La police thaïlandaise a ouvert une enquête pour diffamation royale contre l'ambassadeur des Etats-Unis dans le pays après ses propos évoquant les poursuites pour lèse-majesté dans ce royaume d'Asie du sud-est qui est un allié militaire de Washington.
Le club des correspondants étrangers de Thaïlande (FCCT), où s'était exprimé fin novembre l'ambassadeur Glyn T. Davies, a été tenu de collaborer avec la police "dans le cadre d'une enquête officielle pour déterminer si les observations faites par l'ambassadeur ont violé l'article 112 du code pénal, la loi de lèse-majesté", a indiqué le club dans un communiqué mercredi.
Une source policière a confirmé à l'AFP qu'une plainte avait été déposée et une enquête ouverte.
"Nous sommes préoccupés par les longues peines de prison, sans précédent, rendues par les tribunaux militaires thaïlandais contre des civils pour violation de la loi de lèse-majesté", avait déclaré M. Davies, en poste depuis quelques semaines.
"Nous pensons que personne ne devrait être emprisonné pour avoir exprimé pacifiquement ses opinions et nous soutenons fermement la possibilité pour les individus et les organisations indépendantes de faire des recherches et des rapports sur des questions importantes sans crainte de représailles", avait-t-il ajouté.
Mais les commentaires de l'ambassadeur américain portaient la loi de lèse-majesté, pas la famille royale.
A propos de cette dernière, le diplomate, qui s'est exprimé durant plus d'une heure au club des journalistes, n'avait d'ailleurs pas manqué d'éloges, disant que Washington respectait et admirait le roi Bhumibol.
"Nous pensons qu'il a réalisé tant de choses merveilleuses non seulement pour la Thaïlande, mais aussi pour les Etats-Unis et pour la région", avait-il dit, tout en rappelant les relations profondes entre les deux pays.
Une vidéo du discours est disponible sur la chaine You Tube du FCCT.
Erreur de traduction?
A Washington, le département d'Etat a rappelé que "le gouvernement américain avait le plus grand respect pour la monarchie thaïlandaise", tout en réaffirmant "la politique de longue date des Etats-Unis sur la question de la liberté d'expression".
Les Etats-Unis et la Thaïlande sont liés depuis la Guerre froide par un traité d'alliance militaire mais les relations se sont refroidies depuis le coup d'Etat à Bangkok en 2014, Washington réclamant régulièrement la relance d'un processus démocratique.
Tout citoyen thaïlandais peut porter plainte pour diffamation royale et la police est tenue d'enquêter.
L'AFP a pu consulter une copie de la plainte, qui demande un DVD des commentaires de M. Davies ainsi que la liste des personnes présentes à la soirée.
La requête, émanant d'une personne ayant assisté au discours, semble fondée sur une mauvaise traduction des propos de M. Davies qui s'exprimait en anglais.
Selon la lettre, Davies aurait déclaré que Washington aiderait les organisations indépendantes à faire des recherches sur le lèse-majesté "afin qu'elles n'aient pas de craintes".
La famille royale thaïlandaise est protégée par l'une des lois les plus restrictives au monde. Toute personne offensant le roi Bhumibol Adulyadej, 87 ans, présenté comme un demi-dieu, la reine, son héritier ou le régent, est passible de 15 ans d'emprisonnement pour chaque délit.
Et depuis la prise de pouvoir des militaires en mai 2014, les poursuites se sont multipliées et les peines alourdies.
Le 4 décembre 2005, la veille de son anniversaire, le roi Bhumibol avait pourtant assuré qu'il ne fallait pas prendre le lèse-majesté au sérieux, et qu'il ne se considérait pas hors de portée de la critique. ?En réalité, je ne suis pas au-dessus de la critique. Je ne la crains pas si elle concerne ce que je fais de mal. C'est grâce à cela que je pourrai le réaliser. Car, si vous dites que le roi ne peut être critiqué, cela veut dire que le roi n'est pas un homme", avait-il notamment déclaré.
Comme tous les ambassadeurs, Glyn T. Davies est protégé par l'immunité diplomatique et ne risque donc pas d'être arrêté mais Bangkok peut lui retirer son accréditation pour représenter les Etats-Unis en Thaïlande.
Dans le royaume, l'autocensure pour tout ce qui touche à la famille royale est très forte, y compris dans les médias étrangers.
Quelques jours après les propos de l'ambassadeur, qui portaient sur l'application de la loi et évoquaient les sévères peines récemment prononcées, environ 200 manifestants royalistes s'étaient rassemblés devant l'ambassade américaine à Bangkok.