C. Ambrós Biern: "Nous conseillons des clients des deux côtés des Pyrénées"

1/ En tant qu’avocate au sein d’un cabinet franco-espagnol, quels sont les domaines sur lesquels vous êtes le plus souvent amenée à intervenir ?

Nous sommes un cabinet d’avocats "boutique" - à taille humaine, dédié au droit des affaires à dimension internationale et particulièrement franco-espagnole. Nous conseillons donc des clients des deux côtés des Pyrénées. En Espagne, nous accompagnons surtout des investisseurs français, notamment des SCPI ou fonds d’investissement, ce qu’on appelle des investisseurs institutionnels. Nous sommes très sollicités sur des dossiers d’investissements immobiliers ou sur des fusions-acquisitions de sociétés. En tant qu’équipe pluridisciplinaire, nous intervenons aussi beaucoup sur des sujets de droit des sociétés, de fiscalité, de droit du travail mais également en droit des successions pour des particuliers.

L’Espagne est un pays qui attire. On pense souvent qu’entre la France et l’Espagne, en tant que pays européens, la législation est la même… mais non, il y a des particularités juridiques et culturelles à ne pas négliger et c’est notre métier et notre force, d’alerter nos clients sur ces points.

2/ Quelles sont les tendances notamment concernant l’accompagnement d’entreprises dans le cadre des investissements français en Espagne ?

Dans notre pratique, on a pu constater des changements dans les secteurs qui attirent le plus les investissements en Espagne. Avant la pandémie de 2020, nous avions beaucoup de demandes d’accompagnement d’investissements dans les secteurs hôtelier et du tourisme. Depuis, les opérations se portent maintenant plutôt sur la logistique et les services.

Ce qui est intéressant, c’est que le droit évolue en même temps que le marché. La législation s’adapte à l’évolution des mœurs et à la culture entrepreneuriale. Par exemple, l’Espagne a fait voter, fin 2022, une loi "start-ups" visant à favoriser l’écosystème des start-ups, entreprises innovantes de création récente qui évoluent notamment dans le secteur des nouvelles technologies. Nous accompagnons donc des nouveaux entrepreneurs, qui répondent aux critères de cette loi, et qui peuvent bénéficier notamment d’avantages au niveau fiscal et de formalités allégées dans la constitution de leur société. Ce type d’entreprise, particulièrement dynamique, demande une très grande adaptabilité et réactivité dans le suivi des dossiers.

Contrairement à Madrid, où s’implantent des entreprises à grande dimension, la ville de Barcelone a investi fortement depuis quelques années dans l’attractivité des investisseurs de la tech, avec la mise en place d’aides publiques, le salon Mobile World Congress ou le nouveau quartier District 22@, quartier de Poble Nou, réhabilité en un nouveau "cluster" de la technologie et de l’innovation. Toutes ces initiatives nécessitent des accompagnements juridiques quotidiens que ce soit pour les structures tech ou tout l’environnement, toutes les sociétés qui se créent autour.

3/ M&B Abogados se présente comme une entreprise engagée dans la lutte pour l’égalité de genre, faisant foi notamment d’une proportion homme-femme peu commune au sein du monde juridique. Qu’en est-il exactement ? Comment cela se traduit-il au sein de l’entreprise ? Comment le vivez-vous au quotidien ?

En effet, nous sommes un cabinet d’avocats majoritairement féminin avec 80% de femmes, des associé.es aux fonctions support. En 2022, en France, les femmes représentent 57,5% de la profession et en Espagne 53%. Notre cabinet fait donc figure d’exception. Au sein de notre structure, les recrutements ne se sont bien évidemment pas faits sur la base du genre mais sur des profils et des compétences. Les associé.es, qui ont, elles et eux-mêmes, en partie travaillé au sein de grands cabinets, ont toujours eu à cœur de créer un cabinet à taille humaine et de respecter et de promouvoir les valeurs de bien-être au travail et de conciliation de la vie professionnelle et personnelle, ce qui est particulièrement précieux dans cette profession autant pour les hommes que pour les femmes, mais qui a malheureusement trop souvent desservi les femmes. Par ailleurs, ce qui est très important selon moi, c’est d’avoir des modèles d’avocates qui ont ouvert la voie et auxquelles on peut s’identifier, notamment sur la génération au-dessus de la mienne qui m’est très inspirante et qui m’encourage à me dépasser et à lutter contre les visions patriarcales qu’on peut parfois rencontrer dans le métier ou dans la vie. Ma génération doit briser le plafond de verre car nous avons souvent été formées mais pas préparées pour l’intégration dans le marché du travail.

4/ Qu’est-ce que l’appartenance de M&B à l’association Mujeres Avenir est susceptible de vous apporter à titre personnel et professionnel ?

Mujeres Avenir est une association de femmes professionnelles. Comme je l’ai dit, les choses changent par des référents, des figures inspirantes, comme les associées qui la composent. Pouvoir s’identifier à des femmes qui ont eu de grandes carrières professionnelles et qui continuent de travailler aujourd’hui à changer le monde et à le faire évoluer pour plus d’égalité. Cela passe aussi bien sûr par les lois et les changements ne vont pas s’accomplir sans un accompagnement juridique et des lois adaptées. La présence de M&B au sein de Mujeres Avenir est donc aussi importante pour apporter notre connaissance juridique dans ces réflexions et pouvoir ainsi comparer les actions législatives en France et en Espagne et faire avancer les débats et les réflexions. Grâce à cette dimension franco-espagnole, Mujeres Avenir porte le message que la sororité professionnelle n’a pas de frontière.