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Père Nicolas: "L’accueil du Pape en Thaïlande a dépassé le protocole"

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Le père Nicolas de la Paroisse Francophone de Bangkok
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 3 décembre 2019, mis à jour le 3 décembre 2019

Pour son 32ème voyage apostolique, le Pape François a passé trois jours en Thaïlande afin de célébrer la création du premier vicariat apostolique dans le pays il y a 350 ans et relancer l’esprit de mission parmi la communauté catholique thaïlandaise. 

La visite en Thaïlande du Pape François, du 20 au 23 novembre, qui correspondait au 350e anniversaire de la création du premier vicariat apostolique, “Mission de Siam”, était le rendez-vous le plus attendu de l’année pour la communauté chrétienne du royaume. Le séjour du souverain pontife a été marqué par des entretiens avec le roi Maha Vajiralongkorn et le patriarche suprême du bouddhisme thaïlandais ainsi que par des prises de positions fortes sur des sujets de sociétés tel que la traite des êtres humains, l’exploitation des femmes et des enfants, les migrants et les réfugiés. 

Lepetitjournal.com a rencontré le père Nicolas de la Paroisse Francophone de Bangkok pour recueillir ses impressions à l’issue de cette visite historique. “La visite du Pape n’était pas qu’une visite de courtoisie”, résume-t-il. “Pour les chrétiens c’est un véritable encouragement à poursuivre dans les pas du Christ. Le discours du Pape bouscule et, en même temps, il est un artisan de paix, un constructeur de ponts, un militant du respect mutuel entre les peuples et les religions. Cette visite était plus qu’un discours, elle avait un effet pacifiant”. 

Lepetitjournal.com: Vous avez assisté à la messe au stade national de Bangkok, comment avez-vous ressenti l’événement ?

Père Nicolas: Nous avons assisté à la messe avec un groupe de 170 paroissiens francophones. La sobriété et le côté solennel ont surpris de nombreux Occidentaux. Nous pouvions ressentir la ferveur, mais une ferveur asiatique, c’est-à-dire beaucoup plus réservée qu’une célébration latine. Il y avait 50.000 personnes qui priaient en silence. L’autel était également d’une sobriété rare pour la Thaïlande - en général, il y a un débordement de fleurs et de décorum. 

Que peut-on retenir de la visite du Pape François en Thaïlande ?

Le fait que le Pape montre une attention toute particulière à un groupe de fidèles qui ne pèse pas grand-chose, les gens ont été touchés. Tous les chrétiens espèrent une fois dans leur vie le rencontrer. De manière générale, les gens étaient très heureux de cette visite. 

Il a eu des paroles fortes sur le trafic des êtres humains, sur la prostitution, les migrants et les réfugiés. À travers ces thèmes, il ne pointe pas que la Thaïlande bien sûr. Est-ce que les politiciens vont prendre en charge ces problématiques ? Je ne sais pas. Pour autant sur le long terme, je pense qu’il y aura des effets positifs qui viendront plutôt des universitaires et des associations.

Ensuite, lorsque le Pape a été reçu par le patriarche suprême des bouddhistes, Somdet Phra Maha Munivong est venu le chercher à l’entrée du temple: c’est exceptionnel, cela ne répond pas au protocole. Le roi Maha Vajiralongkorn a descendu les marches pour raccompagner le chef de l’église chrétienne. Ce sont des gestes qui n’ont pas échappé aux Thaïlandais. 

Qu’est-ce qui a permis ce débordement du protocole ?

Je pense que cela vient de son effet pacifiant. Il vient en artisan de paix, pour construire des ponts entre les peuples et les religions. Plus qu’un discours, le Pape François affectionne les contacts individuels avec les gens, la rencontre. 

Il bouscule un peu l’institution, que ce soit à Rome en voulant réformer la curie, mais aussi en Thaïlande dans un autre registre, qui est davantage de l’ordre du cérémonial que de la politique comme à Rome. Enfermé dans un carcan protocolaire, on finit par perdre la joie de l’évangile et de la rencontre avec dieu. Si le cérémonial et le protocole nous coupent du reste, quelque part l’élan missionnaire est bridé. 

Est-ce que ce passage par la Thaïlande peut susciter des conversions ?

Pas à court terme. L’église chrétienne n’a pas pour objectif de se multiplier, mais bien d’ouvrir des portes. Le Pape a déjà répété plusieurs fois que l’église est un hôpital de campagne et qu’il faut être proche des gens, l’église doit grandir par sa force d’attraction. L’église thaïlandaise est parfois comparée à un géant qui dort, il y a des écoles, des hôpitaux, des cathédrales, mais il n’y a pas de nouvelles conversions. Avant, il y avait une croissance interne due aux fratries de 8, 9 ou 10 enfants, ce n’est plus le cas.

L’église est présente depuis 350 ans en Thaïlande, pour autant les chrétiens ne représentent que 0,6% de la population, cela pose question! Il faut reconnaître que nous sommes sur un socle bouddhique fort. Quitter le bouddhisme pour rejoindre le christianisme n’est pas évident, car il y a de nombres rites multiséculaires comme la vénération des anciens, les mérites pour les parents lorsqu’un enfant devient bonze, etc. Il existe des freins liés à la culture, aux usages et aux rituels. 

Il y a également une grande différence sur la place du “Je/Moi”. Dans le christianisme, l’épaisseur du “Je/Moi” est fondamentale puisqu’il est appelé à ressusciter. Dans la perspective bouddhique, le “Je/Moi” est le siège des passions, des pulsions et de l’attachement qui sont les aspects dont les pratiquants cherchent à se libérer. Les concepts sont incompatibles. C’est peut-être un élément de réponse. 

L’église est assez repliée sur elle-même, elle doit faire un effort d’adaptation à son temps pour susciter des conversions. Après, il y a aussi des bouddhistes qui assistent à la messe parce qu’ils aiment écouter les histoires de Jésus Christ, les chants, ils se sentent portés au niveau spirituel sans pour autant envisager une conversion. 

Aujourd’hui, Chiang Mai et le nord de la Thaïlande est la région la plus dynamique sur le plan de la vie catholique. Nous avons là-bas une église de nouveaux chrétiens, des gens qui sont encore en formation pour qui l’évangile apporte une fraîcheur, une nouveauté, une joie de vivre. L’église de Bangkok reste numériquement plus forte, pourtant elle a beaucoup à apprendre de cette église au dynamisme missionnaire. Le Pape a invité à un compagnonnage avec le Christ, de glisser du rôle de disciple à celui de messager et à devenir eux-mêmes missionnaires. 
 

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