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Bangkok confinée se vide de ses travailleurs provinciaux et migrants

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REUTERS / Challinee Thirasupa - Des milliers de travailleurs originaires de province ou des pays voisins se sont dirigés vers les gares routières de Bangkok dimanche et lundi après la fermeture de nombreuses activités à Bangkok

Des dizaines de milliers de travailleurs migrants ont quitté la Thaïlande pour rentrer chez eux dans les pays voisins après l'annonce ce week-end de nouvelles mesures restrictives dont la fermeture de nombreux postes-frontières lundi soir pour limiter l'épidémie de coronavirus.

Dans le même temps, des travailleurs thaïlandais originaires de province quittaient également Bangkok après la fermeture annoncée des grands magasins, centres commerciaux, restaurants et autres lieux publics.

Les autorités thaïlandaises ont exhorté les travailleurs à ne pas quitter les villes en masse et à rester en place pour limiter la propagation de la maladie.

"Les déplacements massifs risquent d'augmenter la propagation du virus", a déclaré Tawee Chotpitayasunondh, conseiller principal du ministère thaïlandais de la Santé.

De nombreux postes frontaliers terrestres entre la Thaïlande et les pays voisins devaient rester ouverts jusqu'à tard lundi, pour permettre aux travailleurs migrants de quitter le pays, selon un responsable du ministère de l'Intérieur.

"Parce que de nombreux travailleurs migrants veulent partir, nous leur permettons de le faire pour une seule journée", a déclaré lundi à Reuters ce responsable qui a demandé à ne pas être nommé. "Demain, tous les passages [terrestres] au frontières seront fermés", a-t-il déclaré.

On estime que la Thaïlande compte quatre à cinq millions de travailleurs migrants, principalement originaires du Laos, de Birmanie et du Cambodge.

Le Laos et la Birmanie, curieusement, n'ont pas encore signalé de cas de coronavirus.

Les autorités thaïlandaises avaient commencé à fermer certains postes-frontières la semaine dernière en vue de fermer lundi l'ensemble des 91 points de passage avec le Laos, la Birmanie, le Cambodge et la Malaisie, laissant seulement passer les camions transportant des marchandises.

Des mesures drastiques, notamment la fermeture pendant 22 jours des grands magasins et de nombreux commerces à Bangkok et dans les grandes villes thaïlandaises en vigueur depuis dimanche, ont conduit des centaines de travailleurs migrants à se diriger vers les frontières.

"Ils ne peuvent pas survivre ici sans revenus, alors beaucoup ont décidé de partir sans attendre", explique Suthasinee Kaewleklai, co-inductrice du Migrant Workers Rights Network.

Dans la seule journée de dimanche, quelque 7.000 travailleurs originaires de Birmanie ont quitté la Thaïlande, imitant plusieurs milliers d’autres partis depuis mercredi dernier, indique Ye Min du comité Aid Alliance, une organisation à but non lucratif qui vient en aide aux travailleurs migrants en Thaïlande.

"Les gens craignaient de se trouver coincés. Alors, ils sont rentrés dans leur pays", explique-t-il.

Les autorités de Birmanie, du Laos et du Cambodge ont demandé aux travailleurs de retour au pays de s'isoler pendant 14 jours.

La Thaïlande compte aujourd'hui 721 cas de coronavirus après avoir enregistré 122 nouveaux cas lundi, et n’a déploré jusqu’ici qu’un seul décès.

Les ouvriers de chantier toujours exposés

Mais alors que les travaux de construction des tours d'habitation et des complexes de bureaux se poursuivent dans la capitale, des centaines d'ouvriers de chantier continuent de se rendre au travail le matin, et seuls quelques-uns portent des masques faciaux ou des bandanas autour du nez et de la bouche.

"Très peu d'indemnités sont accordées aux travailleurs migrants de la construction - ils ne reçoivent ni masque, ni désinfectant pour les mains, ni aucune information sur le coronavirus", déplore Brahm Press, directeur de la MAP Foundation, une organisation caritative pour les droits des migrants.

"Ils devraient être autorisés à rentrer chez eux s'ils le souhaitent sans pénalité, et à revenir quand la situation sera plus sûre. Ils vivent dans des habitations très exiguës et ont un accès limité aux soins de santé : si la maladie devait les atteindre, ce serait désastreux", dit-il.

Une porte-parole de l'Administration métropolitaine de Bangkok (BMA) n'a pas répondu aux appels de Reuters pour réagir.

La Thaïlande compte plus de 3 millions de travailleurs migrants, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), un chiffre sous-évalué selon plusieurs groupes de défense des droits de l’homme.

Le secteur de la construction est le principal employeur de travailleurs migrants, ceux du Cambodge, de Birmanie et du Laos constituant l’essentiel des quelque 600.000 ouvriers étrangers déclarés du secteur, selon l'Organisation internationale du Travail (OIT).

Les ouvriers vivent généralement dans des conteneurs reconvertis ou des cabanes en taule et contreplaqué installés sur site ou à proximité, et généralement munis d’un assainissement médiocre et d’un accès limité à l'eau potable.

Si plusieurs milliers de travailleurs migrants sont rentrés chez eux avant la fermeture des postes-frontières dimanche et lundi, les ouvriers de chantier sont restés.

"La raison pour laquelle les chantiers de construction restent ouverts semble être qu'ils doivent continuer à travailler dans la mesure du possible car ils ont des délais", explique Sasiwimon Paweenawat, une professeure de l'Université de la Chambre de commerce de Thaïlande.

"Mais les travailleurs qui restent courent un risque élevé de contracter le virus. Et s'ils choisissent de rentrer chez eux, ils risquent de ramener avec eux l'infection", souligne-t-elle.
 

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