La police thaïlandaise a convoqué mardi sept leader du mouvement de contestation antigouvernemental en vue des les accuser de lèse-majesté, selon une source policière et un groupe de défense des droits de l’homme, à la veille d’une manifestation devant le Crown Property Bureau pour exiger que le roi abandonne son contrôle sur les biens de la couronne.
Ce serait la première fois depuis plus de deux ans que de telles poursuites sont engagées en vertu de l’article 112 du code pénal qui punit les insultes envers la famille royale de peines pouvant aller jusqu’à 15 ans d’emprisonnement.
Parties de revendications à l’encontre du gouvernement, les manifestations anti-establishment redémarrées en juillet après avoir été interrompues par la crise du Covid-19, ont pris un tour tout à fait inédit en août lorsque des militants ont demandé des réformes pour réduire les pouvoirs de la monarchie, brisant un vieux tabou sur la remise en question de l’institution royale.
L'un des sept leaders inquiétés, Parit "Penguin" Chiwarak, a confirmé que sa famille avait reçu une convocation pour lèse-majesté en autres chefs d'accusation mais qu'il n'avait pas peur.
"Le plafond a été brisé. Plus rien ne peut nous contenir", a-t-il écrit sur Twitter. Il a également déclaré à Reuters: "Cela exposera au monde la brutalité du système féodal thaïlandais".
Parmi les autres personnes citées figurent l'avocat des droits de l'homme Arnon Nampa, qui fut le premier à appeler à des réformes royales le 3 août de même que Panusaya «Rung» Sithijirawattanakul, une étudiante qui avait présenté une liste de réformes en 10 points concernant la royauté.
Une source policière, qui a souhaité garder l’anonymat car elle n'était pas autorisée à parler aux médias, a déclaré que les leaders de la contestation avaient jusqu'au 30 novembre pour venir reconnaître les accusations relatives à des déclarations formulées lors des manifestations des 19 et 20 septembre.
L’ONG de protection des droits de l'homme Thai Lawyers for Human Rights a indiqué à Reuters que la police avait averti les avocats des intéressés.
Les biens de la couronne
Ces convocations arrivent à la veille d’une grande manifestation annoncée depuis plusieurs jours et initialement prévue devant le Crown Property Bureau, organisme qui gère les biens de la couronne, pour exiger que le roi renonce aux prérogatives qu’il s’était arrogées en 2018 lui donnant le contrôle personnel sur la fortune royale estimée à plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Mais au lieu de marcher vers le Crown Property Bureau, où la police avait installé des barricades et prévoyait de déployer près de 6.000 agents, le lieu a été changé mardi soir.
Les manifestants ont déclaré qu'ils se réuniraient finalement au siège de la Siam Commercial Bank, banque dans laquelle le roi détient une participation de plus de 23%.
"Allons récupérer le patrimoine qui devrait appartenir au peuple", a déclaré le groupe militant FreeYouth.
Ce dernier a fait savoir que le changement de lieu avait pour but d’éviter la confrontation avec les forces de l’ordre mais aussi compris avec les royalistes qui avaient également prévu de se rendre au Crown Property Bureau pour défendre la monarchie.
Plus de 50 personnes ont été blessées la semaine dernière lorsque la police a utilisé des canons à eau et des gaz lacrymogènes contre des milliers de manifestants au parlement, lors de la journée la plus violente de plus de quatre mois de manifestations. Parmi les blessés, six ont été touchés par balle. Un groupe de royaliste étaient venu défier les manifestants.
Le Palais Royal ne s’est jamais exprimé sur les manifestations depuis qu’elles ont débutées en février, mais le roi a déclaré il y a deux semaines qu’il aimait malgré tout ceux qui le critiquent soulignant que la Thaïlande était une terre de compromis.
Prayuth Chan-O-Cha a pour sa part rejeté les appels à sa démission par les manifestants et a déclaré la semaine dernière que toutes les lois seraient utilisées contre ceux qui iront trop loin laissant penser que la très sévère loi de lèse-majesté en faisait partie.
Une centaine de personnes ont été poursuivies pour lèse-majesté sous le régime de la junte dont Prayuth Chan-O-Cha était le chef entre le coup d’Etat de 2014 et les élections de 2019 qui l’ont maintenu au pouvoir. Mais selon les données du groupe de défense des droits humains iLaw il n'y a pas eu de poursuites en vertu cette loi depuis 2018.