Barcelone est, selon une étude récente de Preply, la ville la plus bruyante d’Europe, battant des records de pollution sonore tandis que ses habitants oscillent entre résignation et mobilisation. Trafic routier, vie nocturne débridée, chantiers et tourisme de masse : tous les ingrédients sont là pour faire du silence une denrée rare. Ce phénomène, en progression constante depuis 2023, suscite manifestations, débats et nouvelles réglementations.


Il est presque minuit sur la Rambla del Raval. Malgré l’heure tardive, les conversations éclatent en terrasse, les scooters filent dans le vacarme et, depuis une fenêtre, un résident excédé jette un regard désabusé sur la scène. « Même avec des bouchons anti-bruit, je n’arrive plus à dormir », confie-t-il, fatigué de cette “pollution invisible” qui hante le centre de Barcelone. Et il n’est pas seul : selon l’étude Preply parue en septembre 2024, 83% des Barcelonais déclarent souffrir quotidiennement du bruit, classant la métropole au sommet du classement européen pour la pollution sonore.
Les causes d’une cacophonie urbaine
La première responsable, selon la mairie comme les associations, reste la circulation automobile et, surtout, le passage incessant des deux-roues motorisées, omniprésentes sur les grands axes et dans les ruelles du centre. Les Catalans pointent également la multiplication des bars, terrasses et établissements nocturnes, qui prolongent leur activité bien au-delà de minuit. Dans certains quartiers comme Gràcia, l’Eixample ou la Vila Olímpica, l’insomnie est désormais un mal partagé. Les travaux publics s’ajoutent à ce cocktail explosif, avec des chantiers parfois engagés tôt le matin et sur de longues périodes, provoquant la colère de nombreux riverains.
Face à cette situation, des collectifs se sont créés, à l’image de la FAVB qui organise régulièrement des manifestations pour dénoncer l’inaction des pouvoirs publics. Les revendications sont claires : il faut contrôler les nuisances sonores, limiter les terrasses en soirée et renforcer la verbalisation. La mairie a répondu début 2025 en adoptant plusieurs mesures : la limitation des horaires d’ouverture des établissements, l’extension de zones piétonnes dans l’Eixample, et la fermeture de terminaux de croisière pour réduire la double pression du tourisme et du bruit. Un plan de cartographie du bruit accompagne ces démarches, afin d’identifier précisément les “points rouges” nécessitant une intervention prioritaire.
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Un enjeu de santé publique
Pour de nombreux habitants, la problématique n’est plus seulement une affaire de confort, mais également de santé. L’exposition sonore continue génère également de nombreux troubles auditifs : perte progressive de l’ouïe, douleur aux tympans, acouphènes et hyperacousie sont en nette progression dans la population urbaine. Les seuils de tolérance recommandés par l’OMS, fixés à 55 dB(A) la nuit et 65 dB(A) le jour, sont régulièrement dépassés sur les axes majeurs et dans les quartiers animés de la ville. Les familles s’inquiètent des conséquences sur les enfants : “Les enfants peuvent développer des troubles de l’attention avec tout ce bruit”, affirme une mère du secteur de La Barceloneta.
Quartiers sacrifiés et fracture sociale à Barcelone
Les quartiers les plus affectés : Eixample, Raval, Gràcia, Vila Olímpica, voient leur quotidien rythmé par un bruit constant, impactant la valeur immobilière et provoquant parfois l’exode de résidents lassés. Ailleurs, les riverains s’organisent pour mesurer, documenter et signaler les pics sonores, grâce à des applications participatives ou à l’aide de chercheurs universitaires. Ce sont souvent les quartiers populaires ou très touristiques qui cumulent les nuisances, révélant une véritable fracture sociale autour du droit au silence.
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Si les dernières mesures semblent dessiner le début d’une prise de conscience collective, la bataille contre le bruit à Barcelone reste loin d’être gagnée. Pour de nombreux habitants, la reconquête du silence demeure un horizon incertain, au cœur d’une ville dont le dynamisme se paye aujourd’hui au prix fort. Plus que jamais, le calme est devenu un luxe à reconquérir.
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