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La Chine accusée d’avoir retenu l’eau du Mékong en pleine sécheresse

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Reuters / Panu Banga-um / archives - Le Mékong dans la province de Nong Khai en Thaïlande, 9 octobre 2019

Alors que la Chine semble avoir reçu des niveaux d'eau supérieurs à la moyenne l’an dernier, ses barrages sur le fleuve Mékong auraient retenu d’importantes quantités d'eau pendant que les pays en aval souffraient d’une forte sécheresse, dénonce une étude menée par un cabinet d’étude américain.

Sans surprise, le gouvernement chinois conteste les résultats, affirmant que les précipitations étaient faibles pendant la saison de la mousson l'année dernière sur sa portion du fleuve.

Les résultats d'Eyes on Earth, une société d’étude et de conseil spécialisée dans l'eau, publiés dans une étude financée par le gouvernement américain, pourraient compliquer les discussions déjà délicates entre la Chine et les autres pays du Mékong sur la façon de gérer le fleuve qui baigne aussi le Laos, la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam, et dont dépendent 60 millions de personnes.

La sécheresse de l'année dernière, qui a vu le bas Mékong à son plus bas niveau en plus de 50 ans, a dévasté la production des agriculteurs et des pêcheurs. Certaines parties de ce fleuve massif ont laissé place à de vastes bancs de sable arides et, à d’autres endroits, l’habituel bouillon marron était réduit à de maigres bras d’un inquiétant bleu vif traduisant des eaux peu profondes et une forte carence en sédiment.

"Si les Chinois déclarent qu'ils ne contribuent pas à la sécheresse, les données ne soutiennent pas cette position", affirme Alan Basist, météorologue et président d'Eyes on Earth, qui a mené l'étude avec le financement de la Lower Mekong Initiative sous l’égide du département d'État américain. 

En effet, les mesures par satellite de «l'humidité de surface» dans la province chinoise du Yunnan, traversée par le Haut-Mékong, suggèrent que la combinaison des précipitations et de la fonte des neiges en 2019 a apporté à la région des quantités légèrement supérieures à la moyenne de la saison des pluies de mai à octobre.

Pourtant, les niveaux d'eau mesurés en aval de la Chine, le long de la frontière entre la Thaïlande et le Laos, étaient parfois jusqu'à 3 mètres (10 pieds) inférieurs à ce qu'ils auraient dû être, indique l'étude.

Cela suggère que la Chine "ne laisse pas sortir l'eau pendant la saison des pluies, même lorsque la rétention de l'eau en provenance de Chine aggrave l’impact de la sécheresse en aval", déclare Alan Basist.

Eaux troubles

Les conséquences des 11 barrages chinois sur le haut Mékong font débat depuis longtemps. Et si les données sont rares car la Chine ne publie pas de rapports détaillés sur la quantité d'eau que les barrages utilisent pour remplir leurs réservoirs, Eyes on Earth estime qu’ils ont une capacité combinée de plus de 47 milliards de mètres cubes.

La Chine - qui n'a pas de traité officiel sur l'eau avec les pays du bas Mékong - a promis de coopérer sur la gestion du fleuve et aussi sur l’enquête autour des causes de la sécheresse record de l'an dernier.

Mais les États-Unis, qui entendent tenir tête à l'influence croissante de la Chine en Asie du Sud-Est, considèrent clairement que Pékin a pris le contrôle du Mékong. L’année dernière à Bangkok, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a imputé la sécheresse à «la décision de la Chine de couper l’eau en amont».

L'étude utilise des données satellite obtenues par un Capteur Hyperfréquences Spécialisé/Imageur (SSMI / S) pour détecter l'eau en surface produite par la pluie et la fonte des neiges dans la partie chinoise du Mékong de 1992 à fin 2019.

Elle compare ensuite ces données avec les relevés du niveau du fleuve fourni par la Commission du Mékong à la station hydrologique de Chiang Saen en Thaïlande, la station la plus proche de la Chine, pour créer un modèle prédictif des niveaux "naturels" du fleuve compte tenu d'une certaine quantité de précipitations en amont et de fonte des neiges.

Sur les premières années des données, à partir de 1992, le modèle prédictif et les mesures de la rivière se correspondaient généralement de près.

"Déraisonnable"

Mais à partir de 2012, lorsque le plus grand des barrages hydroélectriques du haut Mékong en Chine a été mis en service, le modèle et les relevés du niveau du fleuve ont commencé à diverger sur la plupart des années, coïncidant avec des périodes de remplissage des réservoirs des barrages chinois en saison des pluies et de lâchés d'eau pendant la saison sèche.

La différence en 2019a été particulièrement prononcée, note Alan Basist.

L'étude s'est concentrée uniquement sur les eaux s'écoulant de Chine et n'a pas regardé plus en aval, où le Laos a ouvert deux nouveaux barrages sur le Mékong fin 2019. 

La Chine a rejeté les conclusions de l’étude.

"L'explication selon laquelle le barrage chinois sur le fleuve Lancang provoque des sécheresses en aval est déraisonnable", a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué à Reuters, faisant référence au Mékong par son nom chinois.

Le ministère a indiqué que la province du Yunnan avait connu une grave sécheresse l'année dernière et que les volumes des réservoirs des barrages chinois sur le fleuve étaient tombés à leurs niveaux historiquement les plus bas.

"Malgré cela, la Chine a continué de faire tout son possible pour garantir le lâché de volumes raisonnables" pour les pays en aval, a insisté le ministère.

Cette affirmation, cependant, ne corrobore pas les données de la nouvelle étude, souligne Brian Eyler, directeur du programme pour l'Asie du Sud-Est du Stimson Center, un think-tank basé à Washington.

«Soit Pékin ment, soit les exploitants de leur barrage leur mentent. Quelque part, quelqu'un ne dit pas la vérité ", estime Brian Eyler.
 

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