Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 1

La Thaïlande en manque de GNL prise dans un cercle infernal

GNL-gaz-naturel-liquefie-ThailandeGNL-gaz-naturel-liquefie-Thailande
Reuters
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec Reuters
Publié le 17 mars 2022, mis à jour le 17 mars 2022

La crise énergétique mondiale fait grimper les prix du gaz naturel liquéfié, mais la Thaïlande doit augmenter ses achats pour compenser une forte baisse de la production de son plus grand gisement tandis que les sanctions menacent l’approvisionnements en provenance de Birmanie.

Alors que la demande européenne en gaz naturel liquéfié (GNL) augmente et que son plus grand gisement, le champ d’Erawan, s’épuise, la Thaïlande n'a d'autre choix que de se jeter, à un bien mauvais moment, dans la course mondiale paux approvisionnements alternatifs et jouer des coudes avec des acheteurs qui se précipitent pour sécuriser des cargaisons afin de remplacer le gaz et le GNL russes alors que la guerre en Ukraine s'intensifie.

La Thaïlande est un importateur net de pétrole et de gaz dont les besoins en électricité, pétrole brut, charbon et gaz naturel dépendaient encore l'an dernier des importations à près de 75 %. De fait, cette pénurie pourrait lui coûter de plus en plus cher à mesure que les prix continuent de monter en flèche.

Le déficit en gaz de la Thaïlande est en grande partie dû à la forte baisse de la production du champ offshore d'Erawan, qui répond à la majeure partie des besoins en gaz du pays. Et les menaces de nouvelles sanctions américaines contre la Birmanie à la suite du coup d'État militaire de février 2021 ont également jeté de l'incertitude sur les importations de gaz depuis ce pays fournisseur de longue date, dans lequel la société nationale PTT vient d’investir pour reprendre le flambeau de TotalEnergies.

Entre difficultés locales et sanctions occidentales

"Nous étions confrontés à une baisse du gaz dans le golfe de Thaïlande et à des sanctions potentielles en Birmanie (…) nous ajoutons maintenant un autre problème, la flambée des prix du gaz en raison du conflit entre l'Ukraine et la Russie", a déclaré le secrétaire permanent à l'Énergie, Kulit Sombatsiri.

PTT Exploration and Production Pcl (PTTEP), une unité de la société publique thaïlandaise PTT, doit reprendre le champ gazier d'Erawan à l’Américain Chevron en avril.

Les transitions sur les concessions gazières ou pétrolifères se font généralement dans un esprit de collaboration, mais un différend entre le pétrolier américain et le gouvernement sur qui doit payer pour retirer les actifs offshores sur le champ d'Erawan entraine des retards dans les pourparlers entre PTTEP et Chevron.

Environ un quart des besoins en gaz naturel de la Thaïlande provenaient du gisement d'Erawan, lequel devrait produire le mois prochain moins d'un cinquième seulement de sa capacité.

Le retard dans le transfert de concession a également ralenti les investissements nécessaires pour maintenir la production du champ, cruciale pour la sécurité énergétique à long terme de la Thaïlande.

En 2021, 54% de l'électricité du pays provenait du gaz naturel et une infime partie de sources pétrolières. La Thaïlande avait prévu d'augmenter les importations cette année, mais les prix de ce carburant ont doublé en un peu plus d'un mois en raison des sanctions imposées à la Russie pour son invasion de l'Ukraine.

Augmenter les quotas d'importation

Lorsque Chevron sortira d'Erawan, la production pourrait être de lors du sixième de que le champ produisait en 2019, avant de doubler au quatrième trimestre, selon Chaipat Thanawattano, analyste chez SCB Securities.

"La transition ne s'est pas déroulée sans heurts et nous avons commencé à constater une pénurie à la fin de l'année dernière", a déclaré à Reuters le secrétaire général de la Commission de régulation de l'énergie (ERC), Komkrit Tantravanich.

Pour compenser l’essoufflement du champ d'Erawan, l'ERC a augmenté les quotas d'importation de GNL, portant le total des importations à 9,7 millions de tonnes cette année, contre 6,4 millions de tonnes l'an dernier.

Prix des carburants dans une station PTT en Thailande
Le prix des carburants a explosé en Thaïlande ces derniers jours avec la crise en Ukraine. Photo LPJ Bangkok.com

PTT importera 1,2 million de tonnes du marché au comptant de janvier à avril car la situation était "urgente et nécessitait des décisions rapides", a souligné Komkrit Tantravanich.

Pour Suwat Sinsadok, analyste chez Finansia Syrus Securities, le quota va probablement être entièrement utilisé et il devrait falloir deux ans avant qu'Erawan atteigne l'objectif de production visé par l'opérateur thaïlandais (800 millions de pieds cubes, soit 4 fois le volume attendu au moment de la passation le mois prochain).

Un porte-parole de Chevron a déclaré dans un courriel : "Malgré les défis complexes que présente cette transition, nous nous engageons à atteindre l'objectif d'une transition sûre d'Erawan en avril 2022".

PTT a refusé de s’exprimer sur ses réserves existantes, ses importations de GNL et la capacité du champ d'Erawan.

Passer au pétrole

Le secrétaire général de l’ERC estime que la Thaïlande sera réticente à acheter du GNL au comptant si les prix atteignent les 40 dollars par mmBtu, soit environ 0,137 dollars par killowatt-heure.

Le prix moyen pour la livraison d'avril vers l'Asie est revenu à environ 38 dollars par mmBtu (0,130 USD par KWh, après avoir atteint des records en raison du risque de coupure du gaz russe.

Certaines centrales électriques passeront au pétrole afin de réduire la demande de gaz, a précisé Komkrit Tantravanich, alors que le gouvernement prolonge la fermeture d'une centrale au charbon et des contrats de biomasse.

Economiser l'énergie

"Ce que nous pouvons faire de mieux, c'est économiser l'énergie (…) afin de pouvoir traverser ces temps incertains", a déclaré la semaine dernière le ministre de l'Énergie Supattanapong Punmeechaow. La Thaïlande a importé près de 90% de ses besoins en pétrole l'an dernier.

Les sanctions potentielles sur les approvisionnements en provenance de Birmanie, qui représentent environ 14% des besoins en gaz naturel de la Thaïlande, ajoutent également à l'incertitude.

"Si cela se produit, nous devrons trouver une solution de remplacement, mais en attendant, nous avons augmenté la capacité de regazéification pour être prêts", a déclaré Komkrit Tantravanich.

Le gouvernement a annoncé la semaine dernière qu'il reprendrait les opérations partielles dans un terminal de regazéification six mois plus tôt que prévu en mai, ajoutant une capacité de 2,5 millions de tonnes par an (tpa) sur 7,5 millions de tpa.

Le GNL doit être regazéifié avant d'être utilisé dans les centrales électriques.

Le déclin des gisements en Birmanie aurait un impact continu sur la demande thaïlandaise en GNL sur le long terme.

"Nous estimons que cela pourrait contribuer à faire augmenter les importations thaïlandaises de GNL de 2,3 millions de tonnes par an d'ici 2030", estime Angus Rodger, analyste chez Wood Mackenzie.

Flash infos