Les Fallas, une fête monumentale qui s’intensifie au rythme des mascletas quotidiennes pendant 19 jours. Une profusion de musiques, de galas, d’événements et de pétards à vous faire perdre la tête. Mais aussi des concours, des compétitions et une concurrence acerbe entre les Casals Fallers. Car si la convivialité et la cohésion sont les maîtres mots de ce festival, tout n’est pourtant pas tout rose derrière les jolies statues colorées.
Des concours à profusion
La vie d’un casal faller est rythmée par différents concours organisés tout au long de l’année et pendant les Fallas : championnats de sport, tournois d’échec et de « parchis » (les petits chevaux), mais également concours de la plus belle crèche de la nativité et de … playback ! Toutes les activités de l’association durant l’année sont consignées dans un livre qui fait lui aussi l’objet d’un concours. A en perdre la tête !
Certains événements des Fallas font également l’objet de concours. Si l’on a tous en tête les plus belles illuminations de rue dont le quartier de Ruzafa est le souverain, on oublie parfois que les Casals Fallers qui participent à la Cavalcade del Ninot participent à une compétition. Ainsi, un jury évalue l’unité thématique, l’originalité, l’intention satirique, l’action et les mouvements des participants lors du défilé.
Ninots indulats, la gloire avant tout
Ouverte dès le premier samedi du mois de février, l’exposition des Ninots attire des dizaines de milliers de visiteurs. En 2017, pas moins de 85.000 personnes étaient venues contempler les figurines et prendre part au vote pour sauver des flammes leurs statues préférées.
Tous les moyens sont bons pour « sauver » son ninot. C’est pourquoi certains artistes des grandes commissions falleras privilégient depuis quelques années cet aspect de la compétition et réalisent des ninots qui n’ont strictement rien à voir avec le thème de la sculpture principale. Ce fut le cas en 2018 avec le Ninot indulat de la Falla Almirant Cadarso – Comte d’Altea de l’artiste Manuel Algarra qui mettait en scène deux petites filles devant une bibliothèque et qui ne correspondait en rien avec le thème de la sculpture : En busca de El Dorado.
Les artistes Falleros le savent : ce sont les sculptures représentant des éléments familiers, des scènes de vie quotidienne contemporaine ou plus ancienne, des enfants et leurs grands-parents, bref, tout ce qui peut toucher la corde sensible des visiteurs qui leur permettra d’obtenir un vote. Au risque de perdre la cohérence.
L’argent, le nerf de la guerre
Mais le concours le plus attendu reste bien évidemment celui de la plus belle sculpture avec la catégorie reine : les Fallas Especiales qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de mètres de haut … et plusieurs centaines de milliers d’euros de budget. En 2009, l’une d’entre elles avait couté plus de 900.000 euros (certains avancent même le chiffre d’un million d’euros !). Mais depuis quelques années, le prix des sculptures des Fallas Especiales a été revu à la baisse (merci la crise !) et en 2019, ils fluctuaient entre 95.000 et 230.000 euros.
Il existe en tout 46 catégories ou sections, c’est-à-dire 23 sections de Fallas et 23 sections de Fallas Infantiles. Chaque section est limitée à 18 fallas maximum et c’est l’Assemblée Générale de la Junta Central qui valide la catégorie d’une falla. Les artistes falleros commencent ainsi dans les petites catégories et « sautent » d’une section à l’autre au fur et à mesure de leurs succès. Les Fallas de la catégorie « Especial », les plus prestigieuses n’ont aucun mal à trouver des sponsors et bénéficient d’un budget plus conséquent. Elles attirent ainsi les meilleurs artistes.
Le mercato des artistes falleros
C’est ainsi que les artistes ayant obtenu le premier prix de leur section se font recruter par les fallas des sections supérieures qui sont reparties bredouilles. Comme au football, c’est un véritable mercato qui se déroule dès la fin des Fallas avec des négociations, des petits arrangements, des pourparlers, et avouons-le aussi très souvent, quelques coups bas !
Un ancien vice-président d’une Falla de taille moyenne, nous a avoué que le choix d’un artiste fallero se fait par démarchage et par bouche à oreille : « Il faut être attentif à ce qui se fait chaque année. C’est pourquoi nous avons un œil attentif lors de nos ballades vers les autres monuments Fallero. On peut débaucher un artiste en lui proposant d’entrer en compétition dans une catégorie supérieure, en lui proposant un budget plus conséquent… Il n’y a pas vraiment de règlement établi et le dernier mot revient toujours à l’artiste ».
Mais nous n’avons survolé qu’une infime partie de la problématique, car le monde Fallero, à bien des égards, possède ses codes, ses règles qu’il est difficile de décrypter.
Shirley SAVY-PUIG
L'EXPAT GUIDE