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LIBAN, LA REVOLTE – Paroles d’étudiants : politique et communautés (I)

Liban, manifestations, BeyrouthLiban, manifestations, Beyrouth
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Écrit par Margot Moronvalle, Hermine Le Clech, Jean de Hillerin
Publié le 13 novembre 2019, mis à jour le 13 novembre 2019

Depuis le début du mouvement populaire contre le pouvoir, la jeune génération est massivement mobilisée et elle a des revendications. LPJ Beyrouth a interrogé un panel représentatif de six étudiants venus de différents horizons sur cinq thèmes.
 

Avec la lutte contre la corruption et la contestation de la classe dirigeante jugée incompétente, la remise en cause du système politique est l’une des principales revendications de la plupart des manifestants.  
 

La défiance envers le pouvoir actuel est unanime. « Nous ne sommes pas gouvernés par les bonnes personnes. Il faut juger le gouvernement actuel et le précédent, et former un nouveau gouvernement de technocrates », estime Khaled, 21 ans, sunnite, qui poursuit des études en ingénierie à l’Université américaine de Beyrouth (AUB). « Nos représentants ne font pas leur travail », déplore Zeinab, étudiante chiite en sciences politiques à l’American University of Science and Technology (AUST). « Les dirigeants en place ont été des acteurs actifs de la guerre civile (1975-1990). C’est ici que réside le problème ». Pour Rym, 22 ans, étudiante à l’École de traducteurs et d'interprètes de l’Université Saint-Joseph (USJ) originaire du Kesrouan, « il faut un gouvernement où tout le monde est à sa place : un médecin pour la Santé, un enseignant pour l’Education », regrettant que « le critère de la compétence passe après les quotas religieux ».
 

Mais le véritable débat qui agite la jeunesse, c’est celui du partage confessionnel du pouvoir. Une bonne partie des contestataires souhaite la mise en place d’un système politique non-communautaire. « Je souhaite de nouveaux partis politiques détachés des affiliations religieuses », dit François, 22 ans, étudiant à l’école de traducteurs de l’USJ, également originaire du Kesrouan, dénonçant le fait que « des gens qualifiés sont empêchés d’y arriver, pour la seule raison qu’ils appartiennent à une communauté minoritaire ».  « Je souhaite un Etat laïc, même si c’est difficile. Ça fait 30 ans qu’on vit avec le système confessionnel. Ça doit changer. Certains parlent des ‘droits des chrétiens’. Mais ça veut dire quoi ? Ce sont les droits des Libanais ! », renchérit Rym.  « La Constitution devrait séparer la religion et la politique. Pour moi, l’idéal serait un Etat civil qui sortirait de la logique de l’enfermement communautaire », renchérit Taline, étudiante en droit public à l’USJ originaire de Choueifat, dans le caza d’Aley
 

Pour d’autres, le partage confessionnel du pouvoir, en tant que tel, ne pose pas forcément problème, à condition qu’il soit « représentatif ». « Le communautarisme ne me dérange pas », souligne Khaled. « D'une certaine manière, je suis en faveur d'une représentation équitable des communautés à proportion de leur poids démographique au sein de la société ». Bien qu’aucun recensement officiel n’ait été effectué au Liban depuis 1932, on estime que le pays compte plus de 60% de musulmans et moins de 40% de chrétiens. « Nous aimerions tous ne pas être gouvernés par la religion, mais je veux avoir un représentant sunnite qui exprime mes opinions et mes croyances », poursuit-il. Estimant que « la majorité de la société est conservatrice », l’étudiant à l’AUB pense que le Liban n’est pas prêt pour un Etat laïc, « et je ne crois pas qu’il le sera un jour ».
 

Ali, 22 ans, étudiant en informatique originaire des environs de Saïda, dans le Liban-Sud, dresse le même constat. « Le système confessionnel unique du Liban devrait être une de ses forces. Dans ce pays, on ne peut pas passer au-dessus des religions. Un système politique laïc est impossible à mettre en place, utopique », affirme-t-il, se déclarant favorable à une reconsidération à la parité islamo-chrétienne, conformément à la réalité démographique du pays.
 

Zeinab propose une voix médiane. « Dans la rue, tout le monde parle de détruire le système mais je ne suis pas d’accord. Ce sont nos pratiques politiques et notre façon d’élire nos représentants qui sont basées sur des divisions sectaires. Le problème ne vient pas du système mais des personnes. Chez nous le président nomme les juges et pour beaucoup c’est un problème mais c’est la même chose aux Etats-Unis ».
 

Pour l’étudiante, ce qui compte, c’est la responsabilité citoyenne. « Tous les gouvernements du monde ont de la corruption. Mais ce qui les différencie du Liban, ce sont les citoyens et la façon dont ils mettent les gouvernants face à la responsabilité de leur acte ». Dans cette veine, François souhaite que le peuple « participe plus à la vie politique », en lui permettant de « voter directement pour tous ses représentants ». Rym, elle, souhaite pouvoir voter là où elle habite.

 

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