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Plan de retour: l'Espagne veut rapatrier ses talents

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Photo by Sebastian Grochowicz on Unsplash
Écrit par Léa Surugue
Publié le 25 novembre 2018

Des milliers d’Espagnols ont quitté leurs pays au moment de la crise. Surtout jeune et diplômée, cette population veut désormais revenir en Espagne, avec le soutien des autorités qui préparent un plan de retour des talents.

 

Depuis quelques semaines, le gouvernement de Pedro Sánchez fait de grands pas en avant afin de mettre en place un plan de retour pour les émigrés espagnols souhaitant rentrer dans leur pays natal.

Le 14 novembre, la secrétaire d’Etat aux Migrations, Consuelo Rumi, a en effet annoncé les grandes lignes d’une stratégie visant à répondre aux besoins et aux doutes de cette population. L’objectif est clair : les aider dans leurs démarches et faciliter le retour des talents qui étaient partis, principalement pendant les années de crise.

Des réunions entre les membres de la communauté émigrée et des responsables du ministère du Travail, des Migrations et de la Sécurité sociale, à Berlin et à Londres, respectivement le 16 et 30 novembre, doivent préparer le terrain pour comprendre les aspirations de ceux qui souhaitent retrouver l’Espagne. Ces rencontres ont été facilitées par l’organisation Volvemos, bien connue de la communauté émigrée, et en contact sur le sujet depuis longtemps avec les autorités.

"Notre but a toujours été le retour des Espagnols qui ont dû quitter le pays pendant les années de crises. Certains sont partis à contre cœur, parce qu’ils n’avaient pas d'opportunités en rapport avec leurs études. Ils éprouvent maintenant le besoin vital de rentrer en Espagne. Avec le gouvernement de Sánchez, on a vu un changement. Il y a une volonté de s’approprier le sujet et de faire bouger les choses pour faire rentrer les talents, en s’appuyant sur notre expertise", explique le Français Sébastien Sanz, l’un des co-fondateurs de Volvemos.


2,5 millions d'Espagnols à l'étranger

volvemos

Actuellement, près de deux millions et demi d’Espagnols vivent à l’étranger, dont plus de 900.000 ayant émigré depuis le début de la crise. Sur la plateforme de Volvemos, plus de 9.000 d’entre eux se sont inscrits afin d’obtenir de conseils pour rentrer en Espagne. Nombreux seraient donc ceux qui bénéficieraient de la mise en place d’un plan de retour.

Parmi les barrières au retour le plus souvent évoquées par ces émigrés (principalement des jeunes avec un niveau d'instruction élevé), on retrouve des obstacles bureaucratiques et logistiques. Ils déplorent surtout un manque d'information de la part des autorités espagnoles, et une difficulté dans les procédures administratives.

"Ces personnes ont par exemple pu acquérir des diplômes à l'étranger qu’elles ont du mal à faire valoir en Espagne. Elles ont du mal à toucher le chômage ou des aides au logement lorsqu’elles reviennent dans le pays, pendant qu’elles sont en recherche d’emploi", souligne Sanz.

Pour ceux qui passent des entretiens depuis l'étranger, le problème de la distance, pour revenir rencontrer les recruteurs, peut aussi se poser. Les entreprises espagnoles ne sont pas non plus toujours bien informées au sujet des nouvelles compétences dont font preuve ces individus, ce qui peut être un frein au retour. Un travail de sensibilisation auprès de ces structures et une mise en contact entre employeurs et potentiels employés, s'avère donc nécessaire pour montrer aux entreprises l'intérêt de recruter des personnes qui reviennent d’un autre pays.

"Nous souhaitons que les entreprises et les administrations comprennent que vivre à l'étranger, ce n’est pas simplement apprendre une nouvelle langue. C’est aussi acquérir d’autres valeurs et d’autres modes de travail. Ces personnes ont acquis confiance en eux en surmontant les barrières de vivre dans un nouveau pays. Ils reviennent avec beaucoup de dynamisme et des capacités de prise d’initiative importantes. C’est enrichissant pour les entreprises, et cela peut contribuer à moderniser l’appareil productif espagnol", précise Sanz.


Nous souhaitons que les entreprises et les administrations comprennent que vivre à l'étranger, ce n’est pas simplement apprendre une nouvelle langue

 

Au delà des réunions pour découvrir les attentes de la communauté émigrée, la stratégie du gouvernement prévoit la mise en place d’une plateforme, début 2019, qui regrouperait des réponses aux questions les plus fréquentes et des conseils pour les personnes qui souhaitent revenir (avec une attention particulière accordée aux jeunes disposant de qualifications moyennes à élevées).

Tout ceci implique la coordination de plusieurs ministères (en particulier celui des Affaires étrangères, de l'Education, des sciences et de l'industrie), mais aussi des communautés autonomes.

D’ailleurs, le gouvernement prévoit de s'inspirer de certaines initiatives déjà mises en place dans ces régions et ayant remporté un certain succès. En Castille-La Manche notamment, un programme d’aide au retour a porté ses fruits, et sert de laboratoire pour penser le futur plan qui sera mis en place à l'échelle nationale.

"L’un des succès de cette communauté a été d’avoir mis en place des structures composées de 'mediadores', des personnes spécialisées dans la recherche et la gestion de l’emploi, a qui il a été demandé de passer du temps spécifiquement avec les personnes revenant de l'étranger, et avec les entreprises intéressées par leurs compétences particulières", analyse Sanz.

En un an, 155 personnes sont revenues dans cette région, avec un emploi. Un modèle qui pourrait donc potentiellement présenter un intérêt ailleurs, et être étendu. En revanche, aucune incitation économique n’est pour le moment prévue pour inciter les talents à retourner vivre et travailler en Espagne.

 

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