La huitième édition du festival de théâtre en français de Barcelone, créé et dirigé par Mathilde Mottier et François Vila, a été une nouvelle fois marquée par un succès public. Pourtant, l'avenir de ce rendez-vous culturel unique reste sous la menace d'un équilibre financier fragile. Interview de François Vila.
Pour continuer à grandir, nous avons besoin de davantage de soutiens publics et privés, afin de continuer de faire rayonner à l'international la langue française.
Quelles sont vos premières impressions au terme de cette huitième édition du festival de théâtre en français de Barcelone ?
On reste sur le souvenir des deux grandes ovations pour les spectacles « Être ou ne pas naître » et « Passeport », qui a fait le plein au Casino l'Aliança de Poblenou lors de la soirée de clôture, avec 760 spectateurs enchantés, ce qui est un record de mobilisation ! Et c'est aussi la reconnaissance des efforts pour porter jusqu'au public de Barcelone l'équipe de 13 personnes qui assure ce spectacle prometteur et très émouvant, consacré au sort des migrants.
En plus de l'émotion, nous avons eu la chance d'avoir la présence de l'auteur et metteur en scène Alexis Michalik. D'autres textes ont été particulièrement remarqués lors de cette huitième édition du Oui ! festival de théâtre en français de Barcelone, comme « L'enfant de verre », écrit par Léonore Confino et Géraldine Martineau, qui a rassemblé plus de 300 personnes un dimanche soir au très beau théâtre Plaza de Castelldefels.
Là aussi, nous sommes particulièrement satisfaits d'avoir programmé cette pièce qui sera présentée au festival d'Avignon l'été prochain. Nous retenons donc aussi la confiance des autrices, auteurs et les compagnies théâtrales qui nous permettent de faire découvrir au public barcelonais des œuvres d'un excellent niveau, le plus souvent en exclusivité.
De fait, comment les auteurs considèrent-ils le festival « Oui ! », et quelle est aujourd'hui sa spécificité pour la scène théâtrale française ?
Bien évidemment, la première satisfaction, c'est ce qui se passe pendant le festival, c'est à dire l'accueil du public. Et réunir plus de 2.000 personnes au cours des sept spectacles qui ont été présentés, c'est déjà une performance ! Des œuvres qui ont été remarquablement appréciées, ce qui constitue une très belle récompense pour les auteurs, metteurs en scène et comédiens. D'autant que ces pièces de théâtre en sont pour la plupart au début de leur parcours, elles vont voyager, rencontrer d'autres publics, notamment en France.
Pour les compagnies qui viennent se frotter au public francophone et international en Catalogne, le Oui ! festival représente donc en quelque sorte un test. Cela peut être également un tremplin, comme pour « L'aveu de la princesse de Clèves ». Cette œuvre écrite par Louise Doutreligne et mise en scène par Jean-Luc Paliès a été créée au festival suite à d'une résidence de deux semaines et demi, en collaboration avec l'Institut français de Barcelone. Après cette création, la pièce est déjà programmée à Valencia et Alicante, puis sera présentée en France. Et nous sommes heureux que le festival soit partenaire de cette aventure que nous espérons longue.
Vous considérez-vous comme des « ambassadeurs » de la culture française ?
Sans la moindre prétention, il faut d'abord souligner que le « Oui ! festival » est, à ma connaissance, le seul festival de théâtre en français d'une telle ampleur dans un pays non-francophone. Mais ce qui nous importe en tout premier lieu, c'est de défendre des autrices et des auteurs et des textes originaux.
Par exemple, l'œuvre « Les passeurs de livres de Dayara » de Delphine Minoui, a été traduite et présentée au Théâtre National de Catalogne. En ce sens, nous revendiquons aussi notre rôle de « passeurs de langue ». Et c'est dans cette logique que nous avons développé cette année le concours de lecture qui a permis à une centaine de personnes de se retrouver au Cercle Reial de Barcelone.
C'est ce qui nous permet aussi de créer des liens avec les écoles de langues de Barcelone et ses alentours (entres autres les EOI : Escuelas Oficiales d'Idiomas), au même titre que les débats de bord de scène, les lectures et rencontres, les interventions dans les écoles de langue, et même les transpositions d'œuvres. D'ailleurs, trois pièces présentées au festival ont déjà fait l'objet d'une traduction et exploitation en Catalogne après leur passage au festival : « PompierS » de Jean-Benoît Patricot, « La Magie Lente » de Denis Lachaud, et « Voltaire - Rousseau » de Jean-François Prévand, dont le spectacle est toujours à l'affiche à Barcelone !
Comment envisagez- vous la prochaine édition du festival ?
Hélas, nous n'avons pas de grande visibilité. Malgré la reconnaissance du public et le succès d'estime, nous sommes toujours dans une situation financière très fragile, dans l'attente de subventions qui pourraient nous permettre d'équilibrer le budget de cette huitième édition, mais sans véritable garantie d'y parvenir. Par conséquent, il est impossible pour l'heure de se projeter sur l'année qui vient, ni de dire si nous serons en mesure de maintenir le rendez-vous dans la même envergure. L'idéal serait que nous puissions trouver des partenaires, publics ou même privés, qui puissent nous soutenir pour assurer l'avenir du « Oui ! festival».
Quelles sont les possibilités de partenariats que vous envisagez ?
Jusqu'à présent, nous avons porté le festival à bout de bras, y compris post Covid. Mais si nous voulons que ce rendez-vous perdure, il va nous falloir trouver d'autres moyens de financement, ou des aides. Aujourd'hui, nous avons besoin de soutiens qui puissent nous accompagner.
Comme Barcelone est une ville où il y a beaucoup d'entreprises françaises et de réseaux d'entrepreneurs français, nous rêvons de constituer une sorte de « cercle de mécènes », fédérant toutes les bonnes volontés des amateurs de culture francophone en Catalogne.
Certains nous aident déjà directement, comme c'est le cas cette année, du chef étoilé Romain Fornell, qui a offert des repas aux lauréats du Concours de lecture à voix haute. C'est, entre autres, ce type de partenariats que nous voulons développer. Pour continuer à grandir, nous avons besoin de davantage de soutiens publics et privés, afin de continuer de faire rayonner à l'international la langue française.