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L’armée birmane reconnaît des violences sur des civils dans l’Arakan

Un extrait de la vidéo incriminée en BirmanieUn extrait de la vidéo incriminée en Birmanie
Une image de la vidéo incriminée
Écrit par Rédaction lepetitjournal.com Birmanie
Publié le 13 mai 2020, mis à jour le 13 mai 2020

L’armée birmane reconnaît que « certains de ses éléments ont eu recours à des techniques d’interrogatoire illégales et déplacées sur des civils » que les militaires accusaient d’appartenir au mouvement rebelle de l’Armée de l’Arakan, et qu’ils tabassaient pour obtenir des aveux. En l’espace de trois ans, c’est la deuxième fois seulement que l’état-major – la reconnaissance des faits a été officialisée sur le site du bureau du chef d’état-major – désavoue ses troupes et accepte que certains soldats se comportent de manière illégale. Il faut dire que dans les circonstances, la position contraire était difficilement tenable : depuis deux jours, une vidéo montrant des hommes portant des éléments d’uniforme de l’armée régulière birmane – la Tatmadaw – frappant à tout va, à la main et avec des objets contendants, de cinq civils les yeux bandées et les mains ligotées dans le dos. Les images sont difficilement soutenables tant elles sont violentes. Durant « l’interrogatoire », les tortionnaires font à la fois les questions et les réponses, toutes biaisées, et exigent des aveux des cinq hommes… lesquels persistent longtemps à nier tout lien avec l’AA, avant de finalement « avouer »… On peut clairement entendre une des victimes dire « je n’ai rien fait, je suis juste un coolie » !

Les cinq civils ont rapidement été identifiés par des internautes comme des villageois de Kyauk Seik arrêtés le 19 avril dernier lors du « nettoyage » du village, qui se trouve dans la circonscription de Ponnagyun, une zone de l’état de l’Arakan aujourd’hui ravagée par la guerre civile entre l’armée régulière et l’AA. La scène se passe manifestement sur un bateau, et il s’est avéré après la publication de la vidéo sur Facebook que les violences avaient eu lieu pendant le transfert maritime des prisonniers de Ponnagyun vers Sittwe. Si la vidéo a été rendue publique dimanche 10 mai et qu’elle est devenue presque immédiatement virale, la personne qui a pris les images n’a pas encore été officiellement identifiée.

Porter plainte ne sert à rien

Le bureau de l’état-major a annoncé que la dizaine de soldats des forces spéciales qui avaient eu recours à ces « techniques d’interrogatoire illégales et déplacées sur des civils » faisaient désormais l’objet d’une enquête… menée par l’armée en interne sans que la justice civile n’y soit mêlée. La déclaration officielle affirme que les tortionnaires auraient à répondre de leurs actes « en accord avec les règlements militaires ». Dans un premier temps, le service d’information des armées, qui répond au joli nom de « True news » - vraies informations – avait émis des doutes sur la réalité de la vidéo ; puis le général en charge de ce service avait déclaré que « cela pouvait très bien être des hommes de l’AA qui frappaient », ce qui n’avaient aucun sens si l’on considère les questions posées. C’est finalement l’identification des cinq hommes qui a forcé la Tatmadaw à reconnaître les faits.

Car assez vite, des proches ont fait savoir que ces cinq-là étaient les seuls civils à avoir été retenus prisonniers par l'armée régulière après l’arrestation de 38 personnes à Kyauk Seik le 19 avril 2020 ; 33 avaient été rapidement relâchées mais cinq sont restés détenus et ont été régulièrement transférés d’une prison à une autre. Selon leurs proches et plusieurs militants locaux, « ces hommes sont de simples paysans, pas des membres de l’AA ». La Tatmadaw les soupçonne pourtant d’avoir des liens avec l’AA et c’est pourquoi elle les a maintenus en détention, sans procédure judiciaire claire à leur encontre. Les Cinq ont aujourd’hui été ramenés à leur prison et dans leurs échanges avec leur famille ces trois derniers jours, ils ont affirmé avoir été régulièrement torturé par le même groupe de soldats depuis le 27 avril. Leurs familles ont annoncé de leur côté qu’elles ne porteraient pas plainte parce que cela ne servait à rien.

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