La seule ferme de canards du Liban et du Moyen-Orient, où cette viande ne fait pas partie des habitudes alimentaires, est installée sur les terrains d’un couvent du même nom, à Bechtoudar, près de Douma, sur les hauteurs de Batroun.
L’aventure humaine et gustative a débuté il y a près de 20 ans. « Le premier poussin de l’exploitation est arrivé en 2000 en provenance du département du Gers, dans le sud-ouest de la France », raconte Jihane Feghali, directrice marketing de la Ferme Saint Jacques. Depuis 2006 et la fermeture de l’aéroport de Beyrouth après l’offensive israélienne sur le Liban, les canetons naissent en ferme. « A cause de la guerre, nous avons été obligés d’assurer nous-mêmes la reproduction des canards. Désormais, nous ramenons seulement les parentaux (reproducteurs, NDLR) », explique la directrice marketing. Aujourd’hui, la Ferme Saint Jacques, qui possède plus d’une dizaine de machines, compte environ 20.000 canards par an et compte bien demeurer une « ferme artisanale », loin du modèle industriel. « La ferme est devenue adulte », estime Jeannette Younes, responsable du projet.
« La Ferme Saint-Jacques représente un petit bout de France », ajoute Mme Younes, qui a vécu plusieurs années à Paris durant la guerre civile libanaise. « La ferme met à l’honneur le savoir-faire français. En effet, les recettes, la mise en bocaux et la nourriture des canards sont français. La Ferme St Jacques constitue, en quelque sorte, le fleuron de la gastronomie française au Liban comme une sorte d’ambassadeur », poursuit la directrice marketing.
Jeannette Younes possède l’âme d’une pionnière avec un caractère affirmé et un profil atypique. Avant d’élever des canards et recevoir la médaille du mérite agricole, elle a été professeur de mathématiques à l’Université libanaise (UL), la toute première de l’histoire de l’UL. Sous sa direction, la ferme a acquis le certificat ISO 22000, gage d’excellence, garantissant la « sécurité des denrées alimentaires ».
Le modèle économique de la Ferme Saint-Jacques comporte également un volet « social », basé sur l’implantation locale. « La région de Batroun est rocailleuse. Il n’y a ni terre ni eau, et très peu de services publics. La ferme fait vivre ce territoire en donnant une activité durable à la population sur place », explique Jeannette Younes. La Ferme Saint Jacques emploie, de cette manière, une trentaine de salariés, tous francophones, allant du cuisinier au commercial en passant par une ingénieure agronome.
De plus, la Ferme Saint Jacques respecte une « éthique environnementale ». « Dès le départ, le principe a consisté à ne rien gaspiller, rien ne se perd ! », reprend Jihane Feghali. Les canards sont élevés en plein air dans les « meilleures conditions possibles » avec pour seule alimentation des graines de maïs de blé et de soja. Des plumes de canards transformées en coussins à la graisse de l’animal qui termine en savon, rien n’est jeté.