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SEBASTIEN FLECK - Des coulisses de l'Ambassade aux lumières de la ville

Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 14 avril 2015, mis à jour le 14 avril 2015

Sébastien Fleck est devenu la star du quartier de Rosenthaler Platz grâce à ses délicieuses pâtisseries françaises qu'il vend dans son magasin situé sur l'Invalidenstrasse et présentées dans de nombreux médias comme une des meilleures pâtisseries-boulangeries françaises de Berlin. Mais avant d'emprunter cette voie, Sébastien a travaillé pendant plus de 10 ans dans les cuisines de l'Ambassade de France, d'abord à Bonn puis à Berlin. Lepetitjournal.com/Berlin est allé à la rencontre du pâtissier/boulanger pour découvrir ce parcours atypique.

De Bonn à Berlin, Sébastien Fleck a côtoyé pas moins de quatre ambassadeurs différents au travers de sa fonction de cuisinier de l'Ambassade de France. Recruté en 1997, après avoir répondu à une annonce d'un journal, le jeune cuisinier, alors détenteur d'un BTS cuisine obtenu à l'école hôtelière de Strasbourg, intègre le personnel de l'Ambassade de France dirigée par François Scheer, ambassadeur de 1993 à 1999. L'ensemble des employés vivent alors au sein d'une même résidence et les recrutés locaux, comme c'était le cas de Sébastien, bénéficient encore de petits avantages tels que la carte semi-diplomatique ou d'un logement. Ceux-ci disparaîtront lors du déménagement de l'ensemble des administrations allemandes et étrangères à Berlin en 1999, dont fait partie l'Ambassade de France et ses 150 employés. Un nouvel ambassadeur est également nommé à cette période. Claude Martin reprend la direction de la représentation diplomatique française en Allemagne et s'installe dans un premier temps dans la résidence de la Jaegerstrasse alors que l'Ambassade sera temporairement située dans la Kochstrasse avant la reprise de ses quartiers d'origines sur la Pariser Platz, là où la première légation française à Berlin s'installe en 1835.

Sébastien Fleck, alors jeune cuisinier de l'ambassade, et l'ensemble du personnel travaillant pour la résidence de l'ambassadeur, excepté l'intendant remplacé par celui personnel de Claude Martin, ambassadeur de 1999 à 2007, feront partie du transfert et vivent directement les changements historiques du Berlin réunifié. "Claude Martin pouvait se montrer capricieux et pas toujours aimable mais cela relevait plus de l'exigence, se rappelle Sébastien Fleck qui côtoient les ambassadeurs de plus ou moins près selon leurs personnalités, certains ont eu un rapport direct avec nous mais ce n'était pas le cas de Claude Martin qui passait toujours par son intendant", poursuit le maître pâtissier. Les différentes époques vécues durant ces quatorze années au service de l'Ambassade de France, sont également liées aux différentes présidences comme l'explique Sébastien. "La première ère chiraquienne était assez énergique, quant à la seconde, on ne savait pas vraiment où on allait. L'objectif, c'était avant tout la réduction du budget". Et cette restriction impacte directement sur les relations entre l'ambassadeur et son personnel. "Lorsque nous devions organiser une grande réception, en cuisine, nous étions toujours remerciés du temps de Claude Martin et on recevait une prime de fin d'année mais avec Bernard de Faubournet de Montferrand, c'était tout juste si on avait droit à un gel douche". Autre ambassadeur, autre style.

