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Coronavirus : L’Inde est-elle préparée à lutter contre une pandémie ?

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Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 1 mars 2020, mis à jour le 19 décembre 2023

Gautam Menon est un professeur de physique et de biologie à Ashoka University dans l’Haryana travaillant sur la modélisation des maladies infectieuses et les implications pour l’action publique. Dans un interview pour IndiaSpend, il analyse la réponse du gouvernement indien et des gouvernements locaux ainsi que celle des chercheurs comme lui pour faire face aux défis que pose le COVID-19. La rédaction vous propose une synthèse.

 

Gautam Menon affirme que, même si de plus en plus d’informations sont disponibles à propos du COVID-19, il reste encore beaucoup d’inconnu sur cette maladie et la façon dont elle se propage. L’Inde doit être capable d’effectuer les tests, pour déterminer si une personne est contaminée, dans plusieurs sites de façon à pouvoir traiter un grand nombre de cas si l’épidémie se déclarait. Il avoue : “nous avons eu de la chance jusqu'à présent, mais cela ne durera peut-être pas.”

 

La communication en matière de santé publique, surtout en cas d'épidémie, est vitale. L’abondance de fausses informations est un problème mondial. 

dit-il.

 

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Gautam Menon - credit Ashoka University via IndiaSpend.


 

IndiaSpend : Quel peut être le rôle des chercheurs comme vous dans la lutte contre la maladie ?

Gautam Menon :  Il est uniquement d’informer les instances de gouvernance sur les façons dont la maladie pourra se diffuser parmi la population en utilisant les modèles de prédiction à notre disposition. Pour cela, il est important de comprendre le contexte : que sait-on de la maladie, que sait-on sur sa propagation, quel type de contact avec une personne contaminée permet la diffusion de la maladie...

La réponse apportée à l'épidémie par la Chine et par d’autres pays est à prendre en compte par le gouvernement. Mais, l’expertise indienne dans le domaine de la modélisation des maladies infectieuses est encore très limitée en nombre de personnes et de ressources.


 

Est-ce que les pays d’Asie du Sud et d’Afrique sont plus enclins à subir des épidémies ?

La Chine a été effectivement la source de deux épidémies majeures au 21ème siècle, le H1N1 et le nouveau COVID-19. Toutes deux sont des zoonoses, des maladies causées par un virus qui est passé de l’animal à l’homme. On pense qu’une des raisons est l’appétence des Chinois pour les animaux exotiques qui sont proposés à la vente vivants dans les “wet markets”. Différents types d’animaux sont confinés dans des espaces restreints alors qu’ils ne seraient jamais en contact dans la nature. Cela aide à la transmission des virus d’un hôte à l’autre.

Comme ces virus sont nouveaux, les hommes n’y sont pas immunisés. C’est pour cela que les personnes âgées décèdent en plus grand nombre de la maladie ainsi que ceux dont l’immunité est déjà affaiblie. Comme les Chinois voyagent de plus en plus, cela a facilité la diffusion de la maladie.


 

Le ministre de la Santé indien a déclaré : "Le système de santé robuste de l’Inde a permis de stopper l’entrée du Coronavirus dans le pays.” Qu’en pensez-vous ?

Je pense que la raison du faible nombre de cas est beaucoup plus basique. Il n’y a pas beaucoup d’échanges entre l’Inde et la région de la Chine d’où l’épidémie a démarré et il y a peu de touristes chinois qui visitent l’Inde. 

De plus, l’isolement de la zone concernée après l’apparition de l’épidémie et le ralentissement économique habituel durant la période de vacances de la nouvelle année chinoise a entraîné une réduction des voyages entre l’Inde et la Chine. Et les vols vers la Chine ont été réduits drastiquement. Tout cela a permis d’éviter une situation plus que dangereuse.


 

Que doit faire l’Inde pour améliorer sa réponse face à l’épidémie ?

Il est vital d’avoir des procédures de dépistage efficaces qui comprennent une vérification de l’historique de voyage des passagers et l’identification de ceux qui ont été en contact avec des personnes infectées dans les aéroports et à tous les points d'entrée dans le pays.

