Édition internationale

Chine : les banques européennes au tournant

A l’heure d’une prise de distance réciproque entre les systèmes financiers chinois et américain, les banques européennes ont une carte à jouer en Chine. A moins que l’Union européenne ne s’aligne complètement sur les Etats-Unis…

Hong Kong banques européennes en ChineHong Kong banques européennes en Chine
Les banques françaises sont présentes en Chine depuis longtemps (affiche "Emprunt de la Paix" de l'imprimerie Crété).
Écrit par Guillaume Clément
Publié le 31 août 2025

Opportunités de friendshoring

Dans l’industrie, le friendshoring (ou allyshoring) est une stratégie de multinationales qui cherchent à délocaliser une partie de leur chaîne d’approvisionnement dans un pays ami pour éviter les risques géopolitiques. Par exemple, Apple a relocalisé une partie de sa production d’IPhones en Inde pour éviter d’être trop dépendant de la Chine en cas de détérioration des relations sino-américaines.

Cette tendance ne se limite ni à un seul sens, ni à un seul secteur. Aujourd’hui, la Chine cherche également à ne pas dépendre trop des Etats-Unis, et le domaine financier est au moins autant sujet aux considérations géopolitiques que l’industrie. En particulier, un événement du printemps a crispé les acteurs du secteur. En avril, un membre de la chambre américaine des représentants, le républicain John Moolenaar, a envoyé une lettre à Jamie Dimon, le PDG de JP Morgan, et à Brian Moynihan, son homologue de Bank of America, leur demandant de se retirer du dossier d’IPO du fabricant chinois de semi-conducteurs CATL à la Bourse de Hong Kong. Malgré la fin de non-recevoir des deux patrons de banques, cette tentative d’intervention politique dans le monde des affaires a créé un climat de méfiance des Etats-Unis en Chine.

Déjà des progrès

Dès lors, les banques européennes ont pu être perçues comme une possibilité de diversifier les partenariats pour les agents chinois à besoins de financements. Sur l’IPO majeure de CATL, la banque suisse UBS et la française BNP Paribas ont participé aux côtés des deux américaines. L’enjeu est majeur pour les acteurs financiers européens : ce secteur des introductions en bourse est en pleine expansion en Chine, et notamment à Hong Kong.

Dans le même temps, les financements intermédiés plus classiques deviennent aussi une cible majeure pour les banques européennes. Ainsi, Crédit Agricole et Deutsche Bank sont bien placés, aux côtés d’HSBC, dans le domaine des pandas bonds, ces émissions en yuans transformées en euros. Or, aujourd’hui, de nombreuses entreprises chinoises ont besoin de financements internationaux pour viser les marchés étrangers, à l’instar de BYD ou de CATL qui envisagent d’ouvrir des usines en Occident.

Enfin, il ne faut pas oublier le domaine de la gestion d’actifs. Dans une Chine où le taux d’épargne dépasse les 40%, le marché potentiel dans ce domaine dépasserait les 7.000 milliards de dollars US. Traditionnellement, une partie de ces économies étaient placées in fine aux Etats-Unis, par exemple dans des bons du Trésor. Aujourd’hui, les gestionnaires d’actifs chinois cherchent à diversifier leurs placements tout en gardant une certaine sécurité, que pourrait leur apporter l’Europe.

Mais l’UE est sous pression

Patatras ! Au mois de juillet, une décision de l’UE a miné une bonne partie de la confiance chinoise dans cette sécurité des placements en Europe. En effet, le 18 juillet, dans son dernier volet de sanctions contre la Russie, l’UE a annoncé des mesures contre deux petites banques chinoises basées dans des villes proches de la frontière : la Suifenhe Rural Commercial Bank et la Heihe Rural Commercial Bank.

De la même façon que les droits de douane décidés initialement par l’UE contre les véhicules électriques chinois ont entraîné une sorte de guerre commerciale entre les deux entités géographiques, cette mesure communautaire pourrait entraîner une même défiance dans le domaine financier. En effet, pour que les banques européennes puissent prendre des parts de marché à leurs homologues américaines, il faut qu’elles puissent présenter moins de risques politiques. Or, cette décision montre que dans l’Union européenne aussi, ces aléas existent.

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