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Agressions sexuelles en Grèce : La levée d’un tabou

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Canalblog
Écrit par Noé Kolanek
Publié le 26 janvier 2021, mis à jour le 27 janvier 2021

Alors que la Grèce est pour l’heure encore très conservatrice sur les questions de liberté d’expression de la femme, les révélations de la célèbre athlète Sofia Bekatorou, victime d’agressions sexuelles, ont créé sur Twitter un véritable mouvement social. Depuis jeudi dernier, une avalanche de mots-dièse #Bekatorou et #metoo encourage les victimes à s’exprimer afin de briser définitivement le silence autour du tabou.

Le mot-dièse #Bekatorou (#Μπεκατωρου en grec) a d’ailleurs été recensé plus de 50.000 fois dans le pays en l’espace de cinq jours. C’est une grande première pour la Grèce qui, jusqu’alors, était restée à l’écart du mouvement #metoo particulièrement populaire sur le réseau depuis l’affaire Weinstein de 2017. Pour autant, il occupe maintenant une place prépondérante sur la scène publique grâce aux révélations de Sofia Bekatorou qui a suscité l’émoi national.

Alors âgée de 21 ans, la sportive professionnelle est à Sydney pour préparer les Jeux Olympiques (JO) 2000 de voile ayant lieu deux ans plus tard. Un haut fonctionnaire de la Fédération hellénique de voile lui propose alors de le rejoindre dans sa chambre d’hôtel. Il se serait alors ensuite passé l’impardonnable malgré les protestations de la femme contre son potentiel agresseur. Pourtant l’homme, dont le nom n’a pour l’heure pas été mentionné, avait promis « qu’il s’agissait uniquement de discuter. » Il aura fallu 23 ans pour que Sofia Bekatorou brise le silence, par peur de représailles et « d’interdiction de continuer la voile, » stipulées par le haut-fonctionnaire. Vient alors le 14 janvier et la publication de ses révélations.

Un courage universel au service de la justice

Le témoignage de l’ex-championne olympique de voile a alors fait l’effet d’une bombe sur les réseaux. Très vite, des milliers de femmes ont à leur tour rompu le silence. Si bien qu’en l’espace de quelques heures, plusieurs témoignages provenant de Thessalonique, deuxième plus grande ville du pays, ont pointé du doigt un même suspect. L’homme est un ancien professeur, désormais à la retraite, qui aurait agressé plusieurs étudiantes durant sa période de fonction au sein de l’Université Aristote de Thessalonique.

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Grâce aux éléments rassemblés par les témoignages, des victimes potentielles comptent déposer prochainement une plainte collective, preuves à l’appui, pour attaquer en justice le suspect. Cette initiative commune fait suite à une première plainte reçue en 2013 à l’encontre de la même personne, classée sans suite.

Une accélération du mouvement #Metoo similaire à la France

Par la suite, l’effet boule de neige s’est encore plus intensifiée. De nouvelles plaintes sont alors partagées successivement par plusieurs athlètes grecques. D’abord par l’intermédiaire de l’ancienne nageuse Rabea Latridou affirmant avoir été victime d’attouchements sexuels par un médecin. Puis par Marina Psichogiou, ex-championne de voile comme Sofia Bekatorou, contrainte d’être abusée sexuellement par un membre de la Fédération de voile en 1993 selon son témoignage. En outre, la joueuse de water-polo Mania Bikof a aussi fait part d’un abus sexuel survenu lors d’une convalescence à cause d’une blessure à l’épaule. Un docteur aurait, lors d’un examen médical, exigé de la femme qu’elle expose sa poitrine seins nus alors que cela ne s’avérait pas être nécessaire.

Cette succession de témoignages de la part de nombreuses célébrités fait écho à l’émancipation du mouvement #Metoo en France qui, en 2020, avait secoué l’hexagone de la même façon. A l’instar de Sofia Bekatorou, l’actrice de cinéma Adèle Haenel avait accusé publiquement le réalisateur Christophe Ruggia de l’avoir agressée sexuellement de ses 12 à 15 ans. Dans la foulée, la photographe Valentine Monnier l’avait rejointe en accusant elle aussi Roman Polanski de l’avoir violée en 1975. La vague de dénonciations avait ainsi pris, comme actuellement en Grèce, une forme virale en se démocratisant sur Twitter via le mot-dièse #Metoo.

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Photo: The Atlantic

Un basculement qui en appelle d’autres

Les révélations de Sofia Bekatorou ont encouragé des membres de la Fédération hellénique de voile à démissionner, par soutien envers la victime. Le vice-président Aristeidis Adamopoulo a quant à lui été limogé. L’homme politique a également quitté ses fonctions auprès de la Nouvelle-Démocratie, parti actuellement au pouvoir.

De plus, en usant de sa liberté d’expression, l’ancienne athlète a permis à d’autres victimes de s’affranchir d’un tabou jusqu’à il y a peu tenace. D’autant plus que Sofia Bekatorou n’avait plus rien à espérer d’un point de vue judiciaire, les faits d’agressions sexuelles étant prescrits en Grèce au bout de quinze ans. Seulement par son courage, la médaillée des JO 2004 et 2008 a enfoncé une porte loin d’être ouverte. Et son témoignage apparaît sur les réseaux sociaux comme une lueur d’espoir pour bon nombre de victimes encore réduits au silence.

Peut-être est-ce aussi pour cela que le député français Bruno Questel a choisi, ce lundi 18 janvier, de lever à son tour le tabou masculin autour des agressions sexuelles en révélant, sur Twitter, qu’il a été victime d’un viol à l’âge de 11 ans ?

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