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PRACHATHAI – Condamnée pour n’avoir pas retiré un commentaire assez vite

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La cour suprême thaïlandaise a confirmé mercredi la peine avec sursis infligée à la rédactrice en chef du site internet Prachathai pour n'avoir pas retiré rapidement des commentaires postés sous un article qui sont jugés insultants envers la monarchie. Un verdict qui intervient alors que la junte au pouvoir met en ?uvre une répression du lèse-majesté sans précédent avec des sentences démesurées qui reposent sur une interprétation de la loi de plus en plus large

Chiranuch Premchaiporn, rédactrice en chef du site d'information Prachathai, avait été inculpée à l'origine pour ne pas avoir supprimé assez rapidement 10 commentaires postés sur le forum de son site, en 2008. Elle avait été reconnue coupable en 2012 par la cour criminelle qui avait estimé que, bien que n'ayant pas elle-même commis de crime de lèse-majesté, les 20 jours qu'il lui a fallu pour retirer l'un des commentaires la font tomber sous le coup de la loi.

La justice s'appuyait sur la loi sur l'informatique qui étend la responsabilité des actes de diffamations aux personnes garantes du support ou de la connexion utilisés pour perpétrer l'acte.

Le jugement de mercredi confirme la condamnation de l'éditrice à huit mois de prison avec sursis et 20.000 bahts (environ 500 euros) d'amende, une peine qui avait été confirmée en appel en novembre 2013.

"Je suis déçue par le verdict et je pense que l'interprétation de la loi est un fardeau pour les opérateurs de services Internet", a déclaré à l'AFP Chiranuch après la décision.

Ce dossier, devenu un symbole de la lutte pour la liberté d'expression, avait provoqué en 2012 de nombreuses critiques internationales, y compris de la part de Google qui avait décrit l'affaire comme une "sérieuse menace" vis-à-vis de la liberté de l'Internet en Thaïlande.

La Thaïlande possède une des lois de lèse-majesté les plus sévères au monde.
 
Toute personne offensant le roi Bhumibol Adulyadej, 87 ans, présenté comme un demi-dieu, la reine, son héritier ou le régent, est passible de 15 ans d'emprisonnement pour chaque délit.

Et tout citoyen thaïlandais peut porter plainte pour diffamation royale et la police est tenue d'enquêter.

Condamnations à tout-va

Depuis la prise de pouvoir des militaires en mai 2014, les poursuites se sont multipliées et les peines alourdies tandis que l'interprétation de la loi est de plus en plus élargie.

Et les accusés n'ont plus la possibilité de faire appel puisque tous ces cas sont désormais jugés par des tribunaux militaires.

Les médias basés en Thaïlande doivent s'autocensurer lorsqu'il est question de la monarchie, et les animateurs de sites internet doivent redoubler de vigilance et supprimer régulièrement les commentaires de lecteurs susceptibles de les faire tomber sous le coup de la loi.

Certains condamnés pour lèse-majesté se sont vus infliger des peines de 20 à 30 ans de prison pour de simples commentaires sur les réseaux sociaux.

Parmi les affaires les plus récentes, la semaine dernière, un internaute déjà détenu pour lèse-majesté pour avoir "liké" sur Facebook un post jugé insultant pour le roi, s'est vu poursuivi pour avoir manqué de respect au chien du monarque.

Depuis début décembre, l'ambassadeur des Etats-Unis est sous le coup d'une enquête après des propos sur les poursuites pour lèse-majesté tenus fin novembre au club des correspondants étrangers de Thaïlande (FCCT).

Certains intellectuels ont également été inquiétés pour avoir écrit sur des rois des siècles passés.

En août, un homme a été condamné à 30 ans de prison et une mère de deux jeunes enfants à 28 ans pour des messages diffusés sur les réseaux sociaux.

Des sentences jugées alors "disproportionnées" par les Nations unies qui s'étaient dites "consternées" par les verdicts prononcés durant les mois précédents (lire notre article).

Le 8 octobre dernier, le Parlement Européen a adopté une résolution déplorant les violations des droits de l'homme en Thaïlande après le coup d'État de mai 2014, citant notamment la loi contre le crime de lèse-majesté.

Néanmoins, la justice semble parfois se montrer clémente. En octobre, le webmaster d'un média ultra-royaliste a écopé d'une simple peine avec sursis, étonnamment légère, pour avoir publié un faux bulletin de santé du roi.

Prachatai, qui publie en thaï et en anglais, est l'un des rares site d'information thaïlandais à publier des articles approfondis concernant la diffamation royale.

En octobre, l'AFP a décerné à Mutita Chuachang, une journaliste du site, le prix Kate Webb pour sa couverture des procès de lèse-majesté.

Pour Sunai Phasuk de Human Rights Watch, la condamnation de Chiranuch "renforce le contrôle de la liberté d'expression". "De plus en plus modérateurs internet et de webmasters vont censurer les discussions sur la monarchie, de peur d'être eux aussi poursuivis pour les commentaires postés par d'autres personnes", a-t-il ajouté auprès de l'AFP.

Le 4 décembre 2005, la veille de son anniversaire, le roi Bhumibol avait pourtant assuré qu'il ne fallait pas prendre le lèse-majesté au sérieux, et qu'il ne se considérait pas hors de portée de la critique. ?En réalité, je ne suis pas au-dessus de la critique. Je ne la crains pas si elle concerne ce que je fais de mal. C'est grâce à cela que je pourrai le réaliser. Car, si vous dites que le roi ne peut être critiqué, cela veut dire que le roi n'est pas un homme", avait-il notamment déclaré.

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P.C. avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) mercredi 23 décembre 2015
 

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