

L'ouverture d'une nouvelle boulangerie française à Berlin ? La Boulangerie François joue en effet sur les mots. Cette boutique pop-up de la marque de vodka française Grey Goose, a ouvert ses portes mardi 17 novembre en face de la sortie de métro Oranienburger Tor mais pour quatre jours seulement... Littéralement « fenêtre intruse » en français, le phénomène pop-up se multiplie depuis les années 2000. Le Petit Journal a enquêté sur cet outil publicitaire très prisé des grandes marques.
Au 124 de la Friedrichstrasse, deux portiers-grooms-videurs ouvrent aux clients les portes de la Boulangerie François. Le maître d'hôtel vêtu de blanc prend ensuite le relais. Il accueille les clients dans un français parfait. "Ici, nous jouons la comédie", confesse-t-il dans un sourire, car tout le monde est ravi de cette gigantesque mascarade. Une photographe papillonne autour de lui, réclamant plus de naturel. Il faut que les consommateurs y croient. La Boulangerie François n'est pas une boulangerie. Et pourtant elle est construite en dur : carreaux blancs immaculés au sol, grandes glaces au mur, présentoirs pour les pains, et comptoir en verre. Sauf qu'ici on ne vend pas, on offre. La marque Grey Goose surprend tous les curieux qui s'aventurent dans la boutique. Littéralement « oie grise » en français, voilà comment ne pas se faire avoir par les symboles d'intelligence et la liberté portés par la marque.
Le froment d'amour du pain et de la vodka
Un jour en 1997, un français nommé François Thibault, a inventé dans la région de Cognac la recette de la plus pure vodka qui soit. C'est en effet la seule au monde à faire appel à un Maître de chai, terme habituellement utilisé dans l'élaboration du vin, pour désigner celui qui règne sur la cave, depuis la réception du raisin brut à la mise en bouteille. Grey Goose, troisième vodka la plus vendue dans le monde derrière Smirnoff et Absolut, propose des bouteilles entre trente-cinq et quarante euros, de loin le prix le plus élevé des trois. "Il faut 1kg de blé pour faire 1 L de notre vodka, et la pureté de cet alcool n'engendre aucun mal de tête", affirme le maître d'hôtel. Et de poursuivre : "Enfin cela dépend de la quantité que l'on en boit", ajoute-t-il avec un sourire plaisantin. Dans cette boulangerie un peu spéciale, vous pourrez déguster un pain fabriqué à partir du même blé picard que cette vodka. La levure vient d'Allemagne et le maître boulanger allemand Joachim Seidel de la Bäckerei Beumer & Lutum ont été choisis pour donner au pain le goût de ceux que l'on peut trouver en France ! Pour accompagner le tout, une confiture à la poire au citron ou à l'orange fabriquée par la marque avec 0,2% de Vodka.

Pop-up store : un outil marketing
Cette boutique est donc un pop-up store, c'est-à-dire un magasin à la durée de vie programmée avant même qu'il ouvre ses portes. Dans le cas de la Boulangerie François, la création de ce genre de boutique appartient probablement à la stratégie commerciale. Elle vise à implanter provisoirement la marque dans un endroit afin d'aller à la rencontre des clients. Son caractère éphémère lui permet de faire le buzz en surprenant et en attirant l'attention du destinataire. Pas étonnant que la boutique se situe en face d'une sortie de métro très fréquentée, en plein centre de Berlin. En somme, un lieu idéal pour une visibilité maximale. La boulangerie offre ici un sachet en papier blanc, dans lequel se trouve une miche de pain frais « à la française » et un petit pot de confiture poire-vodka. Pour quoi faire ? C'est littéralement un cadeau publicitaire destiné à des nouveaux clients pour faire parler de la marque. Le pop-up store permet ainsi au commerçant de matérialiser son activité sur une courte période et de rendre son existence concrète aux yeux du consommateur par une expérience unique. Ce faisant la marque associe l'image d'un blé de qualité utilisé pour la préparation des pains frais et moelleux, et celui du froment de Picardie utilisée dans leur vodka. Celle-ci sera donc associée à la sensation que procure une bonne bouchée de pain ? dont on sent facilement s'il est frais ou non.

Show-off français
Avec ces évènements, la campagne publicitaire de Grey Goose a pour objectif d'asseoir la réputation de la marque et de l'associer au visage de François Thibault. Dans l'esprit des berlinois, celle-ci, française, va être associée au luxe d'un pain frais et raffiné. Ainsi, cette marque de spiritueux déjà liée au luxe s'implante dans l'univers gastronomique. En France, la stratégie était adaptée à son public potentiel. La marque avait donc commissionné l'ouverture éphémère de la Boulangerie Bleue. Bleu, blanc, rouge : dans l'Histoire de France, l'azur fait référence au manteau royal paré de fleurs de lys d'or, symboles de loyauté et de fidélité. Il n'est donc pas étonnant que la vodka de luxe ait choisi de s'inscrire dans le lignage saint des monarques de droit divin. De mèche avec le Meilleur Ouvrier de France Frédéric Lalos de la célèbre boutique de bouche Maxim's à Paris, la marque proposait un événement exclusif autour de la mixologie, la science des cocktails, et de la gastronomie : deux jours de dégustations de pains et de cocktails. Elle a ensuite envoyé sur les routes huppées de France un bar truck : Deauville, Cannes, ... C'était aussi l'occasion d'organiser des évènements live avec des artistes réputés, comme La Roux & The Shoes, qui instaurent une relation forte avec les clients. La marque impose ainsi une image « cool et jeune », à laquelle le client associe divertissement, élitisme et plaisir. A Berlin, avec environ 200 visiteurs le premier jour, entre 9 heures et 17 heures, la Boulangerie François remplira certainement son rôle de «valorisation de l'image de marque »... L'ironie du sort étant que les habitants du quartier déplorent l'éphémérité d'une boulangerie française dans le quartier.
Floriane Fumey (http://www.lepetitjournal.com/Berlin) mercredi 18 novembre 2015
Savoir plus :
Les boulangeries traditionnelles françaises de Berlin : http://www.lepetitjournal.com/berlin/pratique/168986-info-pratique-de-la-semaine-ou-se-cachent-les-boulangeries-traditionnelles-a-berlin