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Un groupe d'entreprises dénonce le procès contre le rapport "Le bon marché a un prix"

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Jean-Louis Duzert
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 27 août 2014, mis à jour le 20 décembre 2022

Un groupe d'entreprises européennes a fait savoir son inquiétude vis-à-vis du procès d'un militant britannique qui risque la prison en Thaïlande pour une enquête sur des abus supposés des conditions de travail dans l'industrie alimentaire du royaume.

Andy Hall fait actuellement face à une série de poursuites en justice, au civil et au criminel, engagées par la société thaïlandaise de transformation de fruits, Natural Fruit, en réponse à des accusations de travail forcé, de recours au travail des enfants, de salaires inférieurs smic et de dépassement du temps de travail réglementaire.

"Nous sommes très inquiets et préoccupés par ces développements négatifs," a déclaré United Nordic, un groupement d'entreprises agro-alimentaires d'Europe du nord, dans une lettre adressée à l'Association des professionnels thaïlandais de l'agro-alimentaire.

"Nous pensons que ces derniers développements peuvent faire encore plus de mal au secteur thaïlandais de l'agro-alimentaire", poursuit la lettre.

Le PDG de United Nordic, Steinar Halvorsen, a fait savoir à l'AFP que le groupe "n'accepterait pas de telles actions en justice contre des journalistes ou tout autre individu qui enquête et publie des rapports sur les droits de l'homme dans les usines thaïlandaises ou toute autre usine dans le monde".

"Nous estimons que la bonne façon de traiter ce genre de critiques est de présenter des faits et de s'engager dans un dialogue constructif avec toutes les parties concernées," a-t-il ajouté.

Andy Hall, qui a émis les accusations dans un rapport rendu public l'an dernier par l'ONG Finnwatch, doit comparaitre devant un tribunal de Bangkok le 2 septembre prochain afin de répondre à des chefs d'accusations pour diffamation en lien avec une interview qu'il a donnée à la chaine de télévision qatari Al Jazeera sur l'affaire.

Les autorités thaïlandaises, désormais sous le joug militaire, lui ont confisqué son passeport, en attendant son jugement. S'il est condamné lors du premier procès, il pourrait écoper d'un an de prison. Mais des charges plus sérieuses, tombant sous le coup de la fameuse loi sur les crimes informatiques, l'attendent courant septembre.

Natural Fruit, un gros fournisseur du marché européen des boissons, demande également 10 millions de dollars (7.5 millions d'euros) de dommages et intérêts.

"Citoyens exploités"

Andy Hall a dénoncé les chefs d'inculpation comme étant du "harcèlement judiciaire". Dans des commentaires envoyés par e-mail à l'AFP, il a estimé que les charges contre lui "reflétaient l'environnement punitif, risqué et restrictif qui prévaut actuellement et dans lequel les protecteurs des droits des migrants doivent travailler en Thaïlande".

"Sur le terrain, protéger les droits des migrants est toujours dangereux et très difficile. Les migrants sont trop souvent réduits à l'état de citoyens silencieux de seconde zone et exploités malgré leur rôle crucial dans le secteur thaïlandais des produits alimentaires d'exportation."

Une usine Natural Fruit située dans le sud de la Thaïlande avait fait l'objet d'une enquête pour Finnwatch car elle produisait du concentré d'ananas pour des produits de marques appartenant à des supermarchés finnois, selon l'ONG. Le rapport de cette enquête s'intitulait "Cheap Has a High Price" (le bon marché a un coût élevé).

Dans un communiqué, Finnwatch a appelé la Thaïlande, qui est le premier producteur mondial d'ananas, à modifier son approche "au lieu d'émettre des menaces et exploiter les travailleurs".

"Autrement, il y a un risque que les entreprises et les consommateurs ne veuillent plus acheter les produits thaïlandais," a déclaré le directeur Sonja Vartiala.

Plus tôt ce mois-ci, 100 ONG et groupes de défense des droits de l'homme ont envoyé une lettre commune aux membres de l'Association des industriels thaïlandais de l'ananas les appelant à convaincre leur confrère Natural Fruit de mettre fin à ses poursuites.

Les travailleurs migrants, particulièrement ceux venus de Birmanie et du Cambodge, permettent aux grandes firmes industrielles thaïlandaises, de la construction à la pêche, de se maintenir, mais ils sont souvent employés sans permis de travail et payés sous le smic.

En juin, le journal The Guardian avait publié une enquête révélant des conditions d'esclavage ayant lieu sur des bateaux de pêche en Thaïlande qui fournissent le numéro un thaïlandais du secteur alimentaire, Charoen Pokphand (CP) Foods. L'enquête avait révélé que des géants de la distribution comme Carrefour, Walmart, Tesco ou encore Costco, se fournissaient en crevettes auprès de Charoen Pokphand (CP) Foods. En réaction à ces révélations Carrefour avait notamment dit vouloir suspendre ses relations commerciales avec CP "le temps que la lumière soit faite".

La junte militaire au pouvoir avait déclenché un exode massif de travailleurs cambodgiens après le coup d'Etat du 22 mai en menaçant d'arrêter et de renvoyer les travailleurs illégaux. Plusieurs milliers sont revenus en Thaïlande depuis.

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