Plus de 2.000 travailleurs migrants employés par un grand exportateur thaïlandais de produits de la mer ont appelé lundi à une amélioration de leurs conditions de travail et de leurs salaires. Une prise de position rare dans un pays où les étrangers n'ont pas le droit de former des organisations syndicales.
Les leaders représentant 2.243 Birmans employés dans des usines de transformation du groupe Sea Value ont soumis une pétition "demandant une augmentation des prestations sociales et un changement des conditions de travail", a indiqué l'organisation Migrant Worker Rights Network dans un communiqué.
"Les principales demandes concernent l'augmentation de bonus, l'augmentation des indemnités pour le travail de nuit, l'augmentation des primes," a fait savoir Andy Hall, militant pour les droits des travailleurs migrants, qui souligne que des revendications précédentes sur la réduction des frais de recrutement avaient été satisfaites.
La Thaïlande est le troisième exportateur mondial de produits de la mer, mais le secteur dans le royaume fait l'objet d'accusations régulières d'abus des droits de l'homme et d'exploitation au sein de ses flottes de bateaux de pêche et de ses innombrables usines de transformation.
L'industrie est principalement pourvue de travailleurs migrants pauvres venus de Birmanie, du Laos et du Cambodge. Mais le traitement dont ils font généralement l'objet suscite ces dernières années une frilosité croissante de la part des acheteurs, notamment en Europe et aux Etats-Unis, où les consommateurs sont de plus en plus demandeurs d'une traçabilité éthique des filières de nourriture.
Selon son site Internet, les usines de Sea Value Group transformeraient plus de 1.000 tonnes de thon, de sardines, de maquereau et autres poissons par jour, l'essentiel étant exporté vers l'Europe et les Etats-Unis.
Un porte-parole pour Sea Value Group a refusé de réagir par rapport aux demandes des travailleurs.
Revendications risquées
Le site Internet du groupe soutient que les produits de l'entreprise "satisfont et dépassent les attentes des consommateurs avec des pratiques de fabrication, des normes éthiques et une durabilité environnementale et industrielle renforcée".
Les travailleurs migrants font de plus en plus entendre leurs revendications pour de meilleures conditions salariales et de travail ces dernières années. Mais cela ne va pas sans risques.
De nombreux employés sont toujours en situation irrégulière malgré les récents efforts du gouvernement thaïlandais pour faire enregistrer tous les ouvriers migrants.
Cela laisse nombre d'entre eux en proie à des employeurs sans scrupules et des trafiquants d'êtres humains.
La Thaïlande interdit également aux étrangers de former des syndicats. Beaucoup de ceux qui se plaignent se retrouvrent sans travail voire poursuivis pour diffamation.
L'an dernier, un groupe de travailleurs birmans d'un élevage de poulets avaient porté plainte pour "travail forcé" contre leur employeur ainsi que le géant de l'agroalimentaire Betagro, client de la ferme et fournisseur des marchés européens.
L'entreprise avait nié les accusations et les plaignants avaient été inculpés pour diffamation puis arrêtés pour le vol des cartes de pointage qu'ils avaient déposées comme preuves des journées de travail excessives qui leur étaient imposées.
En septembre, Andy Hall lui-même avait été condamné pour diffamation et avait écopé d'une peine de prison avec sursis à cause d'un rapport mettant en lumière des abus dans le secteur très lucratif des produits fruitiers. Il a depuis choisi de quitter le royaume.
Mais la Thaïlande commence à être rattrapée par sa piètre réputation en matière de condition de travail ouvrier.
L'Union Européenne a menacé de boycotter tous ses produits de la mer si le gouvernement militaire ne parvenait pas à endiguer la pêche illégale au sein de sa flotte. La junte a assuré qu'elle assainirait le secteur.