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En Thaïlande, deux moines bouddhistes modernisent le prêche sur les réseaux sociaux

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REUTERS/Arthon Pookasook - Les moines Phra Maha Sompong Talaputto et Phra Maha Paiwan Warawanno lors de leur émission sur Facebook depuis Wat Soi Thong à Bangkok, le 17 septembre 2021
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec Reuters
Publié le 14 octobre 2021, mis à jour le 14 octobre 2021

Deux moines bouddhistes en Thaïlande sont devenus des stars des réseaux sociaux avec des émissions en direct sur Facebook Live mêlant sermons traditionnels et discussions sur fond de plaisanteries. Une approche décalée destinée à rapprocher le bouddhisme des jeunes, mais qui ne plaît pas à certains religieux conservateurs.

Avec une maîtrise impressionnante de l'argot des jeunes, Phra Maha Paiwan Warawanno et Phra Maha Sompong Talaputto, âgés respectivement de 30 et 42 ans, ont su capter l'attention d'une génération qui trouve le décorum traditionnel des temples et les psalmodies bouddhiques en sanskrit un peu trop dépassés et inaccessibles.

Chaque vendredi soir, Phra Maha Paiwan installe son téléphone sur un trépied, accroche un micro-cravate sur sa robe safran, et s’assied aux côtés de Phra Maha Sompong dans une petite étude du temple (Wat) Soi Thong à Bangkok pour une émission en direct sur Facebook.

Dans ce "live", les deux moines abordent une foule de questions, alternant les enseignements du Dhamma avec des conseils simples sur la vie de tous les jours assortis d’une bonne dose d'humour.

Des moines suivis par 2,5 millions de followers

"Je veux que le Dhamma et la jeune génération coexistent", explique Phra Maha Paiwan. "Si nous ne tendons pas la main aux jeunes, quelle sera la place de la religion dans l’avenir ?"

Les émissions hebdomadaires en direct des deux moines attirent des centaines de milliers de personnes en quelques minutes, et ont atteint un jour pas moins de deux millions de téléspectateurs.

Phra Maha Paiwan, dont le nombre de "followers" sur Facebook a grimpé de plus de 800% pour atteindre les 2,5 millions d’abonnés en un peu plus d'un mois, se dit soucieux de faire que le bouddhisme garde son importance et sa crédibilité dans la société thaïlandaise face aux multiples scandales qui surviennent régulièrement dans les temples, et impliquent des meurtres, de la drogue, des crimes sexuels ou encore du blanchiment d'argent – au lendemain du coup d’Etat de mai 2014, la junte de Prayuth Chan-O-Cha avait mis en place une hotline pour permettre aux Thaïlandais de dénoncer les mauvais comportements des moines, puis un peu plus tard imaginé une carte "d'identité intelligente" après une série d'affaires qui avaient choquées le pays.

Deux moines bouddhistes thailandais animent une emission en direct via Facebook
Les deux moines bouddhistes lors de leur émission sur Facebook depuis Wat Soi Thong à Bangkok, le 17 septembre 2021 - Photo REUTERS/Arthon Pookasook

Réconfort face aux difficultés de la crise du Covid

Ces émissions rafraîchissantes ont également apporté un réconfort ô combien nécessaire à de nombreux Thaïlandais confinés chez eux pendant les périodes de confinement durant les moments les plus difficiles de l'épidémie de COVID-19.

"Nous avons des mauvais jours et sommes stressés par le travail, l'argent, la famille, la pandémie et tout ce qui se passe avec le confinement", souligne Onravee Tangmeesang, 32 ans, qui regarde chaque séance du vendredi soir dans son lit.

"Ces rires peuvent vraiment égayer ma journée."

Convoqués par les parlementaires thaïlandais

Mais les émissions hebdomadaires ne sont pas perçues de manière aussi favorable par les bouddhistes conservateurs soucieux de maintenir les usages et la formalité de la religion.

Les deux moines ont été convoqués le mois dernier à une commission parlementaire sur la religion pour expliquer leurs activités sur les réseaux sociaux, tandis que de hauts responsables du gouvernement les ont enjoints à modérer les plaisanteries et les "comportements inappropriés".

"Le comportement des moines doit être respectable face au public. Il n’a pas à changer avec le temps pour apaiser les jeunes", estime Srisuwan Janya, chef de l'Association pour la protection de la Constitution.

"Cela conduira au déclin du bouddhisme, qui existe déjà depuis près de 2.600 ans sans avoir besoin de changer auparavant".

Rupture avec le sermon traditionnel à sens unique

Lorsqu'on lui demande ce qu’il pense de cette convocation, Phra Maha Paiwan répond avec une légèreté typique: "Le rire est devenu un problème national!"

Le bouddhisme est l'un des trois piliers traditionnels de la société thaïlandaise, les deux autres étant la nation et la monarchie. Mais son rôle dans la société se limite de plus en plus à des événements ponctuels tels que des funérailles, les fêtes religieuses et les événements royaux.

Pour de nombres de leurs fans, la volonté des moines à briser les barrières conventionnelles pour gagner leur cœur et leur âme en allant jusqu’à adopter leur langage, inspirent le respect.

Les émissions permettent au duo de dialoguer directement avec leur public, de lire des commentaires en direct et de répondre simultanément à des questions, une approche en rupture avec l’habituel sermon à sens unique du bouddhisme thaïlandais traditionnel.

 

 

Dans un récent live, le duo a évoqué le concept de "mérites" - que se doit d'accumuler tout bon bouddhiste pour sa vie prochaine - se demandant si ceux-ci pouvaient être partagés. 

"Le Seigneur Bouddha a dit que les mérites sont comme des bougies", avait déclaré Phra Maha Paiwan. "Vous pouvez allumer d'autres bougies sans diminuer la flamme de la première."

Phra Maha Sompong, qui compte 1,4 million de followers sur Facebook, avait alors répondu : "Faites juste attention à ne pas brûler vos amis." Et les deux hommes ont éclaté de rire.

Pour Pongsak Sangla, 36 ans, le duo ont permis aux gens de redonner une place au bouddhisme dans leur vie moderne bien remplie, sans les rituels fastidieux. "Les temps ont changé", dit-il. "La réalité, c'est ce que les gens veulent."

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