du concours d'écriture, Anne Bonneau va recevoir une œuvre originale inspirée par son texte et réalisée par Reena, une artiste warli. La peinture sera présentée sur le site de l'association Duppata à la fin du 2ème trimestre 2023.

 

 


Réunion La 1ère (ex RFO) est la radio et la télévision de service public du groupe France Télévisions, elle diffuse informations, service public, émissions de proximité, musiques, culture, patrimoine, découvertes…


 

 

 

Flash infos