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La « Neue Synagoge » de Berlin, « ouvre-moi grand les portes »

Neue synagoge BerlinNeue synagoge Berlin
© Juliana Bitton pour Lepetitjournal.com Allemagne
Écrit par Juliana Bitton
Publié le 28 septembre 2020, mis à jour le 20 octobre 2020

Située au cœur de Berlin, la Nouvelle Synagogue est, contrairement à son nom, une ancienne bâtisse dont l’histoire est unique. Le temps d’un article, plongez-vous au cœur de ce lieu de culte particulier.

 

« Une parure pour la ville »

Vous vous situez au 28-30 de l’Orianenburger Straße. Devant vous se dresse la majestueuse Nouvelle Synagogue de Berlin. Les briques jaunes et bordeaux en terre cuite, ornées de céramique colorée donnent au bâtiment ce reflet brun et chaleureux. Levez la tête ! La coupole principale, accompagnée de deux petites coupoles sur votre gauche et votre droite rappelle le style mauresque, notamment l’Alhambra de Grenade. Pourtant, vous êtes bien à Berlin et l’étoile dorée de David, au sommet de la coupole vous indique que vous êtes devant une synagogue. La coupole du milieu, recouverte de feuille d’or, coiffe le bâtiment telle une couronne élégante.

Ce site n’est pas seulement un souvenir d’un Berlin élégant et bourgeois. Il s’agit avant tout d’un site sacré et religieux évoquant la riche présence des Juifs allemands dans la capitale. Construite en 1866, elle est le fruit d’un concours d’architecture initié en 1857. L’architecte Eduard Knoblauch, alors vainqueur du concours et membre de l’académie des Beaux-arts de Prusse, souhaitait mettre en exergue les origines espagnoles de nombreux Juifs berlinois à travers le style architectural choisi. Mais l’architecte tombe malade et confie les rênes de son chef d’œuvre à Friedrich August Stüler, surnommé « l'architecte des rois de Prusse » qui dirige les aménagements intérieurs. Le 5 septembre 1866, la synagogue fut inaugurée avec la présence du futur chancelier Otto Von Bismarck, 5 jours avant la célébration du nouvel an juif, appelé en hébreu « Rosh Hashana ».

Décrite le lendemain de l’inauguration comme une « fierté de la communauté juive de Berlin », il s’agit selon le National-Zeitung d’ « une parure pour la ville, l'une des créations les plus remarquables de l'architecture moderne dans le style maure et l'un des édifices les plus magnifiques qui aient été construits au cours des dernières années ». Mais l’histoire de ce temple ne s’arrête pas ici.

 

Entre destruction et renaissance, « n’oubliez jamais »

Au début controversée au sein de la communauté juive allemande, la synagogue a soulevé de nombreuses réactions positives comme négatives. Finalement, en 1885, elle devient officiellement la synagogue de la communauté juive de Berlin.

Mais avançons un peu dans le temps. 1938 : dans la nuit du 9 au 10 novembre, Hitler ordonne un pogrom contre les juifs. Les sections d’assauts, la SS et la jeunesse hitlérienne, sous l’égide de Goebbels s’en prennent aux commerces, synagogues et aux bâtiments chers aux juifs. Ils assassinent également une centaine de Juifs et en déportent 30 000 dans des camps de concentration. C’est la nuit de Cristal. A Berlin, les sections d’assauts commencent à mettre le feu à la Nouvelle Synagogue. Mais un officier de police s’y oppose et appelle les pompiers qui mettent fin à l’incendie. Les nazis échouent donc à détruire le bâtiment sacré cette nuit-là. Sur la devanture de la synagogue est aujourd’hui affichée une plaque commémorative sur laquelle on peut lire : « N’oubliez jamais ». En mars 1940, le dernier office religieux y est célébré puis la synagogue devient un dépôt de matériel pour l’armée.

Le 23 novembre 1943, le lieu saint connait à nouveau un traumatisme. Une attaque aérienne de la Royal Air Force détruit une grande partie de la Nouvelle Synagogue. Après la guerre, les survivants juifs décident de redonner vie à ce site religieux, symbole de la vie juive abondante d’autrefois. Mais durant la Guerre froide, elle se situe dans la partie Est de la ville et la communauté juive de Berlin-Est se voit dans l’obligation de démolir une grande partie de la synagogue. Ces parties détruites ne seront pas reconstruites pendant plusieurs décennies.

