L’écrivain québécois, médiéviste, romancier et essayiste, Jean Marcel Paquette s’est éteint à Bangkok dimanche 30 juin, à l’âge de 78 ans. Il énonçait dans son dernier livre, Fraction 7 : «tout est question de temps : la pierre de granit se transforme plus lentement que la pulpe d’une pomme. Le temps c’est la transformation en marche continuelle».
Les 30 dernières années de cette personnalité francophone du monde des lettres, se seront écoulées dans le pays de son cœur : la Thaïlande.
Suite à une hospitalisation en soins intensifs à l’hôpital Ramathibodi à Bangkok, il aura fermé les yeux une dernière fois, entouré de ses nombreux et fidèles amis, professeurs universitaires ou anciens élèves.
Grand écrivain, aussi bien par le nombre de ses écrits et la diversité des genres, que par son style, Jean Marcel, de son nom de plume, était aussi un grand lecteur doublé d’un commentateur. De Racine à Simone Weil, en passant par le Ramayana ou la Chanson de Roland, sans oublier les livrets des opéras de Wagner qu’il a réécrits ou les carnets de voyages de Paul Morand, l’écrivain dévorait tout, gourmet tout autant que gourmand, aussi bien le jour que la nuit, entre les plages de sommeil prolongé et de médiation, qui depuis quelques années, rythmaient sa vie.
Cet ancien universitaire de littérature médiévale, québécoise et de création littéraire fit sa carrière à l’université de Laval à Québec, carrière jalonnée de distinctions littéraires remarquées : prix France-Québec Jean Hamelin (1973) pour Le cheval de Troie, prix Molson de l’Académie des lettres du Québec (1989) pour Hypatie ou la fin des Dieux et le prix Victor-Barbeau pour Fractions 2, série de fragments à flagrance bouddhique, philosophie qu’il avait épousée et qu’il aimait de son cœur d’occidental exilé.
À la recherche du frisson de l’âme, qu’il soit littéraire ou artistique - il était féru de musique classique et insistait pour que «Méditations de Thaïs» soit jouée le jour de ses funérailles, titre qu’il donna par ailleurs, à un de ses plus beaux livres - Jean Marcel pratiquait aussi la maïeutique, et se faisait volontiers le généreux «accoucheur» d’écrivains en herbe, dans l’écoute et l’encouragement de quiconque voulait écrire.
Semeur ou propagateur de la langue française en pays de Siam, mais aussi diffuseur de la culture siamoise auprès des francophones à travers légendes et contes traditionnels dans les Histoires des pays d’or 1 et 2, il fit de la culture et du verbe ses «véhicules» vers la vérité et l’humanité.
Espiègle et joyeux lucide, profondément terrien comme l’attestait son goût démesuré pour les gâteaux, tout en étant d’une grande sagesse, son cheminement spirituel le mena à la conclusion aristotélicienne du doute agrémentée de l’Existant ou de la Présence : «la seule vérité qui importe est celle de la présence de chacun dans un univers qu’il n’est pas près de comprendre, balloté entre énigmes et mystères». (Fractions 6).
Dualité de cet homme d’exception, Jean Marcel s’imposait à la fois autant par une extrême lenteur du mouvement, reflet involontaire de l’agitation mentale qu’il fuyait, que par une fulgurante rapidité de réflexion, sorte de clairvoyance éblouissante, en perpétuelle ébullition. Il était un des piliers du traditionnel déjeuner du mardi des «Joyeux bambous», club francophone des amis du Siam, et participait volontiers à toute rencontre humaine ou littéraire.
Quand on lui a demandé s’il était d’accord pour commencer les soins palliatifs, celui qui éclairait le premier adage du bouddhisme souvent mal compris, sur l’impermanence des choses, par la transformation perpétuelle, a dit «oui».
Cérémonie de départ : 3-6 juillet, Wat Phai Tan, Bangkok Crémation : samedi 6 juillet, 15h. |