Cette semaine de Noël était aussi celle de l’anniversaire des six mois de fermeture du réseau internet dans le nord de l’état d’Arakan où sévit une véritable guerre civile entre l’armée régulière et l’Armée de l’Arakan (AA), une rébellion bouddhiste armée qui attire de plus en plus de combattants, notamment chez les jeunes locaux. Une guerre civile qui se superpose aux conflits latents entre communautés bouddhistes, musulmanes et hindouistes dans ce même état d’Arakan.
Et le 24 décembre dernier, un groupe de militants a donc manifesté devant l’hôtel de ville de Yangon, près du parc Maha Bandoola où se situent les animations de Noël de cette fin d’année 2019. Ces associations, parmi lesquelles les déjà célèbres Athan ou Myan ICT for Development Organisation (MIDO), ont réclamé le retour du réseau dans les quatre circonscriptions de l’Arakan où il est encore absent - Ponnagyun, Mrauk-U, Kyauk Daw et Minbya - rappelant que les Nations-Unies ont officiellement condamné cette coupure, aujourd’hui l’une des plus longues au monde. Selon ces organisations, cette coupure dans sa durée et son intensité – la privation totale de l’accès au réseau pour environ 700 000 personnes – est « disproportionnée » avec la « sécurité nationale » invoquée pour la justifier.
Pour ces militants, en exigeant en juin dernier que les quatre opérateurs de télécommunication du pays (MPT, Ooredoo, Telenor et MyTel) coupent leurs services internet dans neuf circonscriptions des états de l’Arakan et de Chin, le ministre de la Communication a facilité les exactions et l’impunité de la répression par des combattants de tous bords. Or, explique certaines associations, « un gouvernement a toujours des comptes à rendre à sa population. Aujourd’hui c’est l’Arakan, mais demain cela peut être le Shan, le Kachin… Empêcher les gens de témoigner, de communiquer revient à priver les citoyens de toutes informations libres et indépendantes ».
Le 21 juin dernier, le ministre des Transports et de la Communication avait exigé des quatre opérateurs de télécommunication qu’ils ferment l’accès à internet de 9 circonscriptions. Le 1er septembre dernier, l’interdiction a été levée dans 5 de ces circonscriptions, et maintenue dans quatre. Le ministre avait à l’époque justifié la coupure comme un moyen « de maintenir la loi et l’ordre dans la région ». Or, même si les journalistes ont l’interdiction de se rendre sur place, les quelques informations qui filtrent de-ci de-là indiquent toutes une dégradation importante de la situation. Des cas de disette de populations isolées par l’armée régulière sont par exemple avérés.
Des élus arakanais pointent aussi du doigt l’incohérence entre le lancement en février dernier par Daw Aung San Suu Kyi en personne depuis les célèbres plages de Ngapali - qui se situent dans l’état de l’Arakan -, d’un plan d’investissement et de développement de l’Arakan et l’absence de possibilité de communication dans ce même Arakan. « Aujourd’hui, quelle entreprise va mettre son argent dans une région sans internet ? », relève un député local, qui ajoute que bien sûr, l’impossibilité d’utiliser internet a eu des conséquences néfastes pour la population locale, par exemple pour l’accès aux soins et la santé, qui ne peut que susciter un fort ressentiment.