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Gel de l’aide humanitaire américaine : une menace pour les migrants au Mexique

Le gel de l’aide humanitaire américaine fragilise l’accès aux soins des migrants au Mexique. Antoine Lissorgues, coordinateur général de Médecins du Monde Suisse, alerte sur les conséquences de cette décision et l’urgence d’agir.

La clinique mobile de Médecins du Monde au MexiqueLa clinique mobile de Médecins du Monde au Mexique
Clinique mobile Médecins du Monde, Mexique © MdM Suisse
Écrit par Liz Fredon
Publié le 28 février 2025

 

 

La décision est brutale et les conséquences immédiates. Le gel de l’aide humanitaire décrété par l’administration Trump compromet directement l’accès aux soins pour des milliers de migrants dans le nord du Chiapas et le Tabasco, au Mexique. Pour Médecins du Monde Suisse, cette mesure est une double peine, fragilisant davantage une population déjà en situation de grande vulnérabilité. Pourtant, l’ONG refuse d’abandonner ses patients. Grâce à ses propres fonds, elle s’engage à maintenir ses services essentiels pendant une période transitoire, jusqu’au 30 avril.

 

Traitements des infections respiratoires, de la tuberculose ou encore de la leucémie, des soins vitaux menacés

"Notre priorité absolue, c’est de garantir que les personnes que nous suivons puissent continuer à recevoir des soins", nous explique Antoine Lissorgues, coordinateur général de Médecins du Monde Suisse. "Nous avons une responsabilité envers nos patients, et nous ne pouvons pas, du jour au lendemain, leur dire que nous nous arrêtons. Ce serait contraire à notre éthique médicale et humanitaire." 

L’ONG offre des services de santé primaire aux migrants, traitant des pathologies courantes comme les infections respiratoires et les problèmes dermatologiques, mais aussi des cas plus graves, comme la tuberculose ou la leucémie, qui sont orientés vers le système de santé local. La clinique mobile se distingue aussi par son soutien en santé mentale, un secteur largement sous-financé et peu présent au Mexique. "Sur un État comme le Chiapas, qui compte environ 6,5 millions d’habitants, on recense seulement sept psychiatres institutionnels", souligne Antoine Lissorgues. "Nous sommes l’un des rares acteurs à proposer une prise en charge psychiatrique de premier niveau, essentielle pour les migrants qui traversent des traumatismes majeurs."

 

"Ce n’est pas juste une question de soins médicaux, c’est une question de dignité humaine.", appuie Antoine Lissorgues.

L’ONG intervient également auprès des victimes de violences sexuelles, un fléau omniprésent sur la route migratoire. "Certaines personnes fuient leur pays à cause de la violence des gangs, où les agressions sexuelles sont utilisées comme monnaie d’échange", confie-t-il. "Une fois sur la route, ce cycle de violences se poursuit."

 

 

Bannière Médecins du Monde, petit garçon
"Médecins du Monde soigne aussi l'injustice", © MdM

 

 

Une crise humanitaire aux répercussions mondiales

La décision de Donald Trump affecte de nombreuses ONG à travers le monde, entraînant des fermetures brutales de programmes humanitaires. "Des organisations ont mis la clé sous la porte en 24 heures", déplore Antoine Lissorgues.

Cette crise s’inscrit dans un contexte plus large de désengagement des États dans l’aide internationale. La Suisse, par exemple, a annoncé une coupe de 110 millions de francs dans son budget d’aide au développement en 2025. En France, ce sont 36 % des crédits de l’aide publique au développement qui ont été supprimés cette année. "L’aide humanitaire est souvent la première victime des politiques d’austérité", regrette-t-il. "Or, ce sont les populations les plus vulnérables qui en paient le prix."

 

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400.000 dollars à combler, des solutions encore incertaines

Pour faire face à ce manque de financement, Médecins du Monde Suisse tente de diversifier ses ressources. "Nous avons besoin de 400.000 dollars pour combler ce nouveau manque. Nous avons déjà engagé des discussions avec des fondations et des municipalités en Suisse, mais les montants restent insuffisants.", précise Antoine Lissorgues.

Face à l’urgence, l’ONG appelle à la mobilisation générale. "Très concrètement, les citoyens peuvent faire des dons à Médecins du Monde", rappelle-t-il. "Mais surtout, il faut en parler. Cette décision marque un tournant. Nous assistons à une remise en cause globale des valeurs de solidarité et de justice sociale. C’est une triple peine : les ONG perdent leurs financements, les populations sont abandonnées, et l’idée même de l’humanitaire est fragilisée."

Alors que l’ONG continue d’assurer ses missions, l’incertitude plane sur l’avenir. Si aucune alternative de financement n’est trouvée d’ici avril 2025, les opérations devront cesser, laissant des milliers de migrants sans assistance. Ce laps de temps permettra tout de même de transférer certains cas au système de santé mexicain. Un défi de taille pour une organisation qui, contre vents et marées, s’efforce de ne pas laisser ses patients au bord de la route.


Pour agir concrètement et soutenir l’ONG, il est possible de faire un don à Médecin du Monde Suisse via ce lien.

 

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