La junte thaïlandaise a menacé mercredi d'arrêter et d'expulser tous les travailleurs immigrés illégaux, alors que les autorités cambodgiennes décrivent un exode de migrants depuis le coup d'Etat du mois dernier. La veille, le journal The Guardian publiait une enquête révélant des conditions d'esclavage pratiquées dans l'industrie de la pêche en Thaïlande
Les travailleurs venus du Cambodge, de Birmanie et du Laos jouent un rôle majeur dans certains secteurs de l'économie thaïlandaise comme la pêche, l'agriculture et la construction, mais beaucoup d'entre eux n'ont pas de permis de travail.
A partir de maintenant, tout travailleur immigré illégal trouvé en Thaïlande "sera arrêté et expulsé", a déclaré Sirichan Ngathong, porte-parole de l'armée. "Nous considérons les travailleurs illégaux comme une menace parce qu'ils sont nombreux et qu'il n'y a pas de mesure claire pour les prendre en charge, ce qui pourrait mener à des problèmes sociaux", a-t-elle ajouté.
Depuis le putsch du 22 mai, au moins 10.000 travailleurs cambodgiens ont repassé la frontière, selon Neth Serey, un responsable du consulat du Cambodge dans la province thaïlandaise frontalière de Sa Kaeo.
Des militants ont indiqué que les migrants avaient été transportés dans des camions et laissés à la frontière.
"Ils ont peur. Certains pleuraient", a indiqué Soum Chankea, du groupe de défense des droits de l'Homme Adhoc, qui a rencontré certains d'entre eux.
Beaucoup de migrants, dont des femmes et des enfants, sont effectivement bloqués à la frontière, sans argent pour payer le voyage pour rentrer chez eux, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
En temps normal, environ 100 migrants traversent chaque jour la frontière au point de passage principal de Aranyaprathet-Poipet, a précisé le chef de mission de l'OIM au Cambodge, Leul Mekonnen. "Mais nous en voyons déjà plus de 1.000 par jour, et nous ne savons pas ce que les jours qui viennent réservent", a-t-il ajouté.
Chea Loeun, ouvrier du bâtiment de 34 ans rentré mercredi, a lui expliqué que ses compatriotes avaient peur d'être arrêtés par l'armée thaïlandaise. "Les travailleurs cambodgiens n'osent plus rester en Thaïlande", a-t-il déclaré à l'AFP par téléphone depuis Poipet.
Selon des ONG, la Thaïlande abrite au moins deux millions de travailleurs immigrés. Par le passé, les autorités fermaient les yeux sur la présence de clandestins nécessaires à une économie en plein essor. Mais la situation a changé et le pays a enregistré une baisse du PIB de 2,1% au premier trimestre 2014 par rapport au trimestre précédent.
Certains Birmans sont également repartis chez eux depuis le putsch, a indiqué Chalee Loysoong, président du Comité thaïlandais de solidarité avec les travailleurs, qui aide les travailleurs étrangers dans le royaume.
"Les illégaux ont probablement peur, alors ils sont rentrés d'eux-mêmes", a-t-il noté.
Depuis sa prise de pouvoir, la junte a suspendu la démocratie et largement limité les libertés civiles, excluant des élections avant au moins un an.
Dans une grande enquête publiée mardi, le quotidien britannique The Guardian révèle des pratiques d'esclavage intense sur des bateaux de pêche en Thaïlande qui fournissent le numéro un thaïlandais du secteur alimentaire, Charoen Pokphand (CP) Foods.
L'enquête révèle par ailleurs que des géants de la distribution comme Carrefour, Walmart, Tesco ou encore Costco, se fournissent en crevettes auprès de Charoen Pokphand (CP) Foods. En réaction à ces révélations, Le Figaro rapportait mercredi que Carrefour a suspendu ses relations commerciales avec CP "jusqu'à ce que la lumière soit faite".