

Blogue-trotteuse urbaine, Véronique Glorieux, arrivée à Berlin en 2007, a commencé en septembre 2012 à croquer des détails de sa ville d'adoption avec sa caméra et à en parler dans une chronique quotidienne appelée "La photo du jour de Berlin". En parallèle de "La photo de la semaine", qu'elle publie tous les vendredis sur le petitjournal.com de Berlin, elle vous propose de découvrir le quartier de Marzahn avec regard différent de l'image négative véhiculée.
Marzahn. Un nom inconnu pour la grande majorité des touristes qui visitent Berlin? et pour plusieurs de ses citoyens "non-Berlinois" d'origine d'ailleurs. Même si d'aventure on a entendu parler de ce quartier situé au nord-est de la ville, c'est souvent en des termes peu élogieux, faisant référence aux rumeurs urbaines péjoratives qui parviennent jusqu'aux oreilles bien pensantes du centre : "un repère de néonazis et de bénéficiaires de la Sécurité sociale !", "une cité-HLM où il ne fait pas bon s'attarder la nuit », "un ghetto urbain Ossie"? Ouh là là ! Qui aurait l'idée d'aller se balader dans cette région inhospitalière de la ville ? Je cite la dernière édition du Lonely Planet : "À moins que l'architecture des banlieues socialistes ne vous fascine, vous n'avez aucune
raison de vous aventurer dans cette jungle de béton?"
Ce à quoi je réponds résolument : "N'en croyez rien" ! Au contraire, la balade que j'ai faite il y a deux semaines à Marzahn, fut l'une des plus intéressantes, fascinantes même, en tout cas dépaysantes, depuis mon arrivée dans la capitale allemande. Je crois même qu'une excursion là-bas est essentielle pour quiconque voudrait ajouter une pièce de puzzle clé à l'appréhension globale de la grande mosaïque sociale et historique que constitue Berlin. Et nul besoin d'être féru d'architecture pour l'apprécier.
Pour se mettre en contexte, il faut avoir en tête la connaissance de base de l'histoire du quartier, mais sans plus, l'atmosphère du lieu suffisant à elle seule à nous transporter fin 70'- début 80' au temps de la RDA? Avant cela, Marzahn n'était qu'un village entouré de champs cultivés, jusqu'en 1977 en fait, moment où l'état est-allemand décida d'y construire de nouveaux logements pour 100 000 citoyens. En moins d'une dizaine d'années, 62 000 appartements en préfabriqué dans des tours de 10 à 25 étages, s'élevèrent de la terre des champs. Cette cité constituait la promesse d'une meilleure qualité de vie pour les citadins venus du centre de Berlin : chauffage et eau chaude, supermarchés, crèches et usines où travailler. L'équivalent communiste du "white picket fence" américain !
Un bon point de départ pour la balade est ladite station de S-Bahn Marzahn ? ligne S7, direction Ahrensfelde ? on a très vite une bonne entrée en matière avec le grand « Einkaufshalle » Eastgate Berlin, qui s'offre immédiatement au regard. Même s'il a été ouvert en 2005, seize ans après la chute du mur, son allure "rétro-futuriste seventies" s'intègre parfaitement avec l'endroit, pouvant même être un rappel de la (trop) peu fréquente originalité architecturale de l'est qui a donné la Fernsehturm, par exemple. En empruntant la Marzahner Promenade, derrière le centre, on commence à apprécier, où que l'on pose les yeux, les fameuses tours d'habitation blanches pour la plupart, mais toutes, avec des touches de couleurs vives ici et là : bandes de façades ou balcons peints dans un effort de revitalisation et d'embellissement du quartier, après que 35 000 personnes l'ont quitté, suite à la réunification.
Une petite faim vous tenaille ? N'hésitez pas à vous rendre à la Fleischerei de la place, on vous y servira le plat du jour : Blutwurst mit Sauerkraut ou Rindergoulasch pour une fraction du prix que vous paierez au centre de Berlin. Il y a aussi le restaurant typique d'époque : le Landhaus Marzahner Krug, si l'on veut se restaurer un peu plus à son aise. Petit détail rigolo, dans le Alt-Marzahn, on entend des moutons bêler et des coqs chanter? Ils font partie des pensionnaires du Tierhof Alt-Marzahn, qui fait le bonheur des enfants du macadam et des cités.
De l'Allée des cosmonautes à la Place Hélène-Weigel
On laisse le moyen-âge pour reprendre la route des eighties en empruntant l'Allee der Kosmonauten que l'on suivra vers le sud le long des blocs de HLM, en s'imaginant vivre au temps de la RDA. L'Allée des Cosmonautes? Quel nom insolite et grandiose à la fois, donné en l'honneur de Sigmund Jähn, le premier astronaute allemand qui, en 1978, s'envola à bord du vaisseau Sojus 31 vers la station orbitale soviétique Saljut 6. On avait confiance en ce temps-là que l'URSS ouvrirait les voies de l'espace à la race humaine et de nommer ainsi l'une des rues principales de ce nouveau développement donnait, à ses habitants, une vision résolument tournée vers l'avenir. Un détail amusant et à la fois un peu déconcertant est que cette très longue avenue donne accès à de multiples petites rues secondaires qui toutes s'appellent aussi Allee der Kosmonauten. Si bien que l'on se retrouve constamment au coin de Allee der Kosmonauten et Allee der Kosmonauten. Attention de ne pas vous y perdre.
Voilà où s'est arrêtée ma promenade dans le dépaysant quartier de Marzahn. De la Helene-Weigel-Platz, on reprend le Strasse-Bahn ou le S-Bahn ? Station Springfuhl ? jusqu'au centre, ou alors si l'on a encore de l'énergie et (au moins) une demi-journée devant soi, on peut pousser jusqu'aux Gärten der Welt ? jardins du monde ? de l'Erholungspark de Marzahn. Je garde pour ma part cette visite des, paraît-il, admirables jardins orientaux et européens, pour la belle saison.
Texte et photos : Véronique Glorieux (www.lepetitjournal.com/Berlin) vendredi 15 mars 2013
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Exposition photo de véronique Glorieux ce soir sur le thème de la RDA à l'info café Berlin-Paris dès 19h:
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