50 ans après la nuit de Cristal, il a été décidé que la façade serait reproduite à l’identique mais à l’arrière de la synagogue, quelques pierres sont posées afin de délimiter l’ancien bâtiment et une structure moderne en verre est construite. Le temple devient également le Centrum Judaicum (en français Centre juif) dans lequel on peut trouver des restaurants cashers, un foyer socio-éducatif, une galerie d’art ainsi qu’un mémorial pour se souvenir et ne jamais effacer le passé. « Ouvre-moi grand les portes » : un passage du Livre d’Isaïe, est inscrit à l’entrée de la synagogue, comme une invitation à embrasser l’avenir sans cesser d’honorer le passé de la vie des Juifs d’Allemagne.

 

Neue Synagoge Berlin
 © Juliana Bitton pour Lepetitjournal.com Allemagne

 

Que devient la Synagogue aujourd’hui ?

Gesa Ederberg est devenue en 2007 la nouvelle rabbine de la synagogue, ce qui fait d’elle le premier rabbin de la chaire féminine à Berlin. Elle est également la vice-présidente du mouvement Massorti d’Europe, un mouvement juif religieux et traditionaliste incluant indistinctement les femmes et les hommes dans les sphères de la vie juive.

Mais en 2019, un homme armé d’un couteau tente d’attaquer la Nouvelle Synagogue. Cet évènement, qui n’a finalement pas provoqué de blessés montre la recrudescence des actes antisémites en Allemagne ces dernières décennies. On peut par exemple rappeler l’attaque à Halle près d’une synagogue perpétrée par un sympathisant d’extrême-droite le jour de Kippour, jeûne le plus important de la religion juive.

Aujourd’hui, les services juifs ont à nouveau lieu dans ce lieu historique et le musée ainsi que le dôme peuvent être visités par le grand public. Les horaires d’ouverture peuvent être consultés sur le site internet du Centrum Judaicum.

Le 15 septembre 2020, à l’occasion des 70 ans du Conseil central des juifs d’Allemagne, une cérémonie a eu lieu à la Nouvelle Synagogue de Berlin en présence de Josef Schuster, le président du Conseil et de la chancelière Angela Merkel.

 

Neue Synagoge Berlin
 © Juliana Bitton pour Lepetitjournal.com Allemagne

 

Le mois de septembre, un mois de célébration pour les Juifs

Si vous voulez visiter la synagogue ce lundi 28 septembre, vous trouverez porte close. En effet, il s’agira de Yom Kippour, un jeûne fondamental dans la religion juive. Le mois de septembre, « tichri » en hébreu représente le premier mois de l’année dans le calendrier juif. Il commence d’abord par les fêtes de Rosh Hashana, qui honorent le nouvel an juif.

10 jours plus tard, le jeûne du « Grand Pardon », Yom Kippour, prend place et cette journée de prière, de chômage et de diète célèbre Dieu pardonnant les Juifs du monde entier et les inscrivant dans le livre de la vie. Ce jour apparait 10 jours après le nouvel an car durant cette période, les Juifs doivent expier leurs péchés et se repentir afin d’entamer une nouvelle année en étant pardonnés et déterminés à ne faire que le bien, dans le respect dans la religion.

Enfin, il y a les fêtes de Souccot. Aussi appelées « Fête des Cabanes », il s’agit d’une des fêtes de pèlerinage au cours de laquelle les juifs se réjouissent de l’aide apportée par Dieu tout au long de leur histoire et prient pour obtenir la pluie et de bonnes récoltes tout au long de l’année.

La Neue Synagoge de Berlin est donc un bâtiment rempli d’histoire, faisant le lien entre passé, présent et avenir. Ce lieu cultuel et culturel propose des expositions permanentes et temporaires afin de faire revivre l’histoire des Juifs d’Allemagne, non seulement le temps d’une visite mais aussi pour l’éternité.

 

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