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Laurent Landié : “La Thaïlande a perdu de son attractivité auprès des expats”

Après avoir eu longtemps la cote auprès des travailleurs expatriés, la Thaïlande semble avoir perdu de son pouvoir d’attractivité en raison de la situation dans le pays mais aussi du contexte mondialAprès avoir eu longtemps la cote auprès des travailleurs expatriés, la Thaïlande semble avoir perdu de son pouvoir d’attractivité en raison de la situation dans le pays mais aussi du contexte mondial
Reuters
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 4 mai 2022, mis à jour le 23 août 2022

Après avoir eu longtemps la cote auprès des travailleurs expatriés, la Thaïlande semble avoir perdu de son pouvoir d’attractivité en raison de la situation dans le pays mais aussi du contexte mondial. 

Après deux ans de crise du Covid-19, l’absence d’une partie de la communauté d’expatriés en Thaïlande est bel et bien palpable, même s’il est encore difficile de donner des chiffres précis sur le nombre de ceux qui ont définitivement quitté le royaume et des nouveaux qui s’y établissent. Toujours est-il qu’à ce jour les entreprises étrangères installées en Thaïlande et les entreprises de recrutement constatent que les travailleurs partis durant la crise sont peu nombreux à revenir malgré la réouverture des frontières et le retour de l’activité. Et le pays du sourire peine à séduire de nouveaux arrivants, notamment les familles françaises.

“La peur d’être à nouveau coincé dans un pays étranger, l’instabilité politique en Thaïlande et la pollution à Bangkok sont autant de freins dans un contexte global où le chômage n’a jamais été aussi bas et les opportunités professionnelles pour les postes qualifiés aussi élevées” résume Laurent Landié, directeur général de Lim and Partner, une société spécialisée dans les ressources humaines et les conseils aux entreprises et membre du groupe Praxi Alliance Worldwide Executive Search. Installé en Thaïlande depuis 22 ans, Laurent Landié est également le vice-président des Conseillers du Commerce Extérieur à la France en Thaïlande (CCE) et fondateur d’Asia Data Destruction, une compagnie qui a fait de la destruction de données numériques son cœur de métier, un secteur en pleine croissance. Lepetitjournal.com a interrogé Laurent Landié afin de comprendre quel impact avait eu la crise du Covid-19 sur la communauté active d’expatriés en Thaïlande.

Laurent Landie
Laurent Landié, fondateur d’Asia Data Destruction et CCEF

L’épidémie du Covid a-t-elle provoqué une diminution du nombre d’expatriés en Thaïlande ?

De manière générale, nous estimons le nombre d’étrangers qui ont quitté la Thaïlande et l’ASEAN entre 20 et 30%. Il y a eu un grand retour des expatriés vers l’Europe au début de l’épidémie du Covid-19. 

D’une part, des personnes ont été licenciées parce qu’elles travaillaient dans des secteurs touchés par la crise comme le tourisme, l’hôtellerie, la restauration. D’autre part, un certain nombre de personnes ne voulaient pas être bloquées en Asie, peu importe leur secteur d’activité. Et la crainte que cela se reproduise est toujours présente. 

Les cadres en milieu de carrière avec des enfants sont la catégorie où il y a eu le plus de départs et nous constatons qu’ils ne reviennent pas.

Les multinationales ont-elles rapatrié leurs expatriés, cherchent-elles à les remplacer par des Thaïlandais ou des étrangers résidant en Thaïlande ?

En Malaisie ou à Singapour, il y a eu des mesures pour réduire l’emploi des étrangers, ce n’est pas le cas en Thaïlande. Néanmoins, il y a une tendance à remplacer les contrats d’expatriés par des contrats locaux. Pour rappel, un expatrié est une personne dont le contrat est sous la loi française ou européenne tandis qu’un contrat local est sous la loi thaïlandaise. Cette tendance [à réduire le nombre de contrats expatriés, ndlr] existait avant le Covid-19 et elle s’est accentuée. 

L’idée est d’engager en priorité des Thaïlandais, mais pour de nombreux postes, les entreprises ne trouvent pas de profil adéquats, elles vont donc chercher à engager des étrangers, en particulier des étrangers “tropicalisés”, c’est-à-dire des personnes qui vivent ici, qui ont une connaissance de la culture, qui pratiquent un peu le thaïlandais. 

La Thaïlande reste-t-elle selon vous une destination attractive pour les travailleurs étrangers/français ?

La situation est contrastée. Pour les nomades numériques, la Thaïlande reste attractive d’autant plus que le gouvernement thaïlandais a mis en place des visas spéciaux, ce qui peut séduire cette catégorie d'étrangers actifs. 

Pour le reste, c’est moins évident. Les jeunes et les personnes en fin de carrière ont toujours envie de venir. Par contre, entre les deux, à savoir les étrangers qui ont 35-45 ans, mariés, avec des enfants, ceux-là ne veulent pas venir. Souvent, ils évoquent l’instabilité politique, l’image pas toujours positive de la Thaïlande et surtout la pollution. Les familles n’ont pas envie de voir leurs enfants exposés quotidiennement à la pollution. Quand je cherche à recruter, ces personnes me demandent plus souvent à travailler en Europe plutôt qu’en Asie.

Voulez-vous dire qu’il y a des problèmes pour recruter en Thaïlande ?

Les défis en termes de recrutement sont de plus en plus nombreux : le problème d’attractivité de la Thaïlande, la concurrence avec les autres pays de la région et une situation où l’on observe un manque de ressources au niveau mondial. Les chiffres du chômage en France sont au plus bas depuis 10 ans tandis que les chiffres de changement d’emploi sont au plus haut. 

Nous avons des bureaux partout sur la planète avec Praxi Alliance, et partout mes collègues disent qu’ils n’arrivent pas à trouver des gens : il y a un manque au niveau de la quantité et de la qualité. Nous connaissons cette situation depuis longtemps en Thaïlande. Auparavant, nous pouvions récupérer des travailleurs qui voulaient quitter l’Europe et les États-Unis parce qu’il y avait un fort taux de chômage dans ces régions, maintenant ce n’est plus le cas. 

J’ai des postes très intéressants et j’ai un mal fou à trouver du personnel, à les faire venir de l’étranger ou à les recruter sur place, c’est impressionnant. Le Covid-19 a accéléré la digitalisation, il y a dès lors un déficit de talents dans ces secteurs et un système éducatif en Thaïlande qui n’est pas à la hauteur, qui ne répond pas aux besoins des entreprises. 

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