Thaïlandaise francophone, Pia était guide touristique avant l’épidémie de Covid-19. Face à l’absence de clients, elle s’est tournée vers l’enseignement du français auprès des Thaïlandais.
Lorsqu’elle a décidé de changer de carrière en 2018 et de se lancer dans le métier de guide touristique francophone en Thaïlande, Piyawan ‘Pia’ Temchumnan était loin d’imaginer qu’à peine deux ans plus tard les voyageurs auraient complètement déserté son pays.
Mais cette femme pétillante de 39 ans originaire de Bangkok ne s’est pas laissée abattre et s’est tournée vers l’Internet pour rebondir face à la crise. Alors que certain(e)s de ses collègues se sont tourné(e)s vers la vente de produits en ligne, Pia a choisi d’enseigner le français à des Thaïlandais expatriés en France mais aussi auprès d’étudiants qui rêvent de partir poursuivre leurs études ou entamer leur carrière au pays de la langue de Molière.
Lepetitjournal.com a échangé avec Pia sur sa passion pour la langue française et sur les perspectives de son métier de guide touristique, un métier qui, selon elle, a encore de beaux jours devant lui dès que la situation permettra une libre circulation à travers le monde. Elle a d’ailleurs partagé récemment certains de ses intéressants éclairages et conseils de voyages sur la Thaïlande dans une émission de la radio de Europe 1 consacrée au pays du sourire.
Où avez-vous appris le français et pourquoi avez-vous choisi cette langue ?
C’est très "classe" de savoir parler le français! J’ai eu l’occasion d’apprendre cette langue au lycée. A l’époque, je devais choisir entre le chinois, le japonais et le français. Petite, j’avais appris l’anglais et je me disais que le français ne devait pas en être trop éloigné d’autant plus que c’est le même alphabet. Mais j’avais tort! Tout le monde dit que le français est une langue très belle, c’est vrai, mais elle est aussi très difficile.
Ensuite, j’ai poursuivi des études de langues à l’université où j’ai obtenu une licence en français. Après mes études, j’ai travaillé dans la restauration à Toulouse pendant un an. A mon retour à Bangkok, j’ai eu l’occasion de travailler pendant 4 ans pour une entreprise française dans le secteur de la publicité. De part mon expérience et mes contacts avec la culture française, j’ai créé ma propre entreprise de livraison de sandwichs à Bangkok, pour faire plaisir aux Français qui avaient la nostalgie de manger des sandwichs et pour faire découvrir la baguette aux Thaïlandais.
Initialement, vous n’aviez pas prévu d’être guide touristique, quand s'est fait cette reconversion ?
A un moment donné, j’ai eu envie de faire découvrir Bangkok et de partager mes connaissances sur la Thaïlande. A l’époque où j’envisageais ce métier, je ne voyais personne, j’avais envie de voir du monde, de faire de nouvelles rencontres et aussi de travailler pour moi en tant qu’indépendante, de gérer mon temps comme je l’entends, d’être flexible sur mes horaires.
J’ai donc suivi une formation de trois mois pour obtenir la licence de guide touristique, une licence valable cinq ans, et j’ai commencé à travailler.
Comment se construit-on une réputation en tant que guide touristique ?
Au début, je travaillais surtout avec des agences de voyages et en parallèle, j’ai ouvert mon site Internet www.lathailandedepia.com, ma page Facebook et ma chaîne de vidéos sur Youtube où je poste régulièrement des vidéos sur la culture thaïlandaise, la langue ou des lieux à visiter. Je pense avoir gagné des clients surtout par le bouche à oreille au point qu’avant le Covid-19, je travaillais presque tous les jours, surtout durant la haute saison. J’emmenais les voyageurs principalement à Bangkok, Ayutthaya, Kanchanaburi et jusqu’à Chiang Rai. Je préfère le nord de la Thaïlande et je m’occupe plus de cette partie du pays, je laisse généralement le sud à mes collègues.
Par contre, depuis le mois de mars 2020, c’est la catastrophe et c’est encore pire depuis le mois d’avril 2021. Entre la fin du premier confinement et le mois d’avril 2021, j’arrivais à avoir encore quelques réservations pour des excursions à la demande d’expatriés francophones en Thaïlande. Mais comme là maintenant tout est fermé à Bangkok et qu’on ne peut presque rien faire, je n’ai plus du tout de clients. J’ai totalement arrêté mon activité de guide depuis 4 mois.
Comment avez-vous rebondi professionnellement ?
En 2005, après mes études, j’ai passé mon diplôme FLE (Français langue étrangère) qui me permet d’enseigner le français aux étrangers. A l’époque, je n’ai pas voulu être professeur car le salaire d’un enseignant de français dans une école thaïlandaise n’est pas assez attirant. Lors du premier confinement en avril 2020, je savais que je ne voulais pas travailler de nouveau dans un bureau. En donnant des cours en ligne, je peux gérer mon emploi du temps et ma carrière comme je veux et arrêter le jour où j’en aurais envie, un peu comme lorsque j’étais guide. De plus, j’avais envie de garder un lien étroit avec la France, de continuer à pratiquer quotidiennement le français et c’est la raison qui m’a poussée à proposer des cours aux Thaïlandais.
Le français est-il une langue qui séduit toujours les Thaïlandais ?
Aujourd’hui, j’ai environ 35 étudiants, principalement des Thaïlandaises qui vivent en France parce que là-bas les cours de français sont plus chers. Il existe des cours de français gratuits à destination des migrants mais généralement elles ne veulent pas suivre ces cours-là. Le fait que je sois thaïlandaise est un avantage, surtout pour les débutants. J’enseigne aussi à des étudiants qui ont déjà obtenu leur DELF (Diplôme d'études en langue française) et qui se préparent à aller en France.
Avant de commencer, j’ignorais qu’il y aurait autant de Thaïlandais intéressés pour apprendre le français, c’est assez surprenant. Presque tous les jours, je reçois des demandes de personnes souhaitant apprendre le français, souvent de femmes qui ont envie de pouvoir parler dans la langue de leur compagnon.
Pensez-vous reprendre votre profession de guide touristique dans le futur ?
Oui, les touristes vont revenir et ils auront toujours besoin de guides, surtout des guides privés, pour découvrir la Thaïlande parce qu’ils ne font pas appel à nous uniquement pour la langue ou servir d'interprète mais surtout pour rencontrer des locaux. C’est un aspect très important dans le voyage. Je crois à la reprise même si j’ignore quand elle aura lieu. Je reçois déjà des demandes d’excursions pour la fin de l’année mais je leur dis d’attendre parce que la situation sanitaire n’est pas sûre actuellement. Il y a quelques mois, je pensais que la réouverture pourrait avoir lieu en octobre, aujourd’hui, je pense que cela va être compliqué.
Quel est l’état d’esprit parmi vos collègues guides touristiques ?
Plus de 50% des mes amis guides veulent garder ce métier et continuer à l’exercer dans le futur. En un sens, nous avons de la chance parce que nous sommes indépendants et nous pouvons faire d’autres activités sur le côté. J’en connais beaucoup qui sont rentrés chez eux auprès de leur famille pour avoir moins de dépenses parce que la vie est chère à Bangkok et encore plus maintenant puisque nous sommes obligés de commander nos repas en ligne et que nous ne pouvons plus aller dans la rue ou au marché. Presque tous, ils ont retrouvé du travail en ligne, certains sont devenus professeurs tandis que d’autres se sont lancés dans le commerce en ligne.