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La journaliste Thaïlandaise Suchanee Cloitre acquittée en appel

Acquittement de Suchanee CloitreAcquittement de Suchanee Cloitre
courtoisie - Mère d’un petit garçon franco-thaïlandais de 18 mois, Suchanee Cloitre s’est dite "très soulagée" par le verdict favorable de la cour d’appel mardi

Une journaliste de la télévision thaïlandaise condamnée l’an dernier à deux ans de prison pour un tweet a finalement été acquittée en appel mardi.

Suchanee Cloitre, journaliste de la télévision thaïlandaise, avait été condamnée en décembre dernier par la Cour de Lopburi pour un post publié sur Twitter à propos d’un scandale agroalimentaire impliquant l’entreprise thaïlandaise d’élevage de poulets, Thammakaset.

Le message incriminé, posté en septembre 2017, accompagnait un "retweet" du militant pour les droits des migrants en Thaïlande, Andy Hall, au sujet d’une plainte déposée en 2016 par un groupe de travailleurs birmans auprès de la Commission nationale thaïlandaise des droits de l'homme sur les conditions de travail à la ferme Thammakaset.

Cette plainte faisait notamment état de journées de travail pouvant aller jusqu’à 20 heures consécutives, des nuits passées à dormir à proximité des poulaillers, des congés rares, la confiscation des passeports et des salaires très inférieurs au minimum légal. 

Début 2019, la justice thaïlandaise a statué en faveur des travailleurs, ordonnant à Thammakaset d’indemniser les plaignants, après avoir précédemment rejeté une action en diffamation intentée par l’entreprise contre ses employés.

Malgré cette décision de justice défavorable, Thammakaset a toujours nié les accusations et s’est mis à poursuivre en diffamation une vingtaine de journalistes et militants -dont Suchanee Cloitre- dans le cadre de cette affaire, déposant en tout pas moins de 39 plaintes devant la justice pénale et la justice civile.
 
Mardi, la cour d’appel a estimé que même si une partie de la formulation de son tweet n'était pas appropriée, elle n'avait rien fait de mal.

"En tant que membre de la presse et citoyenne, l'accusée a le droit d'enquêter, de critiquer et de donner une opinion qui est dans l'intérêt public", a déclaré la cour.

Suchanee Cloitre, qui avait été libérée sous caution, a déclaré qu'elle se sentait "très soulagée". Son mari, Vincent Cloitre, un entrepreneur français établi à Bangkok, a salué dans un post sur Facebook le soutien de la part des journalistes, des institutions européennes, et des associations internationales.

L’affaire souligne la nécessité d’abroger les dispositions pénales sur la diffamation du Code pénal thaïlandais, qui ont souvent été utilisées par des entreprises et des individus puissants pour faire taire leurs détracteurs, a declaré l'ONG Human Right Watch dans un communiqué détaillé publié lundi, la vielle du jugement de la cour d'appel, appelant le gouvernement thaïlandais à mettre fin au harcèlement par le système judiciaire de Suchanee.

Une loi instrumentalisée pour nuire

L'article 326 du Code pénal thaïlandais prévoit pour les cas de diffamation une peine maximale d'un an d'emprisonnement et/ou une amende pouvant aller jusqu'à 20.000 bahts. Cela dit, selon l’article 328, s’il s’agit d’une diffamation "par voie de publication" la peine peut aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre 200.000 bahts.

En 2018, le responsable de Lepetitjournal.com Bangkok avait fait l’objet de poursuites, en vertu de ces mêmes lois de diffamation, engagées par un Français en Thaïlande eu égard à des propos tenus par un député français dans une interview sur les élections législatives françaises.

La même année, un rapport de l'ONU soulevait des inquiétudes concernant l’instrumentalisation abusive des lois de diffamation pour réduire au silence les défenseurs des droits humains et les médias gênants.

La section Thaïlande de l'Union de la presse francophone (UPF) rappelait l'an dernier dans un communiqué sur l'affaire Suchanee Cloitre que "les coûts d’une défense juridique sont exorbitants, voire purement prohibitifs, notamment pour des freelances ou des blogueurs. Et les journalistes ne peuvent espérer être dédommagés même quand ils démontrent que les accusations dont ils font l’objet sont fallacieuses ou abusives".

Cette affaire illustre la grande difficulté d'exercer librement son activité de journaliste dans un pays situé au 140ème rang sur 180 dans le classement 2020 de liberté de la presse par Reporters Sans Frontières, qui dénonce régulièrement la sévérité de la loi de diffamation thaïlandaise et l’instrumentalisation qui en est faite pour intimider les journalistes. 

En août dernier, un hôtel de l'île de Koh Chang, avait déposé une plainte contre un enseignant américain, accusant celui-ci d’avoir publié plusieurs avis sur Internet jugés mensongers et diffamatoires.

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