Édition internationale

La Grèce investit massivement dans la défense de son territoire

Le gouvernement de Kyriakos Mistotakis investit dans un réarmement jugé urgent pour moderniser les forces armées helléniques.

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Écrit par Laurette Buchart
Publié le 19 novembre 2025

Un contexte géopolitique tendu

Située entre l’Europe, l’Asie du Sud-Ouest et l’Afrique du Nord, la Grèce tente de préserver sa stabilité dans une région secouée par les tensions en Palestine occupée, la militarisation croissante en Europe de l’Est et des relations difficiles avec la Turquie. Ces dernières années, Athènes accuse Ankara de violations répétées de son espace aérien et de sa zone économique exclusive.

Cette pression permanente renforce la perception d’une menace directe. Lors du sommet de l’OTAN à la Haye en juin 2025, M. Mitsotakis a fait part de ses inquiétudes :

« La Méditerranée orientale est un front stratégique à part entière, où les tensions sont durables, multidimensionnelles et souvent sous-estimées ».

 

L’ « Agenda 2030 », un plan de réarmement inédit

Pour répondre à ces défis, la Grèce a adopté un programme d’armement sur douze ans, avec un budget de 25 milliards d’euros.

Le ministre de la Défense, Nikos Dendias, résume l’ambition du projet :

« L’Agenda 2030 vise à transformer fondamentalement les forces armées helléniques et à renforcer les capacités de défense du pays en réponse à une menace visible »

Le plan prévoit une série de réformes :

Restructuration du service militaire obligatoire :

Dès le 1er janvier 2026, le service militaire obligatoire ne concernera plus que l’armée de terre. Les postes dans l’armée de l’air et la marine seront supprimés, sauf pour certaines fonctions spécialisés comme capitaine de navire ou ingénieur aéronautique. L’objectif est de disposer d’une réserve plus nombreuse et rapidement mobilisable.

Revalorisation de la rémunération des conscrits :

Depuis septembre, les conscrits affectés en zones reculées ou en première ligne touchent 100 euros par mois, contre 8,80 euros auparavant. Ceux basés à l’intérieur du pays perçoivent désormais 50 euros. La flotte navale, les tâches spéciales et les étudiants des académies militaires bénéficient également d’une hausse des allocations.

Gestion centralisée des biens immobiliers :

Le gouvernement veut optimiser l’usage des biens militaires pour améliorer l’efficacité, la transparence et l’utilisation stratégique du patrimoine.

Fermeture de 45 camps et de 9 tribunaux militaires :

Cette mesure permettra d’économiser 85 millions d’euros par an.

Développement d’un dôme de défense aérienne :

Projet emblématique de l’Agenda 2030, l’ « Achilles Shield » constitue un système de défense à cinq couches. Il doit offrir une protection anti-drones, anti-missiles, anti-aérienne, anti-navires et anti-sous-marins. Son coût s’élève à 2,8 milliards d’euros.

 

Renouvellement du matériel militaire 

La Grèce modernise sa flotte avec trois frégates Belharra commandées en 2023 au Naval group, destinées à remplacer les navires vieillissants. L’achat d’une quatrième frégate FDI française, baptisée Themistocles, pour 982 millions d’euros, a récemment été finalisé. La participation de l’industrie grecque atteindra au moins 25 %, seuil minimum désormais exigé pour les nouveaux
contrats d’armement.

Le gouvernement a par ailleurs acté l’achat de 24 Rafale français, et envisage l’acquisition de 40 chasseurs américains. La visite du ministre dans l’usine de drones 306 Telecommunications Base Factory à Acharnes marque aussi un tournant : la Grèce souhaite produire ses propres drones en série, un choix motivé par les enseignements de la guerre en Ukraine et par la volonté d’atteindre une supériorité technologique autonome.

 

Coopération internationale : la Grèce cherche des alliés solides sur lesquels s’appuyer

Membre de l’OTAN depuis 1952, la Grèce continue d’être l’un des plus importants contributeurs financiers de l’Alliance. En 2024, elle y consacre 3,01 % de son PIB (source : rapport OTAN, juillet 2024), juste derrière les États-Unis. Cet investissement est motivé par la perception d’une menace directe en Méditerranée orientale et par la nécessité d’être un partenaire fiable.

Au-delà de l’OTAN, la Grèce cherche à renforcer ses marges d’autonomie via l’Union européenne. Le 27 mai 2025, le Conseil de l’UE approuve l’instrument SAFE (Security for Action in Europe), un programme de prêts à hauteur de 150 milliards d’euros pour moderniser les capacités de défense des États membres. Athènes salue une « étape historique » pour la défense européenne, soulignant que ces fonds permettront de renforcer la surveillance frontalière, les infrastructures critiques et l’autonomie industrielle.

La coopération structurée permanente (CSP/PESCO), relancée depuis 2017, a vu la Grèce participer activement dans 10 projets en 2024, notamment dans la surveillance maritime, la lutte anti-drone, et la logistique militaire. Le pays soutient également l’Initiative d’intervention européenne (IEI) portée par la France, qui vise à constituer une force de réaction rapide, complémentaire à l’OTAN.

Enfin, la Grèce poursuit une politique active de diplomatie de défense bilatérale. L’accord stratégique signé avec la France en septembre 2021, incluant une clause d’assistance mutuelle en cas d’agression, reste un pilier de cette stratégie.

 

Entre ancrage atlantique et ambition européenne, une ligne grecque affirmée

Face à une instabilité chronique en Méditerranée, la Grèce joue sur plusieurs tableaux : plan de réarmement, loyauté envers l’OTAN, mais volonté d’autonomie au sein de l’UE. Les dernières évolutions confirment que la défense européenne entre dans une nouvelle phase, plus concrète et mieux adaptée aux réalités régionales. Pour Athènes, cette transformation est autant une nécessité géopolitique qu’un levier d’influence. Elle entend rester, comme le déclarait le ministre de la Défense Nikólaos Dendias en avril 2025, « un pilier de stabilité dans un arc d’instabilité »

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