Plusieurs députés thaïlandais de l'opposition ont contesté jeudi un décret d'urgence invoqué au début du mois pour le transfert de deux unités de l'armée sous le commandement du roi Maha Vajiralongkorn, l’un d’eux affirmant que cela ne respecte pas les règles de la monarchie constitutionnelle.
Cette prise de position, inédite dans un pays où il ne fait pas bon ne serait-ce que commenter les affaires royales en public, a exacerbé les tensions entre progressistes et conservateurs, alors que la Thaïlande sort péniblement de cinq ans d’un régime militaire ayant largement contribué à renforcer les ferveurs royalistes dans un camp pro-armée qui taxe facilement ses opposants de menacer la monarchie.
C'est la première fois dans l’histoire du Parlement thaïlandais qu’une procédure légale liée aux affaires royales fait l’objet d’une contestation.
Le roi Vajiralongkorn a été couronné en mai dernier, deux an et demi après son accession au trône suite au décès de son père, le vénéré Bhumibol Adulyadej, en octobre 2016.
Le numéro deux du parti d'opposition Anakot Mai (Nouvel Avenir), Piyabutr Saengkanokkul, estime que le décret royal pour le transfert des régiments, entré en vigueur le 1er octobre, invoquait sans fondement une disposition d'urgence de la Constitution afin de contourner le Parlement, même si cela a finalement été approuvé jeudi par une majorité de députés.
Le décret d’urgence avait ordonné le transfert du commandement des 1er et 11e régiments d’Infanterie basés à Bangkok depuis la chaîne de commandement militaire au commandement de la sécurité du roi.
Le secrétaire général d’Anakot Mai estime qu'il n'y avait aucune urgence immédiate justifiant un tel décret. Il a accusé le Premier ministre Prayuth Chan-O-cha de continuer à se comporter comme un chef de junte militaire.
Prayuth, qui a renversé un gouvernement élu en 2014 alors qu’il était chef de l'armée, a pris ses fonctions de Premier ministre civil en juillet après que son parti pro-armée a remporté des élections très controversées qui, selon l'opposition, avaient été préparées -par la junte au pouvoir- de manière à garantir la domination de l'armée.
Anakot Mai, qui s'est tout de même placé troisième lors des élections de mars, a rappelé que le gouvernement se devait de respecter la Constitution.
"La Thaïlande est un royaume avec le roi comme chef de l'Etat, le peuple a le pouvoir et le roi exerce cette souveraineté par l'intermédiaire du parlement, du cabinet et des tribunaux, comme le stipule la Constitution", a souligné Piyabutr.
"La Thaïlande est un royaume unique", répond à cela Peerapan Saleerattavipak un député du Parti Démocrate favorable à l’établissement, défendant le décret. "La monarchie est une représentation de la sécurité nationale. Par conséquent, dans le Royaume de Thaïlande, nous ne saurions séparer la sécurité nationale de la monarchie", a-t-il déclaré.
Un vote a plus tard confirmé le décret par 376 voix contre 70 et deux abstentions, selon le décompte final lu par le président de la chambre basse -les écrans du Parlement avaient initialement donné un décompte de 366-70.
Tous les votes "contre" venaient du parti Anakot Mai, également connu sous le nom anglais de Future Forward.
Le roi Vajiralongkorn a pris un certain nombre de mesures pour consolider son autorité, depuis son accession au trône en 2016.
En juillet 2017, l'assemblée législative nommée par l'armée a modifié une loi de 1936 pour donner au monarque le plein contrôle du Crown Property Bureau, qui gère les avoirs de la couronne estimés à plusieurs milliards de dollars.
Les critiques publiques envers le roi ou sa famille sont illégales en Thaïlande, toute insulte étant passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison pour chaque chef d’accusation.