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Daw Aung San Suu Kyi trahie par l’un de ses proches

Daw Aung San Suu Kyi et U Phyo Min Thein côte à côte lors d'une cérémonieDaw Aung San Suu Kyi et U Phyo Min Thein côte à côte lors d'une cérémonie
Daw Aung San Suu Kyi et U Phyo Min Thein
Écrit par Rédaction lepetitjournal.com Birmanie
Publié le 4 octobre 2021, mis à jour le 5 octobre 2021

Il s’agit d’un coup dur pour la défense de Daw Aung San Su Kyi dans l’une des affaires de corruption dont elle est accusée : vendredi 1er octobre, le principal témoin à charge présenté par le procureur contre l’ancienne conseillère d’Etat n’était autre que U Phyo Min Thein, un de ses fidèles, qui a été de 2016 à 2020 le Premier ministre de la région de Yangon désigné par le gouvernement de la Ligue nationale pour la démocratie (LND).

Phyo Min Thein a ainsi répété devant le tribunal ce qu’il avait déjà déclaré dans une vidéo, à savoir qu’il avait remis en plusieurs fois de l’ordre de 600 000 dollars étasuniens et 11 kilogrammes d’or en main propre à Daw Aung San Suu Kyi. Une pierre dans le jardin de l’égérie birmane, qui doit se défendre contre plusieurs accusations de corruption et qui risque jusqu’à 15 ans de prisons si elle est reconnue coupable.

Les avocats de l’accusée ont décrit la scène, affirmant que Phyo Min Thein « n'a jamais regardé Daw Aung San Suu Kyi en face. Il a simplement baissé la tête, s'est dirigé directement vers le coin des témoins et a parlé ». L’avocat qui raconte ajoute qu’il a fallu « lui demander de parler plus fort parce qu’il murmurait presque ».

Quelle crédibilité accorder à un tel témoignage ?

Toujours selon l’un des avocats de Daw Aung San Suu Kyi, qui est la seule personne pour l’instant à raconter l’histoire, « le juge a demandé à la défense de procéder à un contre-interrogatoire du témoin » afin que celui-ci n’ait pas à revenir à Nay Pyi Taw, puisqu’il est emprisonné à Yangon. Mais la défense a refusé, considérant qu’ayant reçu le dossier lié à ce témoin juste avant l'audience, elle n’avait pas eu le temps de s’organiser. Le tribunal a donc fixé la prochaine audience au 8 octobre, convoquant Phyo Min Thein à nouveau. Ce témoignage soulève évidemment deux questions : dans quelle mesure l’ancien Premier ministre est libre de ses propos et quelle crédibilité accorder à ceux-ci.

L’homme est malade depuis longtemps et il a déjà passé 14 longues années en prison durant la dictature de Than Shwe. Il n’a sans doute pas envie d’y retourner encore longtemps. Ses aveux sont donc probablement une monnaie d’échange et il est quasiment certain qu’il ne témoigne pas de manière libre et indépendante. Il était toutefois en butte aux attaques internes de la LND depuis plusieurs années, régulièrement accusé au mieux de mauvaise gestion, au pire de malversation. Il n’avait d’ailleurs pas été retenu comme candidat par son propre parti lors du scrutin de 2020. Un réel camouflet. Et une vengeance intéressée n’est pas à exclure.

Phyo Min Thein, un enrichissement personnel rapide et inexpliqué

L’ancien Premier ministre de la région de Yangon a également joui d’un certain enrichissement personnel plutôt rapide, de ceux qui en Birmanie ne sont pas associés aux activités salariées et dont l’origine n’a jamais vraiment été identifiée. En octobre 2018, une polémique entre lui et le quotidien Eleven sur cette question avait défrayé la chronique, mais il semble que c’était plutôt le quotidien qui s’était rendu coupable d’affirmations sans preuves. Car au sein des médias, comme d’ailleurs de la mouvance autour de la LND, la rumeur circulait depuis plusieurs années que le rôle principal de Phyo Min Thein, et la raison pour laquelle il restait en place jusqu’à la fin de son mandat malgré les conflits et les critiques, était « de financer le parti », comme le glissait en « off » en 2019 le rédacteur en chef d’un média en vue.

Une rumeur n’est cependant et heureusement pas une preuve et, à ce jour, si sa très mauvaise gestion de la région de Yangon est avérée, Phyo Min Thein n’a jamais été condamné pour la moindre corruption et aucune preuve de détournement de fonds n’a été fournie contre lui. Rien n’étaye donc ses dires pour l’instant, et la base d’un seul témoignage, fusse celui d’un politicien aussi éminent, ne devrait pas suffire à condamner Daw Aung San Suu Kyi. A moins que le témoin ne puisse fournir à un moment un document ou une preuve tangible. Vue la manière dont le procès est conduit, par rebondissements calculés successifs, il est possible que l’accusation conserve ce genre d’atout dans sa manche. Ou qu’elle le crée.

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