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ZAD de Lützerath : récit d’une fracture sur l’exploitation de charbon

 Mine de charbon en Rhénanie © Brown Coal - Unsplash Mine de charbon en Rhénanie © Brown Coal - Unsplash
Mine de charbon en Rhénanie © Brown Coal - Unsplash
Écrit par Lola Barberousse
Publié le 26 janvier 2023, mis à jour le 27 janvier 2023

La zone à défendre (ZAD) de l’Ouest de l’Allemagne a été évacuée lundi 23 janvier. Alors qu’elle résistait depuis plus de deux ans grâce à la mobilisation des militants du collectif Lützerath lebt, la ZAD était l’un des symboles de la lutte contre l’exploitation du charbon en Allemagne. Son évacuation a provoqué une fracture majeure au sein de la société allemande.

 

Les débats sur l’exploitation du charbon ont repris lorsque le gouvernement a annoncé au lendemain du déclenchement de la guerre en Ukraine relancer l’industrie du charbon et du nucléaire pour ne plus dépendre du gaz russe. Alors que le pays désire qu'à l'horizon 2030 plus de 80% de la consommation d'électricité soit couverte par les énergies renouvelables, l’annonce de la reprise de l’exploitation de la matière première la plus polluante a soulevé l’indignation des militants pour le climat.

 

Le charbon comme la lignite (ressource aussi présente sur l'exploitation de Lützerath) émettent trois à quatre fois plus de CO2 dans l’atmosphère que le gaz et provoquent l’accélération du phénomène de dérèglement climatique. Selon l’Agence internationale de l’énergie, le charbon est responsable de 43% des émissions de gaz à effet de serre provenant de combustibles fossiles.

 

La mise en place de Lützerath

Depuis les années 1980, le géant de l’industrie électrique, Rheinisch-Westfälisches Elektrizitätswerk (RWE) s’étend en Rhénanie pour exploiter les ressources en charbon et en lignite dont dispose la région sur l’exploitation Garzweiler. Pour construire ce qui va devenir la plus grande exploitation de charbon à ciel ouvert d’Europe, RWE a évacué de nombreux villages et rasé des hectares de forêt. Ces destructions ont provoqué une perte de biodiversité bouleversant ainsi les écosystèmes et provoquant un dérèglement plus rapide du climat. La forêt étant régulatrice des émissions de CO2, lorsque celle-ci est rasée le dérèglement climatique s’accélère. Face à ces villages évacués, à ces hectares de forêt détruits, une lassitude s’installe chez les habitants rhénans. En 2020, lorsque le village de Lützerath a été évacué pour laisser place à l’agrandissement de la mine de charbon, les militants écologistes se sont installés.

 

Leur but ? Protéger les 280 millions de tonnes de lignite sous Lützerath de RWE et laisser le village et la biodiversité qui l’accompagne vivre. Leurs moyens ? L’occupation des lieux jusqu'à ce qu'on leur empêche. Dès 2020, ils annoncent qu’ils seront pacifiques sauf si on les oblige au contraire.

 

Lützerath sacrifié par le gouvernement

En 2022, alors que le village est toujours occupé par le collectif Lützerath lebt, le gouvernement et RWE trouvent un accord sur l’extension de l’exploitation minière. Le 4 octobre dernier, le Ministre de l’Économie et du Climat, Vice-Chancelier, Robert Habeck, et Markus Krebber, PDG de RWE, concluent ensemble de l’arrêt de l’exploitation de la mine en 2030 et non en 2038. Grâce à cet accord, les villages restants de la région seront épargnés par le géant de l’industrie. Tous, sauf un : Lützerath.

 

C’est un accord protecteur pour le climat qui apporte une sécurité juridique. Et en accord avec les revendications du mouvement pour le climat il instaure l’obligation juridique de stopper l’exploitation du charbon dans le bassin Rhénan en 2030. Et ma mission politique c’est d’arriver à un résultat similaire dans d’autres lieux en Allemagne. -  Robert Habeek, ministre de l’Économie et de la protection du climat (Verts)

2030, une vraie victoire ?

RWE renonce ainsi à l’exploitation de plus de 230 millions de tonnes de lignite et de charbon dans la région mais pas à la mine que pourrait apporter Lützerath. Le village devra donc être évacué pour être détruit. RWE et le gouvernement se félicitent de l’accord trouvé pour stopper l’exploitation de la mine en 2030 et non pas en 2038 comme cela était initialement prévu. Une économie future chiffrée à plus de 280 millions de tonnes de CO2 qui ne seraient pas émises dans l’atmosphère.

 

Les deux parties de l'accord appuient leur argumentaire sur la sortie plus prématurée du charbon qui est une des revendications principales des activistes pour le climat. Selon eux, elle est nécessaire mais ne peut être réalisée immédiatement. L’Allemagne étant sortie du nucléaire (ou du moins ayant baissé de façon significative son utilisation) la survie énergétique du pays est impossible sans l’exploitation du charbon. Ce qu’ils ne mentionnent pas ce sont les prévisions à la hausse d’exploitation des ressources rhénanes d’ici 2030. Plus de 500 millions de tonnes de CO2 émises dans l’atmosphère, c’est ce qui est évalué pour l’exploitation seule de la zone de Lüzterath dans les sept prochaines années.

 

 

Une expansion nécessaire ?

Selon les militants sur place, l’exploitation de la mine de charbon dans la zone de Lützerath revient à condamner les accords de Paris sur le climat de 2015. Pour eux, respecter la COP 21 et la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C est incompatible avec l’expansion de la plus grosse exploitation de charbon d’Europe.

 

Selon un groupe d’experts allemands sur le climat et l’énergie, la zone de Lützerath pourrait être épargnée et ce, sans répercussion pour l’alimentation énergétique du pays en s’appuyant sur les énergies renouvelables, la sobriété et les exploitations déjà existantes. L’Allemagne a été, un temps, championne de l’énergie renouvelable et décarbonée mais les lobbys de l’industrie du charbon dotés d’une force financière importante, ont lancé depuis 2010 de nombreuses campagnes de désinformation sur le renouvelable afin de promouvoir le charbon comme ressource essentielle révélait une enquête récente du média Reporterre. Le journaliste Mickaël Correia reprenait l'histoire de l'utilisation du charbon allemand dans un thread twitter à retrouver ici

 

© Mickaël Correia - Twitter

 

Une nouvelle rupture politique

L’accord entre RWE et le gouvernement, provoque une cassure au sein des mouvements écologistes. Les militants pour le climat accusent les Verts d’être des traîtres. Alors qu’ils étaient encore membres de l’opposition il y a un peu moins de deux ans, les Verts ont radicalement changé de politique vis-à-vis de l’exploitation du charbon. Renonçant à toute volonté de stopper de toute urgence l’industrie la plus polluante d’Allemagne, ils soutiennent l’accord trouvé avec RWE. Pour les plus jeunes militants et les adhérents les plus radicaux, cet accord est bien en deçà des objectifs que le parti devrait se fixer pour arriver à la neutralité carbone dans les prochaines décennies. La fracture au sein du mouvement est ouverte et les images des deux semaines d’affrontements entre les militants et la police autours de la ZAD vont la rendre difficile à résorber.

 

 

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