En état de sécheresse depuis trois ans, l’Afrique Australe a presque oublié la couleur de la pluie. Au Cap, deuxième plus grande ville d’Afrique du Sud, les 4 millions d’habitants sont soumis à un régime strict. Objectif : repousser l’inéluctable « Day Zero ».
« Day Zero ». Non, ce n’est pas le titre du prochain blockbuster américain mais le jour où les habitants du Cap, capitale législative de l’Afrique du Sud, vont se retrouver sans aucun accès à de l’eau potable. Selon les autorités locales, la date couperet est estimée au 12 avril prochain.
Face à un défi d’une envergure colossale, des mesures sont déjà édictées. Depuis le 1er février, chaque habitant a droit à 50 litres du précieux liquide, à la fois pour boire mais aussi pour se laver, cuisiner, faire la lessive… Pas une goutte de plus. À titre de comparaison, un Américain consomme en moyenne 300 litres par jour, un habitant de Dubaï ‘’se contente’’ lui de 500 litres tandis qu’un Français consomme environ 150 litres. Face à une situation difficilement supportable, Le SA First Forum, un groupe de protestation citoyen sud-africain, est monté au créneau. « Nous voulons que les autorités prennent leur responsabilité et qu’il y ait des conséquences pour cette erreur monumentale de gestion de l’eau au Cap », s’est indigné le groupe dans le journal sud-africain The Citizen.
A la recherche de l’or bleu
Outre les restrictions coercitives pour les habitants, les autorités mettent en place d’autres mesures afin de limiter l’impact d’une pénurie maintenant quasi-certaine. Des opérations de forages dans les nappes souterraines ont été menées par la municipalité dans l’optique de pomper le très recherché « or bleu ». De plus, 200 points de distribution d’eau ont été aménagés à travers toute la métropole du Cap. Pour autant, le dispositif semble bien insuffisant pour espérer rationner, même en quantité minimale, l’ensemble de la population d’une si grande ville. Et avec si peu de points de rationnement, les habitants risquent de se marcher les uns sur les autres. La situation orageuse, couplée aux tensions déjà pesantes, risque de devenir rapidement ingérable.
Les autorités locales ne sont pas les seules à s’attaquer à ce défi régional capital. De leur propre chef, certaines écoles organisent des opérations de sauvegarde de l’eau. Le Lycée Pinelands High School a déjà mis en place une politique de gestion de ses réserves hydriques. Prochaine mesure : le passage à un système de toilettes sèches. Les différents établissements scolaires de la région se sont consultés afin de trouver des moyens de limiter gaspillages et dépenses inutiles. De leur côté, les responsables du lycée Bergvliet High School ont opté pour un tableau de bord : les élèves devront, avec un système de roulement, rapporter leur propre bouteille d’eau.
Une conséquence directe et dramatique du dérèglement climatique…
Depuis maintenant trois ans, l’Afrique Australe est en état de sécheresse historique. Malgré de fortes précipitations durant l’été 2017 dans la région, El Niño a bouleversé le rythme des pluies en déplacement les précipitations vers l’est. Aucune goutte de pluie n’a touché le sol du Cap depuis bien longtemps. Résultat : les réserves d’eau sont tombées au-dessous de 27 % de leur capacité. C’est un fait avéré, les robinets Captowniens sont sur le point de s’assécher. Une conséquence directe et dramatique du dérèglement climatique. La Première ministre du gouvernement de la province du Cap-Occidental, Helen Zille, continue d’exhorter ses concitoyens à prendre au sérieux l’alerte sur la crise de l’eau.
… ponctuée de querelles politiques dérisoires
Malgré l’ampleur de la menace, pour Nomvula Mokonyane, en charge du ministère de l’Eau et de l’assainissement, pas question d’aider financièrement la région. La ministre a invité l’opposition à ne pas esquiver ses responsabilités et à arrêter de rejeter la faute sur le gouvernement national. Pour rappel, le Cap Occidental est entièrement dirigé par l’Alliance démocratique, le principal parti d’opposition sud-africain. Voilà probablement l’une des principales raisons de la réticence de la ministre.
Outre les querelles politiques, l’intérêt devrait avant tout être porté aux populations. De leur côté, des résidents du Cap vivant dans des bidonvilles ont rappelé que « pour économiser de l’eau, il fallait déjà en avoir à sa disposition. »