Le chef de la junte a annoncé jeudi qu'il souhaitait fournir un témoignage sur son implication dans la répression violente des manifestations de 2010 à Bangkok contre le mouvement pro-Shinawatra des Chemises rouges qui avait fait plus de 90 morts parmi lesquels des urgentistes et des journalistes.
Prayut Chan-O-Cha, ancien chef de l'armée qui a pris le pouvoir en mai dernier, est souvent décrit comme l'architecte de la répression qui avait mis fin à un peu plus de deux mois de manifestations par les Chemises rouges, mouvement populaire de soutien à l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra. Cet épisode de la crise politique que traverse la Thaïlande depuis 2005 fut l'un des plus sanglants de l'histoire de la jeune démocratie, débutée en 1932 et qui a connu 19 coups d'Etat et tentatives.
Mardi, la commission nationale anti-corruption (NACC), avait recommandé que l'ancien Premier ministre de l'époque, Abhisit Vejjajiva, et son vice-Premier ministre, Suthep Thaugsuban, soient accusés d'abus de pouvoir pour avoir ordonné la répression et fassent l'objet d'une enquête.
Le Premier ministre Prayut a déclaré jeudi aux journalistes qu'il souhaitait soumettre des preuves à l'organe chargé de l'enquête sur Abhisit et Suthep.
Il a en revanche minimisé l'éventualité d'apparaitre en personne devant la NACC.
"Je suis prêt à donner des informations, même si je pourrai donner certains renseignements sous forme de documents sans que je comparaisse", a déclaré Prayut. "Ne voyez pas cela comme une grosse affaire".
Le chef de la junte a alors éludé une question demandant si l'enquête contre Abhisit et Suthep, tous deux fervents alliés de l'establishment militaire, pourrait être source de soucis pour l'armée. Il a répondu sèchement: "Quels soucis ?"
Prayut a toujours nié toute négligence concernant la gestion des manifestations et les violences de 2010. Selon lui, les militaires ont eu à faire face à des manifestants armés, dont beaucoup étaient vêtus de noir.
Mais l'éventualité de voir l'actuel Premier ministre - qui est aussi l'ancien chef de l'armée ? comparaitre devant un tribunal risque de raviver des questions dérangeantes concernant le rôle des militaires dans cet épisode sanglant, qui a également causé la destruction de plusieurs bâtiments dans Bangkok.
Si certains manifestants Chemises rouges ont effectivement été vus portant des armes, de nombreux intellectuels et défenseurs des droits de l'homme affirment que de très nombreux manifestants sans armes et de simples passants ? dont des urgentistes et des journalistes - ont été fauchés par des balles de soldats.
La NACC a conclu cette semaine que des innocents figuraient parmi les morts.
Plusieurs témoignages font état de tireurs d'élite ayant ouvert le feu depuis des lignes de métro aérien (BTS Skytrain et Airport Link).
Mais aucun soldat ou officier n'a jamais été puni ni inquiété par rapport à ces actes.