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Dénoncer des abus sexuels à l’école thaïlandaise lui vaut l’opprobre

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REUTERS / Chalinee Thirasupa - Nalinrat Tuthubthim, étudiante âgée de 20 ans, affirme avoir été abusée sexuellement par un enseignant et l’a fait savoir dans une manifestation à Bangkok, le 21 novembre 2020.
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec Reuters
Publié le 24 novembre 2020, mis à jour le 26 novembre 2020

Une jeune thaïlandaise qui a brandi dans une manifestation une pancarte alléguant des abus sexuels dans les écoles se trouve menacée de poursuites pour déclarations mensongères et est critiquée pour avoir sali l'image de la Thaïlande.

Le caractère oppressif du système éducatif thaïlandais est au cœur des griefs du mouvement lycéen qui fait partie de la contestation anti-gouvernementale dont l’objectif est de moderniser la société et d'en gommer les archaïsmes- alors que celle-ci semble se rediriger depuis le coup d’Etat de 2014 vers les temps de la monarchie absolue.

"J'espère que mon cas sensibilisera les gens, les élèves des écoles, les adultes qui envoient leurs enfants à l'école, les enseignants et le ministère de l'Éducation", a déclaré à Reuters Nalinrat Tuthubthim, âgée de 20 ans.

Nalinrat, aujourd’hui étudiante à l'université, avait dit sur les réseaux sociaux avoir été victime de harcèlement sexuel à l'école il y a plusieurs années.

Mais elle a particulièrement attiré l'attention ce week-end lorsqu’elle s’est présentée dans la manifestation de samedi à Bangkok habillée dans un uniforme de lycéenne la bouche bâillonnée avec du ruban adhésif noir et brandissant une pancarte indiquant: "J'ai été abusée sexuellement par des enseignants. L'école n'est pas endroit sûr."

Ne pas salir l'image du royaume

La jeune femme a reçu une avalanche d’insultes et a notamment été critiquée sur le fait qu’elle s'est faite passer pour une lycéenne. Des détracteurs ont partagé des captures d'écran de son compte Instagram montrant des photos récentes de la jeune étudiante en tenue courte.

"Lorsqu'une non-élève porte l'uniforme scolaire, lorsque vous attirez autant l'attention de la société et des réseaux sociaux, vous devez en assumer la responsabilité et ce qui vient avec", a déclaré Pareena Kraikupt, une députée du Palang Pracharat, parti du Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha.

Manifestation anti-gouvernement a Bangkok
Nalinrat Tuthubthim tient une pancarte disant : "J'ai été abusée sexuellement par des enseignants. L'école n'est pas endroit sûr" dans une manifestation à Bangkok, le 21 novembre 2020. Photo REUTERS / Chalinee Thirasupa

La politicienne quadragénaire a déclaré à Reuters qu'elle envisageait de porter plainte contre Nalinrat pour avoir porté un uniforme scolaire alors qu'elle n'était pas élève. Elle envisage aussi de demander une enquête policière sur les allégations de harcèlement dans l’ancienne école de la jeune femme.

Le sénateur Somchai Sawangkarn a lui aussi condamné l’action de Nalinrat estimant que cela portait atteinte à l'image de la Thaïlande. Il a déclaré qu'elle devrait être punie si une enquête sur ses accusations concluait qu'elles étaient fausses.

Nalinrat estime que c'est leur droit de critiquer et d'intenter une action en justice, mais affirme qu'elle se défendra.

10% des cas d'abus signalés

Face à la vague de commentaires négatifs sur les réseaux sociaux, les militants du côté de Nalinrat Tuthubthim ont tenu à rappeler que la question de savoir si elle avait tort ou non sur la forme de protestation ne devait pas faire oublier le fond du problème qu’elle a voulu soulever.

"Les gouvernements successifs ont promis de rendre les écoles sûres pour les enfants, mais peu de choses ont été faites en réalité pour mettre fin au harcèlement sexuel et aux autres formes d’abus", souligne Sunai Phasuk, analyste en chef pour Human Rights Watch.

"Les enfants refusent de se soumettre en silence à un système éducatif qui se montre incapable de les protéger", a-t-il déclaré à Reuters.

Lorsqu'on lui a demandé de réagir sur les allégations de harcèlement, un responsable du ministère de l'Éducation a répondu que le ministère a créé cette année un centre de protection des étudiants pour lutter contre le harcèlement sexuel et mis en place un comité pour enquêter sur les plaintes à ce sujet.

"Si un crime est commis, il y aura une punition immédiate (...) Si un cas est signalé, une enquête sera menée et elle sera résolue", a affirmé Supat Chumpathong, secrétaire permanent du ministère de l'Éducation.

Au-delà de l'école

Les cas d’abus sexuels au sein des écoles ou des universités ne sont pas rares en Thaïlande. Dans une affaire très médiatisée en mars, un enseignant avait fait l'objet d'une enquête, accusé par des étudiants d'avoir abusé d'eux en échange de meilleures notes.

Mais selon plusieurs groupes d'étudiants le problème serait beaucoup plus répandu, au sein de l'école et au-delà.

Parallèlement aux revendications du mouvement de contestation dans son ensemble, les lycéens aspirent à des reformes du système éducatif qu'ils jugent archaïque et oppressant, et destiné davantage à inculquer l'obéissance qu’à transmettre des savoirs. 

Selon un sondage YouGov en 2019 un Thaïlandais sur cinq aurait été victime de harcèlement sexuel, les hommes y étant presque autant exposés que les femmes. Toujours selon le sondage, la forme la plus courante de harcèlement sexuel semble être l'agression sexuelle - signalée par 44% des répondants disant avoir été victimes de harcèlement. Seulement 10% ont indiqué avoir signalé ces incidents à la police.

Selon les Nations Unies, près de 90% des cas de viol dans le royaume ne sont pas signalés. 

"L'école est un endroit où les taux de harcèlement sexuel sont élevés", déplore Bajrasobhin Maneenil du Front de libération féministe de Thaïlande.

"Des élèves ont été victimes d'abus sexuels de la part d'enseignants et d'élèves, mais les écoles et cette société ne proposent toujours pas de solutions pour que les victimes engagent des poursuites judiciaires ou puissent suivre une thérapie", ajoute-t-elle.

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