En 2007, Bernard de Faubournet de Montferrand est nommé au poste d'ambassadeur de France en Allemagne, plus en tant que spécialiste de la réduction du budget que diplomate, selon Sébastien. "Nicolas Sarkozy avait pour habitude de traiter directement avec l'Allemagne et avait dont plus besoin d'un bon comptable que d'un représentant diplomatique", analyse le boulanger. Et de poursuivre : "Les ambassadeurs visent souvent le titre d'ambassadeur à vie, Berlin étant une des plus importantes représentations diplomatiques et Bernard de Faubournet de Montferrand exerçant son dernier poste de diplomate, il visait plus loin que le poste d'ambassadeur de France en Allemagne". Sébastien a ainsi pu observer le fonctionnement d'un grande Ambassade française comme celle de Berlin, de l'intérieur et au travers elle, vivre directement les changements dans les relations franco-allemandes, économiques ou encore de dirigeants. En tant que cuisinier de l'ambassade, il se souvient de la venue de Gerhard Schröder ou d'Angela Merkel alors qu'elle n'était pas encore chancelière. Mais le meilleur, il souhaite le garder pour lui. Des situations cocasses, il en a vécues mais, il aime le rappeler, aucun fait exceptionnel pour des êtres humains. Et, cette expérience qui peut apparaître comme assez rare et exceptionnelle à un niveau personnel, elle l'a été, pour Sébastien, beaucoup moins professionnellement.

Côté cuisine, rien à signaler
Lorsque l'on interroge Sébastien sur la particularité d'être cuisinier au service de l'Ambassade et de l'ambassadeur, l'engouement se fait légèrement moins sentir. "L'absence de défi a rendu ce travail lassant, confie le quarantenaire, côté public, c'était très pompeux et côté personnel, il n'y avait rien de particulier". Alors que sur les quatre ambassadeurs qu'a côtoyé Sébastien, seul un pouvait avoir des exigences parfois inattendues ou tardives, tandis que les autres sont (presque) toujours restés dans la simplicité, jusqu'à commander un simple plat jambon-purée. "Nicolas Sarkozy adorait les croque-monsieur, se rappelle Sébastien, mais pas n'importe quel croque-monsieur !", ajoute-t-il en souriant. Ce manque de passion fait naître un désir de changement chez le cuisinier. La décision sera prise lors de la nomination du dernier ambassadeur français M.Maurice Gourdault-Montagne en 2011 qui décide de s'installer à Berlin avec son propre personnel créant ainsi un bouleversement au sein des employés déjà en poste. Sébastien voit dans cette situation l'opportunité de se tourner vers un autre voie...mais sans pour autant changer de métier radicalement.

Des fourneaux au petits fours
Un départ bien négocié. Une formation en boulangerie-pâtisserie comme il en rêvait depuis ses débuts à l'Ambassade, la signature du contrat de location de son commerce, situé dans l'Invalidenstrasse à Mitte, Sébastien se lance en 2011 comme maître boulanger et pâtissier. Cette année correspond également au passage dans la quarantaine, l'ouverture du magasin « Les pâtisseries de Sébastien »  sonne comme un nouveau défi qu'il réussit avec brio puisque de nombreux magazines spécialisés et journaux berlinois chantent ses louanges à l'instar du Berliner Zeitung qui écrit : "Le croissant est sauvé". Rien que ça. Les créations et fabrications du tout jeune maître boulanger-pâtissier égalent les produits que l'on peut trouver en France, comme les décrivent les critiques culinaires.

Et les clients approuvent puisque le petit commerce ne désemplit pas en commande. "Depuis que je ne suis plus dans l'administration, j'ai plus de soucis et dors beaucoup moins mais je ne regrette pas ce choix", confie Sébastien qui produit pas moins de 50 baguettes par jour en moyenne en semaine et 75 en week-end, sans compter les viennoiseries et les délicieuses pâtisseries (grandes ou mini) qui trônent fièrement dans la vitrine exposée vers la rue donnant ainsi envie à chaque passant de s'arrêter. "Si je jette des baguettes à la fermeture, je considère que mon pain n'était pas bon", affirme le berlinois d'adoption, très exigent avec lui-même.
Aujourd'hui Sébastien forme à son tour de futurs boulangers-pâtissiers et compte bien faire vivre les Pâtisseries de Sébastien encore un bon moment. "Tout ce qui a pu se passer à l'ambassade, c'est devenu insignifiant aujourd'hui. J'aurais pu écrire un livre mais ce qu'il faut retenir, c'est que ce sont des hommes comme tout le monde".

Anaïs Gontier (www.lepetitjournal.com/Berlin) jeudi 15 avril 2015

 

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Publié le 14 avril 2015, mis à jour le 14 avril 2015

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