Il est aussi important de mettre en place des zones d’isolement propres, saines et bien gérées pour y accueillir les personnes suspectées d’avoir été contaminées. De plus, il ne faut pas négliger les protocoles de suivi pour le personnel de santé et en particulier leur fournir les équipements de protection et le matériel nécessaire pour le suivi des patients. Il est vital que le pays augmente ses capacités de test du virus. 


 

Est-ce que la recherche scientifique sur les réponses à apporter à une pandémie reçoit un soutien adéquat de la part du gouvernement ?

Non, le soutien du gouvernement n’est pas suffisant actuellement. La recherche sur les zoonoses n’est pas bien financée et devrait être pratiquée même en période de non épidémie. Ce n’est pas le cas. De plus, les informations récentes, attestant d’une diminution importante du financement du laboratoire de Manipal dans le Karnataka et réputé pour son travail sur le virus Nipah, ne sont pas une nouvelle de bon augure et témoignent d’un début de paranoïa de la part du gouvernement. De nombreux virologistes se sont exprimés contre cette décision.


 

Comment l’Etat doit-il communiquer sur ce sujet dans un pays comme l’Inde ou la Chine qui ont une grande part de migrants ? 

La communication sur la santé publique est cruciale. Les fausses informations sont un problème partout dans le monde. Chacun est responsable de les dénoncer lorsqu’il s’en rend compte. Nous devrions analyser la réponse apportée par Singapour où les secteurs de gouvernance et les médias ont instauré un front unique pour lutter contre l'épidémie.

Si les citoyens ont confiance dans les messages passés par le gouvernement et si celui-ci a gagné leur confiance, alors la lutte contre la désinformation est plus facile. Il est aussi important de ne pas créer de boucs émissaires, ce qui est la réponse habituelle à une situation de crise.


 

Aujourd’hui, il n’y a eu que 3 cas confirmés de COVID-19 en Inde, comment analysez-vous la réponse de l’Inde par rapport à celle apportée au Nipah et au H1N1 (rappel : en Inde, en 2020, on compte au 16 février, 14 personnes décédées du H1N1)

Je dirais que la réponse du pays n’a pas été mise à l'épreuve vu le nombre minime de cas. Il en est de même pour le virus Nipah. Le vrai test serait de se retrouver dans une situation comme celle de la ville de Wuhan, épicentre du COVID-19 où les hôpitaux et les cliniques sont complètement submergés par les patients. 

Le H1N1 revient régulièrement pendant la période de la grippe et son impact est quasi le même que celui de la grippe habituelle tuant un petit nombre de personnes principalement des personnes âgées.

 

Le Kerala, qui a une population internationale et qui se déplace beaucoup, dispose d’une infrastructure de santé plus efficace que dans d’autres Etats de l’Inde. Cela lui a permis d’isoler rapidement les cas de COVID-19 et de lutter contre le Nipah. Dans le cas de ce dernier, les autorités locales et nationales ont pris ensemble les bonnes décisions au bon moment. Cet élément de confiance est vital pour la sécurité de la santé publique.

 

Selon moi, certains Etats de l’Inde moins développés sont bien moins équipés pour lutter efficacement contre une épidémie.

 

Cependant, nous avons l’avantage de pouvoir observer ce qui se passe en Chine et nous pouvons ainsi définir les besoins. La réponse de la Chine a été exemplaire par rapport à ce qui s’est passé pour le SARS. La leçon de l'épidémie précédente a été apprise.

En revanche, ce qui n’est absolument pas connu est le statut des musulmans confinés dans les camps à l’ouest de la Chine (les organisations humanitaires estiment que plus d'un million de personnes y seraient retenues). Ces centres de détention peuvent se révéler être un terrain de prédilection pour la propagation du virus, car la grande densité de la population pourrait faciliter l’adaptation du virus à l’homme et le rendre ainsi moins contrôlable.


 

L’article complet en version originale est disponible sur le site d’IndiaSpend.



 


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