Installé une grande partie de l'année à Barcelone, Jean-François Prévand y a été rattrapé par sa passion du théâtre, grâce notamment au festival « Oui ! », fondé par François Vila et Mathilde Mottier. L'auteur de « Voltaire – Rousseau » a aussi été traduit - et interprété - en espagnol et catalan. Preuve que le théâtre est un merveilleux passeport pour franchir les frontières... et rapprocher les cultures.
Comédien et metteur en scène formé au Conservatoire, Jean-François Prévand s'est imposé dans les années 90 comme l'un des grands auteurs de théâtre français. Sa pièce « Voltaire-Rousseau » connaît un fort succès dès sa création, en 1991. Elle est jouée pendant plusieurs années à Paris, puis en tournée, et vaut à son auteur d'être reconnu comme un dramaturge capable de marier exigence intellectuelle et accessibilité. D'autres œuvres suivront, notamment « Camus, Sartre et les autres » (couronnée du prix Europe 1 et d'une nomination aux Molières).
Parallèlement, Jean-François Prévand signe des mises en scène marquantes de textes étrangers (« Rosencrantz et Guildenstern sont morts » de Tom Stoppard) et dirige pendant plus d'une décennie le Festival de Blaye, installé dans une citadelle de Vauban, près de Bordeaux. Homme de théâtre complet, il s'engage aussi dans la vie collective, devenant président du Syndicat national des metteurs en scène, puis administrateur de la SACD.
Un refuge à la Barceloneta
Mais lorsque Jean-François Prévand décide de franchir les Pyrénées pour s'installer à Barcelone, ce n'est pas pour y retrouver la scène... Dans la capitale catalane, il cherche un refuge pour écrire, marcher, observer en toute liberté. Son choix se porte sur la Barceloneta, ce quartier populaire au bord de la mer, avec ses ruelles piétonnes où le linge pend aux fenêtres, ses enfants jouant au ballon, ses odeurs de poisson grillé s'échappant des petites tavernes, ses marchés colorés, ses places aux terrasses animées. Loin de l'agitation parisienne, il y goûte une liberté précieuse : le temps de rêver, de prendre du recul, d'échapper au poids des institutions théâtrales peut-être aussi... Pourtant, les démons (ou les anges) du théâtre ne tardent pas à le rattraper dans cette retraite méditerranéenne.
Un théâtre qui traverse les langues et les cultures
D'abord invité à une lecture de ses textes à la librairie française Jaimes, il est ensuite programmé au « Oui ! », le festival de théâtre en français de Barcelone, créé par François Vila et Mathilde Mottier. Lorsqu'il y interprète Voltaire dans son célèbre dialogue, sur la scène du Cercle Reial, un spectateur est particulièrement touché : le metteur en scène catalan Josep Maria Flotats, grande figure du théâtre espagnol. Au point de s'emparer du texte, qui sera d'abord traduit en castillan, et interprété durant plusieurs mois au Théâtre Guerrero de Madrid. « Voltaire-Rousseau » devient ensuite « La Disputa » pour renaître en catalan au prestigieux Teatro Romea de Barcelone, où la pièce est saluée par la presse et par un public conquis.
De Paris à Madrid, de Madrid à Barcelone, de la langue française au castillan puis au catalan, l'aventure de ce spectacle illustre ce que Jean-François Prévand a toujours cherché : un théâtre qui circule, qui dialogue avec les cultures.
Passeur de textes
Dans la foulée, l'auteur français se laisse entraîner dans une autre aventure. Grâce aux relations tissées dans la capitale catalane, il rejoint - cette fois en tant qu'acteur - l'équipe de Louise Doutreligne et Jean-Luc Paliès, qui créent à Barcelone « L'Aveu un impromptu sur les principes de la Princesse de Clèves », toujours dans le cadre du festival « Oui ! », et avec un tel succès que le spectacle part en tournée dans les universités de Valencia et d'Alicante.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Comme pour « Voltaire-Rousseau », la pièce franchit les Pyrénées, mais cette fois-ci dans l'autre sens : à Paris, elle est accueillie avec intérêt par un public qui découvre une œuvre conçue en Espagne avant d'arriver sur la scène de L'Épée de Bois, à la Cartoucherie.
En ranimant la querelle entre Voltaire et Rousseau en catalan, puis en prêtant sa voix à « L'Aveu de la Princesse de Clèves » de Barcelone à Paris, Jean-François Prévand prouve que les grandes œuvres ne connaissent pas de frontières. Il est, à sa manière, un artisan de ce dialogue permanent, un homme qui sait faire voyager le théâtre sans jamais trahir son essence : l'échange.










