Connu pour son rôle de consul honoraire à Phuket, Claude de Crissey est avant tout un homme d’affaires avec des activités liées au tourisme. Comme beaucoup d’entrepreneurs, la crise ne l’épargne pas.
En Thaïlande depuis 24 ans, Claude de Crissey a fondé la compagnie CrisseyCo en 1997, au moment de la crise financière asiatique, avec des activités dans l’hôtellerie, la restauration, la plongée et la consultance paralégale. Comme pour beaucoup d'entrepreneurs, la crise économique liée aux restrictions pour lutter contre l’épidémie du coronavirus et l’absence de touristes en Thaïlande et en particulier à Phuket, il n’est pas épargné. Si son activité dans le domaine du conseil paralégal ne s’en sort pas trop mal, les autres secteurs sont désormais à l’arrêt avec des frais mensuels qu’il continue de prendre en charge.
“Je suis un entrepreneur, j’ai ouvert plusieurs business, j’ai réussi avec certains, je me suis bien "vautré" parfois, mais cette crise a un impact sans précédent”, confie le Français.
Lepetitjournal.com a interrogé Claude de Crissey pour faire le point sur sa situation à Phuket, mais aussi à Bali, sur les perspectives qu’amène le modèle de la Phuket Sandbox qui permet aux touristes de séjourner sur l’île sans période de quarantaine et sur les perspectives futures.
Quelle est la situation actuellement pour vos différentes activités ?
C’est le grand calme! Pour CrisseyCo, mes secteurs d’activités sont de trois ordres avec l’hôtellerie et la restauration, ensuite la plongée et enfin des services paralégaux. Actuellement, les deux premiers secteurs sont totalement à l’arrêt, j’ai juste gardé une équipe de maintenance pour prendre soin des différents lieux. Par exemple, j’ai des femmes de ménage qui font les chambres tous les jours de manière à ne pas laisser les infrastructures se détériorer ou pourrir, parce que c’est le risque ici, surtout lors de la saison des pluies. Nous sommes passés de 200 employés à une vingtaine à Phuket tandis qu’à Bali nous sommes passés de 115 à seulement une quinzaine de personnes.
Donc ma situation actuelle, c’est que l’ensemble de mes activités est à l’arrêt et que nous avons perdu 90% du chiffre d'affaires, cela fait un gros trou.
Depuis mon arrivée en Thaïlande en 1997, j’ai reçu pas mal de revers : le 11 septembre 2001, le SARS en 2003, la grippe aviaire, les manifestations entre les rouges et les jaunes, le tsunami, les coups d’État à répétition. Mais là, le Covid-19, c’est puissance dix de tout ce que j’ai vécu et nous avons toujours pu remonter la pente. Donc je reste optimiste et je pense que le tourisme reprendra petit à petit, la Thaïlande et la ville de Phuket restent des destinations attractives même si là maintenant nous sommes en état de survie.
En quoi cette crise est-elle différente ?
C’est la longueur. Lors des attentats du 11 septembre 2001, pendant deux ou trois mois les gens ont eu peur de prendre l’avion, donc cela a eu une légère incidence sur le tourisme. Le tsunami, c’était pareil, les gens avaient peur de venir sur une île dévastée, mais très vite, on ne voyait plus de traces du drame, tout avait été reconstruit. Le tsunami a produit un tout petit plat dans la courbe de fréquentation touristique, ce n’était pas une grosse chute comme avec le Covid-19. Depuis 18 mois, il n’y a plus de touristes et tout le monde est affecté.
L’année dernière, je me disais que lorsque nous aurions accès à la vaccination, le pays ouvrirait de nouveau aux touristes et l’économie repartirait. Nous pensions que le mois d’avril signerait la reprise, après ça été le mois de juillet et là, les projections sont plutôt à octobre ou novembre, mais ce n’est pas encore sûr. C’est pourtant une urgence, beaucoup d’entrepreneurs ont fait faillite et les autres sont en grandes difficultés financières.
Vous avez des activités dans l’hôtellerie et la plongée à Bali également, la situation est-elle comparable à Phuket ?
Bali est toujours fermée aux touristes, les autorités voulaient ouvrir en juillet, mais ils ont eu un nouveau confinement au même moment. En fait, la situation sur les deux îles est comparable, ce sont des îles connues que les gens veulent absolument visiter et qui bénéficient de clients assidus qui y viennent régulièrement. Mais dans l’ensemble, les problèmes malheureusement sont les mêmes, les locaux veulent rouvrir, mais à chaque fois il y a une nouvelle vague qui nous tombe dessus, ou parce que les risques semblent trop grands et les dirigeants font un pas en arrière au dernier moment. C’est difficile de faire des projections.
La seule différence, l’aéroport international de Phuket est toujours ouvert contrairement à Bali. Ce qui veut dire que le robinet peut s’ouvrir très rapidement à Phuket alors qu’à Bali ce n’est pas le cas, un aéroport ne se remet pas en route du jour au lendemain.
Que pensez-vous du modèle de la Phuket Sandbox ?
La réouverture de Phuket via le modèle de la sandbox permet d’envoyer un signe positif. J’ai juste un doute sur le nom, pour moi un bac à sable est un lieu qui n’est pas très propre! Mais le plus important est de voir que les autorités ont essayé de proposer une solution pour accueillir de nouveau les touristes.
Phuket en ce moment, c’est super beau, les plages sont vides, la mer est bleue par contre, pour le touriste qui se promène dans les rues, il n’y a pas de bars et de restaurants. Le côté “Saint-Tropez” de l’île est mort surtout quand il faut passer 14 jours sur l’île. C’est bien beau l’image de carte postale de l’île déserte, mais après quelques jours, les gens ont envie de sortir, de boire un verre, d’aller au marché, etc.
Avez-vous effectué les démarches pour obtenir les certifications SHA+ ?
Oui. En assurant un service de maintenance minimal et avec les certifications, je suis prêt à ouvrir demain s’il le faut. C’est encourageant parce que nous avons plusieurs réservations pour les mois d’octobre ou novembre ou décembre.
Comment voyez-vous le tourisme dans l’avenir ?
Pour le moment, il faut absolument récupérer les touristes américains, européens, russes, australiens parce que les Thaïlandais ne vont pas trop chez les étrangers. Avec les programmes d’aides comme “Travel Together” et les prix cassés de certains hôtels, les Thaïlandais préfèrent aller dans des chaînes hôtelières de luxe, des hôtels qu’ils ne pourraient jamais se payer en temps normal.
Après, c’est clair qu’il faut remettre le tourisme en question, il faut pouvoir le redéfinir. Les autorités thaïlandaises aimeraient développer un tourisme plus haut de gamme plutôt que d’aller vers un tourisme de masse comme avant. C’est entre autres pour cela que la crise touche autant Phuket. La population de Phuket est de 300.000 habitants et il y a entre 2 et 3 millions de touristes pendant la saison touristique. L’île compte 640 hôtels et il y a 240 restaurants rien qu’à Patong, c’est beaucoup trop. Pendant des années, cette bulle touristique a tellement gonflé que maintenant elle a explosé. L’activité était tournée vers les touristes et non pour répondre aux besoins des locaux.